Interview Henry de Lesquen, par Grégoire Canlorbe – publié par Institut Coppet le 18 avril 2017
Henry de Lesquen est un haut fonctionnaire, homme politique, dirigeant de radio, et essayiste français. Il poursuit de 1974 à 2013 une carrière d’administrateur civil. Président du Club, puis Carrefour de l’Horloge depuis 1985, il a dirigé Radio Courtoisie de 2006 à 2017. Il est par ailleurs conseiller municipal de Versailles de 2001 à 2014. Se réclamant du national-libéralisme, il a toujours été classé « divers droite » dans les scrutins auxquels il a participé. En 2015, il a annoncé vouloir être candidat à l’élection présidentielle de 2017. Après sa démission de Radio Courtoisie, Henry de Lesquen a annoncé l’écriture d’un manifeste pour promouvoir le national-libéralisme.
Grégoire Canlorbe : La lutte des classes, telle que dépeinte par Karl Marx et Vilfredo Pareto, est un thème de la littérature économique et politique qui ne s’est jamais vraiment démodé. Vous soutenez qu’il existe également une « lutte des races », tout aussi véhémente que le conflit entre le travail et le capital. Pourriez-vous nous en toucher mot ?
Henry de Lesquen : Karl Marx n’est nullement l’inventeur de la théorie de la lutte des classes, qui était énoncée déjà avant lui, peut-être dès Boulainvilliers, par un grand nombre d’essayistes et historiens. Karl Marx a simplement ajouté deux choses à cette théorie : d’une part, que la lutte des classes était le moteur de l’histoire humaine et, d’autre part, qu’elle devait aboutir à la dictature du prolétariat une fois qu’il aurait dépossédé la bourgeoisie. Vilfredo Pareto, qui est l’un des maîtres à penser du Carrefour de l’Horloge, n’a pas nié l’existence de la lutte des classes, qui est une réalité objective, mais il ne lui a pas donné l’importance que lui reconnaissait Karl Marx.
Je ne conteste pas le fait de la lutte des classes – je suis fidèle à l’analyse « logico-expérimentale » qu’en a faite Vilfredo Pareto –, mais je rejette l’analyse de Marx : premièrement, la lutte des classes n’explique pas tout, bien d’autres facteurs interviennent dans l’histoire des hommes ; deuxièmement, il est naturel de vouloir, si l’on croit à l’idéal de la nation, que la lutte des classes s’apaise, qu’elle ne soit pas exacerbée, mais qu’elle soit, au contraire, dépassée par un sentiment d’unité nationale. Ce qu’il faut bien comprendre, au surplus, c’est qu’aujourd’hui la lutte des classes n’a pas disparu, mais qu’elle a pris d’autres formes.
On constate depuis un siècle la montée des classes moyennes. J’ai récemment effectué un travail sur Piketty, à qui nous avons décerné le « Prix Lyssenko » de la désinformation scientifique ; ce que montrent les statistiques utilisées par Piketty, lui qui prétend pourtant qu’il se serait produit un grave accroissement des inégalités depuis le XVIIIème siècle, c’est que les inégalités se sont, en réalité, largement réduites, et que les classes moyennes, disons de 1910 à 2010, se sont considérablement renforcées. Ce phénomène relativise l’opposition classique entre prolétariat et bourgeoisie. Plus important encore, la lutte des classes tend à cesser d’être une lutte opposant des classes rivales au sein de chaque peuple pour devenir une lutte opposant ce que Samuel Huntington appelle la « superclasse mondiale » à tous les peuples de la planète.
Cette forme contemporaine de la lutte des classes, qui se joue entre un réseau transnational de personnes déracinées et dénationalisées, d’une part, et l’ensemble des peuples, d’autre part, est tout à fait inédite dans l’histoire humaine. Elle tire son origine de la constitution de la superclasse mondiale, dont parle Samuel Huntington dans Qui sommes-nous ?, livre publié en 2004, mais elle découle aussi du fait que dans beaucoup de pays occidentaux, si ce n’est dans tous, l’immigration tend à remplacer, au sein de la classe ouvrière, la conscience de classe par la conscience de race. On s’est demandé depuis longtemps pourquoi il n’y avait pas eu de mouvement socialiste fort aux États-Unis : il semblerait que cela soit dû à la conscience de race, ou si vous voulez au racisme, des ouvriers américains blancs, laquelle les a empêchés de développer une conscience de classe et par conséquent un sentiment de solidarité vis-à-vis des ouvriers noirs.
