Esclavage : pourquoi on devrait nous dire merci !

ESCLAVAGE

POURQUOI ON DEVRAIT NOUS DIRE MERCI !

Par Pascal Domat

 

Grâce à qui le Conseil représentatif des associations noires de France (CRAN) peut-il fêter l’anniversaire de l’abolition de l’esclavage ? Grâce à la France. Alors, il est plus que temps d’en finir avec la repentance officielle et le sentiment de culpabilité de l’homme blanc.

 

Le 10 mai, le Conseil représentatif des associations noires de France (CRAN) célèbre l’anniversaire de la loi Taubira (2001), reconnaissant la traite atlantique – et rien qu’elle – comme un crime contre l’humanité, tout en commémorant les « 163 ans de l’abolition de l’esclavage ». Les militants communautaristes en profitent pour dénoncer « l’esclavage moderne » et défendre la cause des « sans-papiers », c’est-à-dire des immigrés illégaux, présentés comme les nouveaux esclaves de la France. Au passage, les associations communautaires ont caricaturé l’histoire de l’esclavage.
A les entendre, ce phénomène daterait du XVIe siècle et se limiterait aux colonies européennes d’Amérique ou aux plantations de coton. Le maître y est nécessairement blanc. L’esclave obligatoirement noir. D’où, évidemment, l’idée que l’esclavage est intrinsèquement lié au racisme et que l’Afrique aurait pris du « retard » à cause d’une saignée démographique provoquée par les blancs. D’où aussi, demandes de repentance et de compensations financières, deux siècles après. Cette définition un peu forte de café (noir) appelle quelques commentaires.
D’abord, si le CRAN peut se flatter de commémorer les « 163 ans de l’abolition de l’esclavage », c’est uniquement parce que les Européens – qui n’ont pas inventé l’esclavage – sont les premiers à l’avoir aboli. Sans la France, le CRAN aurait l’air malin – et on est poli – en célébrant les quatre ans de l’abolition en Mauritanie (août 2007) ! Notons au passage que la Commission nationale des droits de l’homme de ce pays déplorait, le 22 avril 2011, que cette loi criminalisant l’esclavage « n’ait pas connu d’application »…

En réalité, l’esclavage est un phénomène universel, qui ne peut se limiter aux seuls noirs. Il fut pratiqué sur toute la planète, par tous les peuples, à toutes les époques et existe encore aujourd’hui, notamment en Afrique, où il est réapparu dès la fin de la colonisation. Le mot « esclave », étymologiquement, vient de « Sclavus » – le Slave. Le mot se forge durant l’antiquité tardive, lorsque les peuples d’Europe centrale et de l’est sont massivement asservis par des Francs et des Italiens. Auparavant, on disait « servus », en latin. Les Slaves sont vendus, généralement par des marchands juifs, dès le VIIe siècle, aux trafiquants du monde arabe… Question : pourquoi Vladimir Poutine, le président russe, ne demanderait-il pas des réparations sonnantes et trébuchantes pour compenser l’asservissement de ses ancêtres ? La scène ferait sourire. Alors pourquoi un noir demandant la même chose est-il pris au sérieux ?
Autre question : les blancs sont-ils les seuls à avoir pratiqué l’esclavage ? Incontestablement, non. Les Européens sont même les premières victimes de la traite orientale, menée par des arabo-musulmans. Jusqu’au XIXe siècle, les pirates barbaresques asservissent des blancs. Si repentance il doit y avoir, elle devrait toucher chaque peuple de la terre. Et notamment les Arabes, qui ont largement pratiqué la traite des blancs, comme la traite des noirs. Pour Olivier Pétré-Grenouilleau, spécialiste de l’histoire de l’esclavage, « du fait qu’elles étaient non musulmanes, et donc sujettes au djihad, les populations noires étaient toutes susceptibles de fournir des esclaves. » L’historien Jacques Heers précise qu’il en va de même des blancs asservis par les musulmans.
Pour l’historien anglais Patrick Manning, « le Coran et les lois islamiques encouragent les propriétaires d’esclaves à affranchir les leurs au moment de leur mort. Mais avec le temps et l’extension de l’islam (…) celui-ci semble avoir beaucoup plus fait pour protéger et étendre l’esclavage que l’inverse. » Aujourd’hui, l’esclavage perdure en Afrique et dans le monde arabe, comme une indéracinable coutume, malgré de nombreux simulacres d’abolitions, comme évoqué plus haut, avec l’exemple mauritanien. Si les militants communautaristes africains veulent culpabiliser quelqu’un, c’est là-bas qu’ils devraient aller. Gageons que leurs campagnes médiatiques seront moins entendues qu’en Europe.

Au coeur de la repentance, se trouve également la notion de racisme intrinsèque des blancs à l’égard des noirs. Or, la traite atlantique ne reposait pas sur des préjugés raciaux. Il s’agissait d’un système économique. Avant de faire travailler des noirs, les planteurs ont fait trimer des blancs : les engagés. Ces Européens, qui voulaient tenter leur chance au nouveau monde, se faisaient payer le voyage en échange de trente-six mois de travail agricole gratuit. Ils vivaient dans des conditions bien plus dures que les esclaves, car leur créancier entendait bien en retirer le double ou le triple de ce qu’ils avaient coûté. Et si, à la fin de leur contrat, ils n’étaient plus que des épaves brisées, cela n’avait aucune importance : un engagé en pleine forme prenait la place. C’est la différence entre le salarié et l’esclave, qui a coûté aussi cher qu’un boeuf ou un tracteur d’aujourd’hui, et qu’il est impératif d’amortir financièrement. En outre, le fameux « code noir », célèbre texte juridique encadrant la pratique légale de l’esclavage, obligera le propriétaire à subvenir aux besoins de son esclave jusqu’à sa mort.
Vers 1660, au moment de l’ouverture des hostilités entre les puissances européennes, les engagés se reconvertissent massivement dans la guerre de course. Les planteurs cherchent donc une autre main-d’oeuvre. Ils auraient pris des Chinois ou des Indiens si la Chine ou l’Inde avaient vendu des esclaves. Ils se sont tournés vers l’Afrique parce que, depuis la nuit des temps, les Africains vendaient des Africains. Là encore, les historiens sont formels, ainsi que les sources de l’époque.

