Lettre ouverte à Eric Zemmour. Par Raphaëlle Auclert
J’ai lu votre Suicide français (2014), où sont exposées les raisons de la décadence française. L’effervescence médiatique qui a suivi sa parution s’étant maintenant dissipée, je souhaiterais vous faire part de quelques réflexions.
Sur les présupposés
Si j’approuve l’entreprise qui consiste à vous pencher sur la « malade France », je ne peux en revanche partager les présupposés qui sous-tendent le propos. Tout d’abord, comme l’indique le titre du livre, vous considérez que les Français ont été eux-mêmes les acteurs des bouleversements qu’a connus le pays depuis 1970 – ou tout du moins, qu’ils y ont consenti de leur plein gré. Ainsi, dans votre récit, tout se passe comme si les choix des hommes politiques n’avaient été dictés que par la volonté du peuple. Ce qui, bien évidemment, est faux. Comme vous ne pouvez l’ignorer, les promesses électorales n’engagent que ceux qui y croient et le principe-même de la représentativité démocratique implique que, paradoxalement, les électeurs renoncent à leur souveraineté pour pouvoir l’exercer. Entre alors en jeu le principe de confiance liant les gouvernants aux gouvernés, et dont les premiers ont abusé sans vergogne, que ce soit dans le domaine de l’immigration (a-t-on un jour interrogé les Français sur la question ? Par exemple, le regroupement familial a-t-il fait l’objet d’un referendum ?), la gestion du budget (on serait en peine de citer un homme politique de premier plan qui n’ait été impliqué dans un scandale financier) ou encore la construction européenne, vers laquelle les Français ne marchent qu’à reculons, tant et si bien que l’on fait désormais l’économie de les consulter sur le sujet. En minorant la trahison – ou, pour être optimiste, le dévouement relatif – des élites, vous confondez à peu de frais le masochisme et la contrainte, le suicide et l’assassinat. Le « nous » expiatoire que vous scandez d’un bout à l’autre du livre (« C’est cet héritage millénaire que nous avons bazardé en quarante ans. Nous avons aboli les frontières… », p. 526) me paraît donc inapproprié, car il associe les Français à une politique qu’on leur a dissimulée pour mieux leur imposer.
De surcroît, non content de faire du peuple l’artisan de son propre malheur, vous suggérez que ce malheur est mérité ; à maintes reprises, au détour d’une phrase rappelant un fait historique, vous ajoutez des jugements de valeur qui ne sont fondés sur rien et tendent systématiquement à dénigrer les Français, et en particulier les hommes (j’y reviendrai). Pour ne citer que quelques exemples : de Gaulle « dirigea un peuple qui se voyait comme un ramassis de pleutres et de collabos » (p. 22) ; « l’avilissement des soldats dans la boucherie de la Première Guerre mondiale (…) encouragea les hommes à jeter aux orties le fardeau qu’ils avaient entre les jambes » (p. 32) ; « cet élan vital qui n’existe plus chez [les] hommes en temps de paix » (p. 133) ; « les vieux peuples fatigués d’Europe » (p. 71).
Si l’on vous suit, on en viendrait presque à croire que les millions de martyrs qui ont été gazés, déchiquetés et enterrés dans la boue des tranchées auraient de quoi avoir honte d’eux-mêmes ! Ces hommes, qui ont enduré les pires souffrances et se sont sacrifiés pour sauver la Patrie, peuvent-ils honnêtement être traités d’eunuques ? Vous, je serais curieuse de vous voir à l’œuvre dans une tranchée ; garderiez-vous votre froideur lasse en pensant au suicide et à la mort quand ces mots ne seraient plus métaphores de salon, mais des réalités qui s’abattent sur vous en pluie d’obus ? En outre, les mutineries de 1917 prouvent que les soldats allemands comme français refusaient cette guerre et vous voudriez qu’ils portent l’opprobre de la violence qu’on leur a faite ? Surprenant. Ce ne sont pas eux qui ont été « avilis » par la guerre, mais les gouvernants européens et leurs alliances hasardeuses qui ont sur les mains le sang de toute une génération.