À l’heure où l’immigration engendre l’hétérogénéité raciale de beaucoup de sociétés occidentales, on assiste à un développement de la lutte des races, qui se traduit concrètement par des émeutes ethniques dans les banlieues en Angleterre, aux États-Unis et en France. La lutte des races, cela dit, a toujours existé, et en pratique, elle s’est souvent confondue avec la lutte des classes. Dans le schéma de Boulainvilliers, on trouve à cet égard un peuple qui subit une aristocratie issue de la conquête. Toujours est-il, actuellement, qu’au sein de chaque peuple, la lutte des classes tend à s’estomper au profit de la lutte des races, et que la forme désormais prédominante de la lutte des classes est celle qui se joue, non à l’intérieur des peuples, mais entre les peuples eux-mêmes et la superclasse mondiale.
Grégoire Canlorbe : On se souvient que Julius Evola, dans son article de 1931, « Universalité impériale et particularisme nationaliste », distinguait entre deux formes de nationalisme.
« Le premier », écrit-il, « est un phénomène de dégénérescence, en tant qu’il exprime une régression de l’individuel dans le collectif (la « nation »), de l’intellectualité dans le vitalisme (le pathos et l’ « âme » de la race). Le second est un phénomène positif, car il exprime au contraire une réaction contre des formes encore plus radicales de collectivisation telles que, par exemple, celles dont relèvent les Internationales prolétariennes ou la standardisation de l’esprit pratique à base économico-sociale (Amérique).
Le premier (nationalisme démagogique) se propose de détruire chez les individus leurs qualités propres, spécifiques, au bénéfice de celles dites « nationales ». Dans le second (nationalisme aristocratique), il s’agit d’arracher les individus à l’état subalterne où ils sont tombés et où chacun se retrouve l’égal de l’autre : il s’agit donc de les différencier jusqu’à ce que le fait de se sentir d’une race ou d’une nation déterminée exprime une valeur et une dignité supérieures au fait de se sentir à égalité (fraternité égalitaire, « humanité » de type communiste). »
Pourriez-vous esquisser les contours théoriques de cette troisième forme de nationalisme dont votre mouvement se réclame, « le national-libéralisme » ?
Henry de Lesquen : Il ne me semble pas que le national-libéralisme, ou libéralisme national, relève d’une troisième forme de nationalisme. Le nationalisme dont je me réclame est très précisément le nationalisme appelé aristocratique par Julius Evola. Le nationalisme collectiviste, qui prend la forme d’un certain fascisme ou du communisme de type stalinien, conjugue l’idéal de la nation avec la réduction de l’individu à un atome indifférencié au sein de cette nation. Le nationalisme libéral prend acte de l’existence de deux niveaux d’identité : l’identité individuelle, au nom de laquelle le libéralisme national justifie la défense de la liberté individuelle et de la propriété privée, et l’identité collective de la nation, dont il s’efforce de concilier la défense avec le respect du premier niveau d’identité.
Dans un chapitre de L’Identité de la France, livre du Carrefour de l’Horloge – alors appelé Club de l’Horloge – j’ai traité de l’opposition entre « libéralisme utopique » et libéralisme national. La question principielle du libéralisme est, à mes yeux, celle de savoir d’où vient l’individu : il existe un certain libéralisme qui suppose que tout individu, comme le disait Renan, naît orphelin et meurt célibataire. Ce libéralisme est caractérisé par une anthropologie de type existentialiste, qui considère que l’individu naît sans identité et qu’il peut créer sa propre nature. Le nationalisme bien compris récuse cette erreur anthropologique, tout en affirmant son adhésion aux principes libéraux de la liberté et de la propriété individuelles. À cet égard, j’ai proposé de préciser en ces termes la devise de la République française : « Liberté individuelle, égalité civique, fraternité raciale. »
J’ai du mal à suivre Evola lorsqu’il évoque « la standardisation de l’esprit pratique à base économico-sociale ». Ce qu’il entend par là est sans doute le processus supposé d’uniformisation des personnalités individuelles dans les sociétés où la division du travail et les institutions financières ont atteint un certain niveau de développement. Cette thèse ne me convainc pas. Mais nous convenons avec Julius Evola, au Carrefour de l’Horloge, qu’une société bien équilibrée assume la tradition indo-européenne de la hiérarchie des fonctions. Le modèle indo-européen, mis en évidence par Georges Dumézil, distingue entre trois types d’activités dans la société, ou trois types de fonctions : par ordre de priorité décroissante, fonction souveraine, fonction guerrière, fonction productive.
