10 axes pour une nouvelle politique étrangère, par Henry de Lesquen

10 propositions pour réorienter la politique étrangère de la France

 

1. La politique étrangère aura pour principes la souveraineté, le rang, la grandeur ; pour objectifs la puissance, l’indépendance, la paix.

Ces principes et ces objectifs sont-ils à la mesure de la France dans le monde présent ?

Certes, la France est bien plus petite que les Etats-Unis : moindre superficie, moindre peuplement, moindre produit intérieur, de l’ordre de 1 à 6 pour ces deux dernières grandeurs.

Mais, au-delà des paramètres géographiques, démographiques, économiques, facteurs incontestables de puissance, celle-ci est d’abord affaire de volonté. A cet égard, deux exemples sont remarquables. L’Etat d’Israël est minuscule. Pour autant, bénéficiant de l’action de groupes de pression qui défendent ses intérêts, principalement aux Etats-Unis, mais aussi en France, et fort de l’énergie et de l’habileté diplomatique de ses dirigeants, l’Etat hébreu parvient souvent à imposer ses vues. Quant à la Russie, bien qu’elle ait été amputée à la chute de l’URSS d’une large partie des territoires que conquirent les tsars et même de son berceau historique, l’Ukraine, le président russe, Vladimir Poutine, après la décennie de chaos qui suivit cette chute, s’est employé à restaurer le rang de sa patrie avec détermination et persévérance.

La puissance ne se confond donc pas avec la force. Cette dernière est un moyen au service de la première. Une force, même limitée, permet de tenir son rang si elle est utilisée au service d’une ambition et à bon escient. D’où découle le concept de diplomatie asymétrique à l’instar de la guerre asymétrique.

S’agissant des guerres asymétriques, n’oublions pas que les Etats-Unis ont perdu, au moins politiquement, toutes les guerres qu’ils ont engagées depuis la fin de la seconde guerre mondiale (Vietnam, Afghanistan, Irak, etc.)… à l’exception de l’invasion de la Grenade.

Pourtant, les Etats-Unis ont remporté ce qui fut appelé la « guerre froide », pendant laquelle les pays occidentaux se sont blottis sous la protection américaine pour contrer la menace de la « superpuissance » soviétique.

Or, il s’avère que les rapports de la CIA, qui servaient de référence, surestimaient incroyablement le produit intérieur brut de l’URSS, l’évaluant à un peu moins de la moitié du produit américain, alors qu’il ne représentait en fait que 15% de celui-ci. Trois fois moins que ce qui nous était dit à l’époque ! Ces données falsifiées ont conduit des économistes renommés, comme Paul Samuelson, prix Nobel, dans son manuel classique, L’Economique, à annoncer que l’URSS rattraperait et dépasserait inéluctablement les Etats-Unis en termes de produit intérieur avant la fin du XXe siècle… On sait ce qu’il en a été. Après la chute du Mur de Berlin en 1989, les dirigeants de l’Allemagne de l’ouest commirent vis-à-vis de l’Allemagne de l’est la même erreur d’appréciation quant à la réalité économique de ce pays communiste.

La France avait donc en fait un PIB de même niveau que celui de l’URSS ! Assurément moins vaste et moins peuplée, elle aurait pu quand même faire valoir une position stratégique et diplomatique comparable à celle de l’URSS, d’autant qu’elle avait aussi une force de frappe nucléaire.

La France a les moyens d’une grande politique extérieure que les présidents qui se sont succédés à la tête de l’Etat depuis les années soixante-dix ont été incapables de conduire.

Aujourd’hui, si la Russie s’impose comme une puissance de premier rang, il n’y a aucune raison que la France n’occupe pas aussi une place majeure sur la scène internationale. Sa puissance économique est égale sinon supérieure à celle de la grande nation eurasiatique (selon les statistiques de la Banque mondiale pour l’année 2014, les produits intérieurs bruts évalués en dollars courants sur la base des taux de change officiels de leurs devises sont respectivement de 2.829 milliards pour la France et de 1.860 milliards pour la Fédération de Russie). S’il existe une nette différence du point de vue des ressources naturelles, la France dispose certainement de réserves considérables de gaz de schiste qu’elle se refuse à exploiter.

Encore faut-il que notre pays engage le redressement de son économie, caractérisée par un taux de chômage élevé et une dette publique en augmentation constante. L’inversion des flux migratoires et l’assouplissement du code du travail sont des conditions nécessaires à ce redressement. Les Suisses, par exemple, ont un revenu par habitant supérieur de 80% à celui des Français, sans code du travail. Le redressement exige aussi une politique favorable à la natalité, dont l’interdiction de l’avortement serait une composante.