Bien évidemment, comme vous nous l’expliquez, il va de soi que ce « ramassis » ne pourrait être sauvé. Héritier indigne de la noble tradition française, il serait par avance condamné. Les plus grands succès de la France étant désormais derrière nous, la voilà, telle un écrin vide, une vieillarde ménopausée qui n’aurait plus rien à offrir au monde sinon sa sortie de scène sur la pointe des pieds. Ce discours défaitiste et francophobe, engagé dans Mélancolie française, s’est teinté dans le Suicide de ce qu’il conviendrait d’appeler un sado-narcissisme triomphant : il y a bien un malin plaisir à flatter excessivement les heures de gloire de la France pour mieux souligner par contraste une déchéance qui semble aussi pathétique que définitive : « Paris est la capitale du monde. Pour la deuxième fois (…). Pour la dernière fois. » (p. 19) ; « la « grande Nation » n’était plus la France, mais les Etats-Unis » (p. 48) ; « la Chine de l’Europe avait passé le relais à la vraie Chine » (p. 49) ; « la France avait pris l’habitude d’imposer ses (…) foucades (…) à un univers pâmé devant tant de merveilles (…), elle se voit contrainte d’ingurgiter des valeurs aux antipodes des siennes » (p. 527). Mais intéressons-nous plutôt au contenu explicite de votre essai, qui à mes yeux s’apparente moins à un tableau objectif de la France au tournant du XXIème siècle qu’à une nécrologie d’un pays que vous enterrez vivant.
Cinq cents pages de nécrologie
En Léon Zitrone des jours de deuil, vous ne manquez pas, dans votre oraison funèbre, de revenir sur les moments ou personnages marquants de la défunte, à savoir principalement la Révolution française et le général de Gaulle – autrement dit, les deux énormes bobards sur lesquels est campée la mythologie de la Vème République.
Votre Révolution française est une révolution du bicentenaire, « victoire du peuple contre les aristocrates » (p. 12) qui aurait mis fin à la tyrannie séculaire des rois et permis l’avènement de la trilogie vertueuse liberté-égalité-fraternité. La régression sociale terrifiante qui a suivi comme les chefs-d’œuvre de la monarchie passent pour quantité négligeable. Gardons à l’esprit que sans la révolution ni le décret d’Allarde qui « libère » (de nos jours on dirait précarise) le droit du travail, il n’y aurait pas eu les Cosette de Victor Hugo ni leurs arrière-petites-filles smicardes ou chômeuses. Au moment du bicentenaire, on n’aimait guère les historiens qui voulaient gâcher les réjouissances générales en niant le caractère spontané et unanime de 1789, dont l’impudence allait jusqu’à s’intéresser au génocide vendéen. On tenta (sans succès) de les acheter pour revenir au concept de « révolution-bloc » cher à Clemenceau : « J’approuve tout de la Révolution. J’approuve les massacres de Septembre où pour s’éclairer, la nuit venue, les travailleurs plantaient des chandelles dans les yeux des morts (…) J’approuve les horreurs de Lyon où on attachait des enfants à la gueule des canons, et les égorgements de vieillards de quatre-vingt-dix ans et de jeunes filles à peine nubiles. Tout cela forme un bloc glorieux et je défends qu’on y touche. » Ces dernières années, sous les coups de boutoir d’historiens dissidents, tels Marion Sigaut, le mythe d’une révolution venue du peuple est en train de s’effondrer, comme cela arriva à la forteresse de la Bastille (qui d’ailleurs était presque vide le 14 juillet). La seconde idole de votre panthéon est de Gaulle, que vous comparez sans rire à Napoléon et à Saint-Louis (p. 21). On croit rêver quand on sait que cet illustre « chef de la France libre » – qui n’a du reste jamais été à l’origine d’aucun mouvement de résistance – s’était fait promettre le 16 juin 1940 par le général Spears la nationalité britannique et la solde de général anglais si la France venait à perdre la guerre (1). Durant la guerre d’Algérie, peut-on croire un instant au patriotisme de ce personnage qui a transformé une victoire militaire en débâcle, donné l’ordre aux soldats de garder l’arme au pied quand les populations civiles se faisaient massacrer par le FLN et offert le Sahara et ses richesses à l’Algérie qui ne l’avait jamais conquis (2) ? Quelques années plus tard, concernant la politique intérieure de la métropole, vous regrettez que « Mai 1968 ait été le grand dissolvant de la République gaullienne » (p. 523), oubliant que le 28 février 1968 déjà, sous la houlette du ministre de l’Education Alain Peyrefitte, le conseil des ministres approuvait la « rénovation pédagogique » qui ébranla l’édifice de l’enseignement traditionnel. Loin d’avoir été un homme providentiel, les résultats funestes de la politique de de Gaulle illustrent que « le pouvoir qu’il [assumait] n’[était] pas fait pour le bonheur des hommes mais pour que se réalise l’idée qu’il avait de lui ». A l’opposé de vos mythes fondateurs, vous considérez également les ennemis de la France, ceux qui auraient été à l’origine de sa perte : la révolution culturelle et morale de Mai 1968.