Les sociétés occidentales contemporaines, comme cela est bien vu par Evola, sont des sociétés marchandes : elles ont inversé la hiérarchie traditionnelle des fonctions et mis l’économie au dessus du reste. Je renvoie sur ce point au premier livre du Carrefour de l’Horloge, Les Racines du futur. Cependant, le tort de Julius Evola, et d’autres auteurs comme Werner Sombart, est de présenter cette inversion des valeurs comme le symptôme d’une influence exacerbée de la mentalité protestante dans le monde moderne, et de présenter la mentalité protestante elle-même comme un avatar de la mentalité judaïque. Ces quelques lignes extraites de Révolte contre le monde moderne sont particulièrement représentatives à cet égard.
« Selon l’expression de Sombart, dans la terre promise du puritanisme protestant, avec l’américanisme et le capitalisme, ne vit que de l’ « esprit hébraïque distillé ». Et il est naturel, compte tenu de cette parenté, que les représentants modernes de l’hébraïsme sécularisé aient vu s’ouvrir devant eux, durant cette phase, les voies de la conquête du monde.
Le passage suivant de Karl Marx est, à cet égard, caractéristique : « Quel est le principe mondain de l’hébraïsme? L’exigence pratique, l’avantage personnel. Quel est son dieu terrestre? L’argent. L’Hébreu s’est émancipé d’une manière hébraïque non seulement parce qu’il s’est approprié la puissance de l’argent, mais aussi parce que, grâce à lui, l’argent est devenu une puissance mondiale et que l’esprit pratique hébraïque est devenu l’esprit pratique des peuples chrétiens. Les Hébreux se sont émancipés dans la mesure où les chrétiens sont devenus des Hébreux. Le dieu des Hébreux s’est mondanisé et est devenu le dieu de la terre. Le change est le vrai dieu des Hébreux ».
En réalité la codification religieuse du trafic de l’or comme du prêt à intérêt, propre aux Hébreux, peut être considérée comme la base même de l’acceptation et du développement aberrant, dans le monde moderne, de tout ce qui est banque, finance, économie pure, phénomène comparable à l’envahissement d’un véritable cancer. Tel est le moment fondamental de l’ « époque des marchands ». »
Ces propos me paraissent d’une absurdité totale et prêtent aux Juifs une influence démesurée qu’ils n’ont absolument pas et qu’ils n’ont jamais eue. Julius Evola est mieux inspiré lorsqu’il se limite à dénoncer la suprématie de la fonction marchande dans les sociétés occidentales contemporaines : encore une fois, c’est une analyse à laquelle nous souscrivons au Carrefour de l’Horloge. Les États-Unis, religieusement protestants, n’ont cependant pas le monopole de cette primauté de l’économie dans la hiérarchie des valeurs ; et l’esprit protestant ne se confond absolument pas avec l’esprit judaïque. Les fondateurs du protestantisme, Luther et Calvin, ne devaient strictement rien aux Juifs de leur époque. Ils ont certes proposé un certain retour à l’Ancien Testament, mais le judaïsme de l’Ancien Testament, c’est le judaïsme sacerdotal, lequel a disparu après la destruction du Temple de Jérusalem en 70 après Jésus-Christ, et non le judaïsme rabbinique issu des pharisiens et fondé sur le Talmud, qui est celui des Juifs d’aujourd’hui.
Grégoire Canlorbe : De quelles figures politiques et intellectuelles, dans le monde contemporain, diriez-vous qu’elles incarnent le national-libéralisme ? Pourriez-vous, par la même occasion, revenir sur les raisons de votre prise de distance vis-à-vis du Front national ?