Il ne peut donc être question de repentance pour la traite des noirs. De même, aucun Européen ne demande repentance pour nos ancêtres asservis par des peuples étrangers. D’abord, parce que nous avons notre fierté. Ensuite, parce que nous n’attendons pas de compensation politique ou financière de ce genre d’opération… Enfin, d’un point de vue historique, nous comprenons que l’esclavage fut, jadis, une pratique banale.

En revanche, ainsi que le rappelle le CRAN à son corps défendant, il y a 163 ans, la France et les Etats européens ont aboli l’esclavage. Qui dit mieux ? Personne. Ainsi que le souligne Pétré-Grenouilleau, la notion d’abolition est purement « un concept occidental ». Notamment sous l’influence de l’Eglise catholique, nous avons contribué à rendre ignoble une pratique qui semblait normale à tout le monde. Rien que pour cela, le CRAN pourrait nous dire merci !

 

Pascal Domat

(8 commentaires)

  1. Je suis d’accord avec l’essentiel de cet article.

    Il me semble toutefois qu’il présente l’abolition de l’esclavage d’une façon simpliste. C’est de bonne guerre face au manichéisme de certains jiurnaleux vomitifs et autres universitaires “emgagés”, mais le simplisme cause toujours des erreurs.

    En déclarant la guerre à l’Europe, les partisans d’une révolution permirent à l’intéressée Grande-Bretagne de reprendre l’avantage sur la France. La supériorité de la Royal Navy sur notre marine nationale réduite à l’impuissance nous empêchait de défendre nos colonies.

    C’est à tort qu’on fait du Code Noir un comble d’oppression, il limitait les abus et, si l’administration avait été assez développée pour en empêcher les violations, l’esclavage aurait été bien moins grave.

    La chute du roi fut donc un grand sujet d’inquiétude pour les esclaves qui, à Daint-Domingue (aujourd’hui Haïti), se révoltèrent donc, et avec succès, grâce à la supériorité du nombre. Les envoyés de la République durent constater que faute de pouvoir envoyer une grande armée sur les mers sillonnées par l’ennemi, il ne restait qu’à ratifier le fait accompli. Ainsi abolit-on en 1794 un esclavage déjà supprimé par la victoire des esclaves revoltés.

    En 1802, après la paix d’Amiens, Bonaparte, 32 ans révolus et se fiant aux conseils de Cambacérès faute de connaître ces questions, rétablit insidieusement l’esclavage, mais les esclaves ne furent pas dupes et reprirent les armes. Il ne pouvaient tenur contrr des troupes régulières et durent avoir recours à ce qu’on appelait alors la petite guerre, et que depuis la guerre d’Espagne on appelle guérilla. Les abominations qui caractérisent ce type de conflit ne sont que trop connues.

    La guerre ayant repris, il fut bientôt impossible de renforcer nos troupes anéanties par la fièvre jaune (transmise, on le sait aujourd’hui, par le moustique tigre). Une escadre de secours se fit anéantir par les Anglais (bataille de San Domingo, 6 février 1806). Il ne nous restait qu’a abandonner. Le seul résultat fut donc le rétablissement de l’esclavage dans les confettis que les Britanniques condescendirent à nous laisser.

    L’abolition de l’esclavage avait suscité l’enthousiasme de l’opinion, qui y voyait la fin d’une horreur (c’est tout à nitre honneur d’Européens, me semble-t-il). La Royal Navy usa de ce prétexte moral pour interdire la poursuite du trafic d’esclaves, sans libérer les esclaves. Après 1815 le Royaume Uni exigea donc de contrôler nos navires, moyen excellent d’assurer sa suprématie navale sous le voile de la charité. Le Royaume Uni ne perdait rien car, depuis l’indépendance des États-Unis et donc la perte de ses principales colonies à plantations (Virginie, etc), l’esclavage était un concurrent et non un appoint au commerce anglais. Les salariés coûtaient bien moins cher que les esclaves.

    Ce fut ainsi le développement du salariat qui porta le coup décisif à l’esclavage, déjà moribond depuis le succès de la révolte de Saint-Domingue.

    Il n’empêche que partout hors d’Europe fut maintenu l’esclavage malgré le salariat, et que, en dépit des stratégies intéressées des puissances abolitionnistes, les nations européennes eurent le privilège, poussés par leurs opinions qu’indignait à juste titre cette abomination, de le rendre illégal.

    Rappelons aussi qu’un des prétextes les plus mobilisateurs de la politique colonialiste était de contraindre les royaumes esclavagistes d’Afrique nour à cesser de guerroyer pour vendre leurs frères vaincus.

  2. Mon gentil voisin, armoricain à n’en plus pouvoir et,par surcroît homme de gauche, donc bien pensant, me dit souvent « mais les bretons n’ont jamais colonisé personne,ni réduit personne en esclavage ! »
    Voire, en cherchant bien, je suis certain qu’on va pouvoir vous mettre quelque chose sur le dos…

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