1968 et le féminisme/la féminisation de la société.
Commençons par le second, qui serait un des effets du premier. Vous n’avez pas saisi la nature des relations entre hommes et femmes dans le pays. La France, pays catholique, possède une culture fondée sur le matriarcat. Albert Camus ne fait-il pas dire à son héros de La Chute : « J’ai toujours trouvé la misogynie vulgaire et sotte » ? Cela ne signifie pas que les femmes écrasent les hommes, mais que la femme – plus exactement la mère – est considérée comme le centre de gravité de la famille, de la société, de l’ordre du monde : en témoignent le culte de la Vierge, la tradition chevaleresque avec l’amour courtois, le romantisme, les épisodes de régence dans la royauté et bien d’autres exemples jusqu’à nos jours, à l’instar de ces séries télévisées où une femme, qui est toujours mère, exerce une fonction d’autorité (Julie Lescaut, Une femme d’honneur, etc.). C’est aussi la raison principale du succès de Marine Le Pen, la « petite mère du peuple [français] ». A la différence du protestantisme ou de l’islam, pour qui seule fait autorité la violence associée au patriarcat, le catholicisme reconnaît la force vitale suprême de la mère. Vous-même rappelez d’ailleurs avec ironie que l’ouvrier s’empressait de remettre sa paye à sa « bourgeoise » (p. 32), détail laissant deviner qui présidait vraiment aux dépenses du foyer.
Cela posé, la violence que vous croyez subie par les hommes (thèse développée dans Le Premier sexe) ne leur est pas réservée et frappe de plein fouet toute la société. A la différence des mouvements européens du début du siècle précédent qui revendiquaient l’égalité civique, ce courant soi-disant « féministe » tel qu’il s’est développé aux Etats-Unis ne sert en rien la cause des femmes. Leur seul résultat est de créer une atmosphère de méfiance entre hommes et femmes que je qualifierai de « climat de guerre ». En effet, lorsqu’une troupe envahit un pays ou une ville, les soldats menacent de violer les femmes et les femmes se montrent menaçantes pour se défendre et protéger leur foyer (comme le font les fameuses « Chiennes de garde »). Eh bien, voyez-vous, en avançant que « les publicitaires (…) s’allièrent aux femmes et aux enfants contre les pères » (p. 31), vous reprenez parfaitement ce schéma des « féministes » : elles vocifèrent au prédateur, vous feulez contre les hystériques agressives, oubliant au passage que la véritable violence n’est pas sexiste, mais sociale ; dans la société traditionnelle, en quoi le sort du paysan ou de l’ouvrier qui travaillait très dur au champ ou à l’usine était-il plus enviable que celui de sa femme qui s’occupait du foyer et des enfants ? En outre, bien souvent (comme chez les mineurs), hommes, femmes et enfants étaient tous exploités, indistinctement. Le résultat de ces théories fumeuses est qu’aujourd’hui beaucoup d’hommes sont privés de tout soutien ou douceur féminine ; dans le même temps, combien de femmes ont oublié les charmes d’une attention galante et le réconfort de se sentir protégées ? Comme vous le mentionnez, c’est le parlementaire Tisserand qui a fait supprimer le terme de protection (p. 33) et non l’issue d’un referendum féminin ; cette « conquête émancipatrice » n’était donc pas menée par les intéressées, mais à leurs dépens.