Henry de Lesquen : Le Carrefour de l’Horloge a dressé une liste de douze maîtres à penser : dans le domaine philosophique et métapolitique, Edmund Burke, Hippolyte Taine, Julien Freund ; dans le domaine économique, Friedrich-August von Hayek, Ludwig von Mises ; dans le domaine des faits sociaux : Gustave Le Bon, Arnold Gehlen, Vilfredo Pareto, Jules Monnerot ; dans le domaine juridique : Carl Schmitt ; et dans le domaine biologique : Konrad Lorenz, Jacques Monod.
Les gouvernants nationaux-libéraux sont Ronald Reagan aux États-Unis ; Margaret Thatcher en Grande-Bretagne ; Charles de Gaulle en France ; Viktor Orbán en Hongrie (en exercice) ; Lee Kuan Yew à Singapour ; Narendra Modi en Inde (en exercice) ; Vladimir Poutine en Russie (en exercice) ; Christoph Blocher en Suisse (actuel membre directeur de l’UDC – ancien conseiller fédéral) ; Yatsushiro Nakasone au Japon ; Recep Tayyip Erdoğan en Turquie (en exercice) ; Jarosław Kaczyński en Pologne (président du parti Droit et Justice, vainqueur des élections législatives de 2015) ; et bien évidemment, Donald Trump.
À propos du Front National, je peux difficilement avoir pris mes distances, dans la mesure où je n’ai jamais été membre ni particulièrement proche de ce parti. Simplement, j’ai toujours considéré que le vote populiste était nécessaire, et j’ai plaidé pour l’union de la droite. Pendant longtemps, le Front National était un parti national-libéral : cela était vrai, tout du moins, du temps de Jean-Marie Le Pen, lequel tenait un discours hostile à l’immigration et favorable à la liberté économique. Je suis forcé de constater, aujourd’hui, que Marine le Pen et son mauvais génie Florian Philippot tournent le dos au libéralisme national : Marine Le Pen est de gauche, et Philippot aussi. Je ne vois pas pourquoi je devrais soutenir quelqu’un qui fait semblant d’être de droite pour duper les électeurs, et qui ne l’est pas du tout.
Grégoire Canlorbe : Vous êtes quelquefois accusé d’un antisémitisme vieille France. À l’heure où le peuple français, comme Éric Zemmour et d’autres observateurs patriotiques le constatent, semble être en train de se suicider à petit feu, une telle animosité envers les Juifs serait pour le moins déplacée. Mark Twain a tout dit, ou presque, sur la resplendissante, féconde et éternelle vitalité du peuple juif dans son essai de 1989, À propos des Juifs.
« Si les statistiques sont justes, les Juifs ne représentent pas plus qu’un pour cent de la race humaine. Cela suppose une nébuleuse bouffée de poussière d’étoile perdue dans l’éclair de la voie lactée. Normalement, on ne devrait guère entendre parler des Juifs, mais on en entend parler, on en a toujours entendu parler. Il est aussi important sur la planète que n’importe quel autre peuple, et son importance économique est d’une extravagante proportion comparée à la petitesse de sa taille.
Ses contributions à la liste du monde des grands noms de la littérature, de la science, des arts, de la musique, de la finance, de la médecine et des apprentissages complexes sont également de loin hors de proportion avec la faiblesse de son nombre. Il a fait dans ce monde un combat merveilleux, à toutes les époques ; et il l’a fait avec les mains attachées derrière le dos. Il aurait pu être vaniteux, et être excusé pour cela.
Les Égyptiens, les Babyloniens, les Perses se sont élevés, ont rempli la planète avec leur retentissement et leur splendeur, puis se sont évanouis dans un rêve. Les Grecs et les Romains suivirent, et firent beaucoup de bruit, et ils disparurent ; d’autres peuples ont vu le jour et ont tenu leur flambeau très haut pour un temps, mais il s’est éteint, et ils sont maintenant assis dans la pénombre, ou ont disparu.