Parmi ses atouts relatifs, la France peut encore compter sur son armée, malgré les sacrifices qui ont été imposés à celle-ci. L’opération Serval conduite au Mali a démontré les capacités remarquables de l’armée française. Ces capacités ne sauraient être maintenues dans le temps avec des budgets tragiquement insuffisants. Il faudra relever le budget de la défense, qui devra atteindre 4% du PIB.

 

2. La constitution sera modifiée pour rétablir la primauté de la loi française sur le droit international.

Dans son article 55, la Constitution de la Ve République a reconnu aux traités internationaux une autorité supérieure à celle des lois. Depuis lors, la France est enserrée dans un carcan de règles et de décisions émanant d’organismes supranationaux qui lui ôtent toute liberté dans la définition et dans l’application de son droit. Cette ingérence juridique n’a pas peu contribué à la substitution progressive du prétendu Etat de droit, c’est-à-dire en fait du gouvernement des juges, à l’Etat légal, fondé sur la suprématie du législateur et seul compatible avec la tradition républicaine.

La souveraineté du peuple français doit être rétablie dans sa plénitude par une réforme de l’article 55 afin d’assurer la primauté de la loi sur le droit international.

 

3. La France conduira la résistance à la superstructure mondiale (ONU, etc.) pour endiguer ses empiétements sur la souveraineté des États.

Le Carrefour de l’Horloge a contribué à faire connaître le concept de superclasse mondiale énoncé par Samuel Huntington. J’avais publié sur le site de Polémia un article relatif à cette superclasse mondiale, laquelle a fait l’objet d’un chapitre (« Les grands intérêts de la superclasse mondiale ») du dernier livre de Jean-Yves Le Gallou : Immigration – La Catastrophe – Que faire ?

Aujourd’hui, le Carrefour de l’Horloge lance une nouvelle expression : la superstructure mondiale. Celle-ci est constituée d’un grand nombre d’organismes : l’ONU et ses satellites tels que le FMI, la Banque mondiale, l’OMC, l’UNESCO, l’OMS, l’OMM (Organisation météorologique mondiale), le GIEC, mais aussi l’OCDE, et bien d’autres encore : la Cour internationale de justice qui siège à La Haye, créée en 1945 et qui fut substituée à la Cour permanente de justice internationale instaurée par la Société des Nations, la Cour pénale instituée par le Statut de Rome, le 17 juillet 1998, la Cour européenne des droits de l’homme, émanation du conseil de l’Europe. Enfin, l’Union Européenne, qui nous concerne au premier chef, et qui a été conçue comme une étape vers l’Etat mondial.

Outre ces organisations publiques, la superstructure mondiale a une autre composante, essentielle dans son fonctionnement : les ONG (organismes non gouvernementaux). Ces ONG visent par l’influence et l’infiltration à promouvoir l’idéologie cosmopolite en participant le cas échéant à l’ébranlement voire au renversement de gouvernements. La Russie de Vladimir Poutine et l’Inde de Narendra Modi ont pris des dispositions pour entraver la subversion effectuée par ces agents de l’étranger.

La superclasse mondiale établit son pouvoir d’une part grâce aux oligarchies cosmopolites qui se sont constituées dans chaque pays et qui en sont en quelque sorte la section locale, d’autre part, grâce à la superstructure mondiale qui est l’instrument de la subversion des peuples. C’est pourquoi aujourd’hui la lutte des classes se développe à l’échelle de la planète, opposant tous les peuples à la superclasse mondiale.

 

4. La France sortira de l’Union européenne et restaurera la monnaie nationale.

L’Union Européenne représente une pièce essentielle de la superstructure mondiale. La Commission européenne a pour fonction de soumettre les Etats grâce aux pouvoirs que lui ont transférés leurs dirigeants, en toute connaissance de cause. Les référendums récents prouvent que cette soumission va à l’encontre de la volonté populaire.

Aucune réforme positive de l’Union européenne ne peut plus être espérée. La France devra donc la quitter.

Le retrait de l’Union européenne implique l’abandon de la monnaie unique, qui serait d’ailleurs plus une scission vis-à-vis de la zone euro. Pour réussir ce retour à la monnaie nationale, il faudra une politique de rigueur dans la gestion des dépenses publiques.

 

5. Sur les ruines de l’U.E., la France fera naître une Europe des nations fondée sur une alliance de défense et un marché commun.

Tournant le dos à l’Union européenne, qui ne saurait d’ailleurs perdurer en l’absence de la France, celle-ci devra promouvoir dans la ligne de pensée définie par le général de Gaulle une Europe des nations. (L’expression Europe des nations est celle du Carrefour de l’Horloge, le Général usait du terme Europe des Etats. Mais les Etats ne sont pas toujours des nations. La Belgique en est un exemple.)

Dans cette conception, les nations, unies par leur appartenance commune à la civilisation occidentale, coordonneraient et associeraient leurs forces sans aliéner leur souveraineté.