A y regarder de près, pas davantage que les Poilus déjà évoqués vous ne défendez les hommes français ; vous les regardez se débattre dans la tranchée froide et hostile où ils ont été jetés, malgré eux et malgré les Françaises (qui sont implicitement accusées d’être complices de cet état de fait). Contrairement à ce que vous prétendez, les femmes, les mères, ne sont pas les ennemies de la France, mais son fondement civilisationnel. Le « féminisme » outre-Atlantique tend, lui, à nier la nature maternelle de la femme ; cette version américaine de la libération des femmes, apparue dans un pays protestant, donc étranger au matriarcat, n’est, comme l’immigrationnisme, qu’un moyen de mettre en concurrence des unités de force de travail, à la manière de deux boxeurs ; il rogne leurs prérogatives symboliques, créant frustrations, perte de repères et affaiblissement de la famille. Les manifestations culturelles de ce rapport contre-nature ne sont que des produits dérivés.
La deuxième cause du déclin français est pour vous la révolution de Mai 1968. Or, vous confondez la cause et l’effet : Mai 1968 est lui-même une conséquence de la politique d’acculturation américaine menée en France (et en Europe) depuis l’occupation américaine à la fin de la guerre (3). Preuve en est que l’Europe entière est désormais convertie à la culture de masse libertaire anglo-saxonne sans que chaque pays ait pour autant connu d’épisode analogue à mai 1968. Le peuple français a été depuis cette période assidûment « rééduqué » ; dans ce processus, les élites françaises ont joué le rôle de courroie de transmission.
Le résultat de votre démonstration est des plus néfastes, puisqu’il présente l’image d’un pays en pleine décadence sans prendre en compte la guerre culturelle et spirituelle menée contre les Français. Oui, depuis quarante ans, le peuple se voit imposer une culture hors-sol de plus en plus agressive envers ses valeurs et de plus en plus prégnante dans le paysage médiatique. Cela posé, on comprend mieux l’origine du marasme et le déclin ne semble plus aussi inéluctable que vous le laissez entendre. On s’enhardit un instant à poser le miroir déformant que vous tendez à la France, montrant une vieille femme moribonde. En effet, chez vous, aucune trace de cette jeunesse pleine de vie et de révolte qui défilait à la « Manif pour tous », ni (excepté sur le mode sarcastique) des trésors de beauté naturels, architecturaux et humains de notre patrimoine ; c’est à se demander pourquoi le monde entier se presse de venir admirer ce qui n’est à vos yeux qu’un tas de ruines fumantes. Dans votre France, tout est détruit et même ce qui tient encore debout cache des fissures sous la façade, « tout est dévasté » (p. 10). Pardi, quel amoureux singulier de la patrie de Descartes faites-vous, lorsque vous invoquez les ennemis qui ont démembré le pays comme emblèmes de son intégrité ? A une France attaquée et désorientée, votre livre (ou plutôt votre glas) offre comme ultime secours des pères autoritaires, une laïcité matérialiste et désabusée pour principe directeur et la fin du monde – français – pour horizon ; c’est tout ignorer d’une nation dont les fondements identitaires sont la mère, le catholicisme et l’immortalité.
Le « Zemmour Code », logiciel de l’idéologie dominante
Pour vous dire le fond de ma pensée, votre texte ressemble étrangement à un livre de commande. Et, même si ce n’était pas le cas, il remplit ce rôle mieux qu’aucun Hollande ni aucun Valls ne pourraient l’espérer. Pourquoi ?
Premièrement, il ne fait qu’égrener des évidences : appauvrissement, crise économique à l’origine d’un certain désarroi chez la population, acculturation américaine proportionnelle à une déchristianisation et une défrancisation générale du pays, invasion migratoire… il suffit de prendre le métro ou d’écouter cinq minutes la radio pour s’en rendre compte. Il n’y a donc là rien de révolutionnaire. Critiquer la mondialisation est dans l’air du temps : même Georges Soros s’y est mis en condamnant le « fondamentalisme de marché ». C’est dire…
Deuxièmement, tout en constatant les problèmes, à aucun moment vous ne remettez en cause les piliers de la doxa actuelle : la Révolution française, de Gaulle, mais aussi l’immigration. Cette-dernière serait un phénomène aussi naturel que le cours des rivières, alors qu’elle n’a été sollicitée en France que depuis la IIIème République (suivie par des retours majoritaires dans les années 1930) et accélérée de manière exponentielle depuis 1976 avec la loi sur le regroupement familial ; de plus, elle a partout et toujours été combattue, dans les pays d’émigration comme par exemple le Maroc ou l’Algérie, qui pratiquent envers les populations subsahariennes une politique nettement moins accueillante que celle dont ils bénéficient en France. Les Etats-Unis, à travers Nixon notamment, apparaissent comme un gentil oncle avisé et compatissant à l’infortune d’une vieille amie. Tout est donc conforme à la « ligne du Parti mondialiste ». Noël Mamère et Patrick Farbiaz voient juste en vous qualifiant de néoconservateur et en dénonçant votre discours victimaire, de même que l’« usurpation d’identité » qui consiste à vous présenter comme le « représentant des sans-voix » alors que vous êtes « tout sauf extérieur à la classe politico-médiatique » (4). La seule différence entre ceux qui comme vous se prétendent de droite et les socialistes, c’est que vous dites préférer la France d’avant les changements et eux la France d’après. Ce qui ne vous empêche pas de saluer – ou en tout cas de tenir pour inévitables – tous les vecteurs de cette dégradation.