Le Juif les a tous vus, tous battus, et maintenant, il est ce qu’il a toujours été, ne présentant aucune décadence, aucune infirmité de l’âge, aucun affaiblissement de ses composantes, aucun ralentissement de ses énergies, aucun ternissement de son esprit alerte et combatif. Toutes les choses sont mortelles, sauf les Juifs ; toutes les autres forces passent, mais ils restent. »
Que répondez-vous à Mark Twain ?
Henry de Lesquen : Les propos sur mon prétendu antisémitisme sont calomnieux. Mes analyses ne sont ni des incantations ni des postures, ce sont des analyses ; ensuite, la haine est un sentiment qui m’est parfaitement étranger. À ce titre, je réprouve aussi bien le racisme anti-juif que le racisme juif ; et je récuse le terme antisémitisme, qui est déjà en lui-même une marque de racisme, puisque ce vocabulaire implique que le racisme anti-juif serait d’une nature différente des autres formes de racisme, et que les Juifs seraient à mettre à part du reste de l’humanité.
Vous soulevez l’idée d’une « resplendissante, féconde et éternelle vitalité du peuple juif », faisant contraste avec la lente agonie du peuple français. Contrairement à ce que d’aucuns peuvent bien s’imaginer à mon sujet, je considère que les Français juifs appartiennent indiscutablement au peuple français : je prétends qu’ils sont tout aussi français que les Français de confession catholique ou protestante. En revanche, le peuple juif, s’il a existé, n’existe plus. Aujourd’hui, en 2017, je connais une ethnie juive, fondée sur le judaïsme rabbinique ; je connais un peuple israélien ; mais je ne connais pas de peuple juif. Le peuple juif a disparu en 70 après Jésus Christ, lorsque l’empereur Titus a détruit le temple de Jérusalem.
Sur le plan religieux, ce qu’on appelle aujourd’hui le judaïsme, c’est en réalité plus précisément le judaïsme rabbinique, à la fois distinct du judaïsme sacerdotal – celui de l’Ancien Testament – et du judaïsme apostolique, autrement dit le Christianisme. Le judaïsme de l’Ancien Testament reposait sur un corps de prêtres qui pratiquaient des sacrifices au Temple, d’où le qualificatif de sacerdotal. À l’époque de Jésus-Christ, le judaïsme sacerdotal, alors représenté par les sadducéens, était toujours vivant, mais coexistait avec une multitude de mouvements, dont le judaïsme pharisaïque, celui des pharisiens, qui devait devenir le judaïsme rabbinique. Le judaïsme de Jésus et des apôtres est le judaïsme apostolique ou évangélique, celui qui devait se prolonger dans le Christianisme. Bien que le judaïsme rabbinique ou pharisaïque, lequel est fondé sur le Talmud, constitue le judaïsme des Juifs d’aujourd’hui, le judaïsme apostolique, celui de Jésus et des apôtres, représente, aux yeux d’un chrétien authentique, le Verus Israël, le véritable Israël.
Dans le judaïsme rabbinique issu des pharisiens, le Talmud est censé représenter la loi orale, laquelle l’emporte sur la loi écrite. Le judaïsme talmudique n’est donc pas davantage celui de l’Ancien Testament que ne l’est le judaïsme issu des Évangiles. Le passage de Mark Twain que vous me soumettez est, à cet égard, symptomatique du délire judéophile ou judéomane de certains. Twain s’exprime comme s’il existait une identité entre les Juifs de l’Ancien Testament et ceux d’aujourd’hui, alors que, comme je viens de vous le montrer, il s’est produit une véritable césure entre le judaïsme de l’Ancien Testament et le judaïsme talmudique. En fait, dans l’Antiquité, les Juifs étaient un peuple paria, selon l’expression de Max Weber. Ce peuple vivait à la marge des civilisations du Proche-Orient, n’exerçant sur celles-ci qu’une influence à peu près nulle. Les civilisations égyptienne, babylonienne et perse sont certes tombées en décadence, mais au moins ces peuples ont-ils bâti des civilisations ! Du reste, la civilisation orientale fondée par les Perses est toujours vivante. À l’inverse, il n’y a jamais eu de civilisation juive.