Economiquement, il faudra reconstituer un marché commun ou un espace de libre-échange nécessitant un minimum de coordination des politiques économiques des Etats partenaires.

 

6. La France se retirera non seulement de l’OTAN, mais aussi de l’Alliance atlantique.

Une politique étrangère souveraine exige de s’émanciper de la tutelle américaine. Le maintien de l’Alliance atlantique après la chute de l’URSS contre laquelle elle avait été créée manifestait la volonté américaine de maintenir son hégémonie sur l’Europe.
De Gaulle avait décidé en 1966 de quitter l’OTAN, l’organisation militaire intégrée de l’Alliance. En sens inverse, alors qu’il feignait d’être gaulliste, Nicolas Sarkozy a achevé en 2009 la réintégration dans l’organisation amorcée par ses prédécesseurs.

A cette Alliance atlantique faite pour assujettir les nations européennes, la France proposera à ses voisins de substituer une alliance militaire européenne. Il s’agirait d’un pacte de sécurité mutuelle.

 

7. Pour faire pièce à l’impérialisme américain, la France se rapprochera de la Russie.

L’échiquier auquel fait référence Brzezinski dans son livre Le grand échiquier est l’Eurasie, là où il considère que se passe le jeu pour une domination mondiale. Selon ses vues, les Etats-Unis, pour maintenir leur suprématie mondiale, doivent interdire toute unité politique au sein de cette Eurasie et donc toute alliance susceptible de mettre en cause leur hégémonie.

Si la France doit prendre l’initiative de la formation d’une nouvelle alliance au sein de l’Europe occidentale, son intérêt est aussi d’établir des liens privilégiés avec la Russie, à laquelle la rattache des liens historiques et culturels. Dans l’action qu’il mène, Vladimir Poutine s’appuie sur un substrat de nature religieuse, culturelle et nationale qui coïnciderait avec certaines des options de la nouvelle politique française.

Sur le plan économique, les liens ainsi établis permettraient de favoriser les investissements français dans la Fédération de Russie et d’ouvrir de nouveaux débouchés à notre agriculture et notre industrie.

Ils favoriseraient une approche convergente des diplomaties respectives, particulièrement au Proche-Orient, où il s’agirait d’offrir une option différente de la politique américaine de M. Obama en vue de restaurer la paix et la stabilité de la région.

 

8. La France fera rayonner la langue et la culture françaises dans le monde et s’opposera au monopole de la langue anglaise.

Le rayonnement culturel de la France et de sa langue constitue un axe essentiel de la politique étrangère proposée. Cette politique d’influence s’adressera en premier lieu aux pays membres de la francophonie afin d’y fortifier et d’y développer l’usage de la langue française, l’apprentissage de la culture littéraire de notre pays, de ses arts et de ses sciences. Un effort important est d’autant plus justifié que la France se trouve confrontée aux menées anglo-saxonnes dans les aires géographiques concernées.

 

9. La France portera en 5 ans les dépenses militaires à 4% du PIB (moins de 2% actuellement).

Depuis plusieurs décennies la part de la richesse annuelle produite affectée à la défense du pays est en constante diminution. En 2015, la France occupait le septième rang pour le montant de ses dépenses militaires alors que d’autres pays comme la Russie réalisaient un effort important (part du budget de la défense russe par rapport au produit intérieur : 5,4% en 2015, contre 4,5% en 2014 et 3,9% en 2011). Une hausse substantielle du budget de la défense nationale s’avère donc nécessaire pour permettre à la France de faire face aux menaces et de tenir son rang. Fortement engagées sur des théâtres d’opérations extérieurs et désormais requises pour assurer la sécurité intérieure, les armées doivent bénéficier d’un accroissement substantiel de leurs effectifs et de leurs moyens matériels. Parmi ces derniers figurent le renseignement, les capacités de projection et le renouvellement des véhicules. Pour sa part, la Marine devra être dotée d’un deuxième porte-avions nucléaire afin de maintenir la permanence en mer d’un groupe aéronaval.

 

10. Pour tenir son rang et préserver son indépendance, la France maintiendra et développera sa force de frappe nucléaire.

L’arsenal nucléaire dont dispose la France doit être accru pour maintenir le principe d’une défense tous azimuts et adaptée aux évolutions techniques dans un contexte où le nombre de pays qui détiennent l’arme atomique risque de s’accroître. Deux sous-marins nucléaires lanceurs d’engins, au moins, devraient patrouiller simultanément en mer. Il serait aussi nécessaire de réinstaller sur le territoire un groupement de missiles stratégiques sol sol, au plateau d’Albion ou ailleurs. En outre, un haut niveau de recherche doit être maintenu tant au niveau de l’arme (charges à variation de puissance ou à faible puissance, par exemple) que des moyens de transport (missiles, sous-marins, avions).

 

 

Henry de Lesquen

Président du Parti national-libéral

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