Troisièmement, malgré tout le mal que vous dites de la culture de masse récente, votre livre est un catalogue de tous les bibelots d’agit-prop qui ont été fourgués par nos ingénieurs des âmes depuis quarante ans, une sorte de compilation hétéroclite pour ceux qui, trop jeunes ou trop distraits, auraient manqué leur contamination par le virus franco-repentant et mondialophile. On a donc droit à Lili, que les écoliers de primaire étaient forcés de chanter à la kermesse, à Paxton dont le monopole sur l’histoire de Vichy est pointé du doigt sans que soient reconsidérées ses accusations antisémites ni pro-nazies envers Pétain, à la France black-blanc-beurre (devenu rance à Krishna douze ans après) et autres slogans de pacotille.
Vous allez encore plus loin : par un tour de passe-passe, vous parvenez à attribuer les messages du politiquement correct actuel à des œuvres qui, soit n’ont rien à voir avec ces idées, soit – encore mieux – les critiquent vertement. Il en va ainsi pour le film de Claude Sautet. Le repas où Michel Piccoli coupe la viande et subit les sarcasmes de ses comparses n’est pas, comme vous l’analysez, juste une « enfreinte à la hiérarchie anthropologique » (p. 132). A travers cette scène, c’est une critique évidente de la société postmoderne tout entière, puisque le seul personnage qui a réussi socialement s’est, pour y parvenir, assis sur ses principes, « s’est adapté, vit avec son temps ». Celui qui rêvait d’être médecin dans un dispensaire se trouve à travailler dans une clinique ; « il est au service du monde, mais du beau monde », ironise Serge Reggiani. Le film rétablit la véritable hiérarchie, qui n’est pas une question de taille du gigot ou de celui qui le coupe, mais de droiture morale. D’autres films de la même époque dénoncent les travers d’une société pervertie, à l’instar du Jouet (1976) de Francis Veber. Ce-dernier met en scène un grand directeur de journal (Michel Bouquet), monstre froid et méprisant, qui subit le désaveu insupportable de voir son jeune fils lui préférer un de ses employés (Pierre Richard) pour son grand cœur et sa simplicité. Bref, vous prenez tout au pied de la lettre et faites abstraction de la dimension satirique de ces œuvres. Votre lecture anachronique et au premier degré de la sémiotique culturelle française, qui vous échappe totalement, a pour résultat une dénaturation des symboles et du climat de l’époque : Depardieu et Dewaere dans Les Valseuses, ce sont bien davantage une allusion à la culture hippie, au retour à la nature sauvage typique des années 1970 que les premiers avatars des racailles qui braquent aujourd’hui les Franprix de Sarcelles…
Pire, votre approche littérale sur plus de cinq cents pages de toute cette production artistique, qui rappelle plus la lecture que font les Frères musulmans du Coran que l’étude attentive des modes d’expression d’un peuple avec son contexte et ses traditions, incite le public non averti à adopter la même. Puisqu’il a été question récemment d’enseigner le codage informatique à l’école, on peut dire que votre livre « encode » le public français à avoir une perception aussi erronée que lointaine de sa propre culture. Le « Zemmour code » programme des robots – sans premier ni deuxième sexe ! – à respecter les plus serviles et à mépriser ceux qui se trouvent marginalisés par le système. C’est un programme d’esclavage légitime. Décidément, les cadres du gouvernement devraient tous faire trôner votre portrait au-dessus de leur bureau !