Après la destruction du temple de Jérusalem, qui sonnait le glas de leur peuple, les Juifs ont continué de vivre de manière marginale ou parasitaire dans les sociétés qui voulaient bien d’eux. S’ils ont fait parler d’eux, c’est bien en raison de l’ascension du judaïsme apostolique, autrement dit le christianisme, et non en raison des propres mérites de leur diaspora. L’admiration que Mark Twain leur témoigne n’est donc absolument pas justifiée. Emancipés depuis la révolution française, les Juifs ont acquis depuis deux siècles une influence importante dans les sociétés occidentales. Mais ce phénomène récent est sans précédent dans l’histoire des Juifs.
J’ai suggéré le terme prosélytude pour désigner l’attitude de ceux qui, sans être Juifs, font preuve d’une complaisance infinie à l’égard des principes du judaïsme talmudique ou attribuent sans restriction toutes sortes de mérites ou de supériorités aux Juifs en général. Le Talmud tient les non-Juifs, les « Goyim », pour des bêtes. S’agissant d’Eric Zemmour, j’ai lu deux de ses essais : Mélancolie française, et Le Suicide français. Le premier se présente comme un livre d’histoire et défend la thèse que la France a toujours échoué en tout depuis ses origines. C’est un point de vue prétentieux, stupide et anti-français. Zemmour est insensible à la grandeur de la France et sans doute à la grandeur en général. Dans le second ouvrage, il affirme que la France est morte : là encore, un véritable patriote n’aurait jamais formulé un tel diagnostic.
Grégoire Canlorbe : Vous êtes sensible aux éclairages de l’école autrichienne, en particulier les travaux de Mises et Hayek, sur la crise financière de 2008. En substance, les crises procèdent des investissements inappropriés (et non du surinvestissement) que suscite la manipulation « artificielle » des taux d’intérêt dans le contexte du système bancaire de réserve fractionnaire. Comment justifieriez-vous, auprès du « profane », la supériorité de la théorie autrichienne du cycle sur les explications concurrentes de la crise de 2008 ?
Quelle pertinence revêt, à vos yeux, la proposition de Maurice Allais pour couper court aux cycles économiques – à savoir l’obligation pour les banques de dépôt de se couvrir par des réserves à 100% ?
Henry de Lesquen : Les deux auteurs dont je me réclame particulièrement, Ludwig von Mises et Friedrich-August von Hayek, sont des continuateurs de l’enseignement de Knut Wicksell sur les cycles économiques. La théorie de Wicksell, reprise et développée par l’école autrichienne, situe l’origine des crises dans l’écart entre le taux d’intérêt effectivement constaté sur le marché et le « taux naturel », écart qui provient de l’abus du crédit bancaire, et qui se répercute par des distorsions dans la structure de production. Plus précisément, la baisse du taux d’intérêt (au-dessous du taux naturel) engendre un allongement injustifié de la structure de production, autrement dit une allocation inappropriée du capital qui est surinvesti dans les branches des biens de capital (au détriment des branches des biens de consommation). Vous faites bien d’évoquer le nom du regretté Maurice Allais, qui a défendu une analyse voisine.
La supériorité de la théorie autrichienne du cycle sur les théories concurrentes, essentiellement le keynésianisme et le monétarisme, réside avant tout dans sa méthodologie. Les théories monétariste et keynésienne, qui s’entendent sur le fond, s’intéressent exclusivement aux quantités globales dont traite la macroéconomie : elles ne tiennent pas compte des prix relatifs. La théorie autrichienne s’intéresse, pour sa part, à la modification des prix relatifs entraînée par l’excès de crédit et aux distorsions dans la structure de production qui résultent de cette modification des prix relatifs. Une telle démarche me semble infiniment plus profonde et plus réaliste que celle qui consiste exclusivement à raisonner en termes de quantités agrégées. La théorie autrichienne est la seule qui rende compte véritablement de la crise de 2008.