Plus efficace qu’une milice chargée d’arrêter les opposants, votre livre les décourage de toute entreprise, tant il n’y a plus rien à défendre. Ces journalistes qui « écrivent, d’un air las et dédaigneux, les dernières pages de l’Histoire de France » (p. 527), vous en êtes, quitte pour cela à déformer, dénigrer, déshonorer tous et tout à votre guise. Contrairement aux attentes de ceux qui achètent votre livre en croyant y puiser les ressources d’un sursaut salvateur et en vous prenant pour un dissident, ils ne trouvent dans vos pages qu’un verdict partial et sans appel. La ciguë française, dont tous les médias nous abreuvent depuis deux mois, en aurait été le titre exact.
Cordialement,
Raphaëlle Auclert
1 Cette garantie est reprise et étendue aux hommes de de Gaulle dans l’accord qu’il signe avec Churchill le 7 août 1940 (article 3, alinéa 5). Pour plus de détails, voir Henri de Kérillis, De Gaulle dictateur, Librairie Beauchemin, Montréal, 1945.
2 René Rieunier, Réquisitoire contre le mensonge. Juin 1940-Juillet 1962, Nouvelles Editions Latines, Paris, 1962.
3 En avril 1949, le philosophe américain Sidney Hook (1902-1989), membre actif de la politique culturelle des Etats-Unis en Europe après la guerre, constate qu’à Paris « l’anti-américanisme est omniprésent (…) la rééducation informative du public français me paraît la tâche la plus essentielle et la plus urgente à laquelle doit s’atteler la politique démocratique américaine. » (Frances Stonor Saunders, Who Paid the Piper?, London: Granta Books, 2009, p. 70). Sur le même sujet voir, entre autres, Richard Kuisel, Seducing the French. The Dilemma of Americanization, London: University of California Press, 1993.
4 Noël Mamère et Patrick Farbiaz, Contre Zemmour. Réponse au Suicide français, Les petits matins, Paris, 2014, pp. 12 et 34.
Bonjour,
Lorsque j’étais responsable du Parti de la France pour la Moselle, j’avais organisé l’évènement dont vous trouverez le visuel ci-dessous en pièce-jointe. Plus de quatre-vingt personnes étaient venus assisté à cette conférence sur Metz. Aujourd’hui, face à l’immigration record du gouvernement Macron, une nouvelle conférence sera organisée. Le titre pourrait être : Comment lutter contre Le Grand Remplacement ? Dans ce cadre, nous aimerions que vous interveniez pendant cette conférence. Cordialement et à bientôt
Biry Dominique Droite Nationale Identitaire
Sieur de lesquen. Sachez que vous êtes véritablement insoumis ! Pourtant vous devez lutter contre un ordre cosmopolite hégémonique !
Bonjour Henry de Lesquen,
Vous vous faites rare ces derniers temps. Nous attendons avec impatience et intérêt un prochain billet de votre part
Quel commentaire ridicule à propos du général de Gaulle.. s’il fallait prendre pour argent comptant tout ce qu’a pu écrire dans ses mémoires l’immonde Spears, ça se saurait : elles sont truffées de mensonges et falsifications en tous genres, visant systématiquement à s’attribuer des mérites divers et à avilir de Gaulle. Lire à ce sujet notamment le livre de Philippe de Gaulle qui apporte de nettes réponses à un bon nombre des élucubrations de Spears.
Bravo
Il est bon de remettre Zemour à sa place.
N’oublions pas qui sont ces pervers infâmes qui ont pris les décisions politiques de destruction de la France.
Un livre honnête ne parlerait pas de « suicide » mais d’assassinat ou de génocide avec préméditation !
« […]à la France black-blanc-beurre (devenu rance à Krishna douze ans après) et autres slogans de pacotille.[…] » Mme Auclert ne faisait-elle pas plutôt allusion à la ville de KNYSNA, en Afrique du Sud ? https://fr.wikipedia.org/wiki/Knysna
Concernant De Gaulle:
Le général Spears travaillait pour l’Angleterre… Je ne pense pas qu’on puisse accorder beaucoup de crédit à ce genre de déclaration spécialement en temps de guerre.
il aussi dit concernant les tirailleurs sénégalais » ces hommes en uniforme ressemblaient à des singes habillés »