Dans la mesure où la clef des crises réside dans l’existence des réserves fractionnaires, qui permet aux banques, exerçant par nature une activité privée, de créer de la monnaie publique, la proposition de Maurice Allais – obliger les banques de dépôt à se couvrir par des réserves à 100 %, ce qui revient à leur interdire de créer de la monnaie – me paraît l’une des pistes possibles pour sortir du cycle économique. Une seconde solution envisageable est celle, proposée par Hayek, de mettre les monnaies en concurrence : autrement dit, de supprimer le cours légal de la monnaie créée par les banques commerciales et de les laisser courir le risque de la faillite, sans intervention de l’État. Une troisième solution est celle du retour à l’étalon-or, proposé par Ludwig von Mises : en fait, cela n’empêcherait pas les crises de façon certaine, mais en limiterait assurément la portée.
La proposition d’Allais pour mettre un terme au cycle est l’une des trois possibles : son inconvénient est de laisser le monopole de la création monétaire entre les mains de l’État, avec le risque que celui-ci en abuse. Quoi qu’il en soit, je suis absolument hostile à l’indépendance des banques centrales, laquelle est antidémocratique en son principe, et donne un pouvoir colossal à des personnes irresponsables. Puisque nous parlons de Maurice Allais, je voudrais rappeler mon adhésion à sa critique du modèle « ricardien » du commerce international. Comme le montre Allais, les gains mutuels censément permis par le libre-échange, selon la théorie attribuée à Ricardo (que celui-ci a empruntée à Robert Torrens, sans citer sa source), ne se vérifient que dans le cas où la structure des coûts comparés reste invariable dans le temps. Cette hypothèse implicite du modèle « ricardien » est chimérique.
Contrairement aux avantages comparatifs liés aux ressources naturelles, ceux associés aux autres facteurs de production sont, en effet, susceptibles de changer au cours du temps. La « destruction créatrice », selon l’expression de Schumpeter, est la loi de la vie économique. Cela dit, je ne suis ni protectionniste ni libre-échangiste : je crois qu’il existe un juste milieu, lequel est, sans doute, bien plus proche du libre-échangisme intégral que du protectionnisme radical. La mondialisation n’est pas un mal : nous sommes heureux de consommer du café qui vient de Colombie et du chocolat qui vient de Côte d’Ivoire. Mais un certain protectionnisme me semble désirable pour trois raisons.
Pour commencer, dans un certain nombre de domaines, il ne faut pas sacrifier l’indépendance de la nation. Je pense notamment à l’agriculture. En outre, les droits de douane constituent l’impôt le moins pénalisant et le moins pervers. Enfin et surtout, on sait depuis Frédéric List que le protectionnisme peut favoriser l’innovation. On peut appeler cela le syndrome des Galápagos. Lors de son voyage autour du monde, Darwin a découvert que les espèces de pinson s’étaient multipliées sur cet archipel parce qu’il était isolé du continent. De même, il existe, en économie, des effets de groupe et de voisinage, fondés sur une identité partagée. C’est pourquoi une mondialisation débridée, une mondialisation non cloisonnée, appauvrit l’humanité en étouffant sa créativité.
Grégoire Canlorbe : Le bouleversement des mœurs et institutions judiciaires en France et dans d’autres pays est, sans doute, l’un des phénomènes les plus intéressants de notre époque. Vilfredo Pareto ne s’exprimait-il pas déjà en ces termes, dans son Traité de 1917.
« Pour employer la phraséologie vulgaire, nous dirons que, dans la répression des délits, on sacrifiait « l’individu » à la « société » dans les siècles passés, et que maintenant on sacrifie la « société » à « l’individu ». Alors on ne craignait pas beaucoup de frapper l’innocent, pourvu que le coupable ne pût échapper ; aujourd’hui, on ne regarde pas de si près à épargner le coupable, non seulement pour sauver l’innocent, mais encore pour satisfaire les sentiments humanitaires. On voit les mêmes personnes invoquer le « droit de la société » contre « l’individu », pour dépouiller autrui de ses biens, et le « droit de l’individu » contre la « société », pour protéger le délinquant.
[…] Qu’on examine un catalogue de livres et d’opuscules de notre temps: on en trouvera un très grand nombre qui cherchent le moyen d’être utiles aux délinquants, de réaliser leur « relèvement moral », d’inventer de nouvelles mesures en leur faveur, telles que la « loi du pardon », la condamnation conditionnelle, la libération conditionnelle, la non-inscription de la condamnation au casier judiciaire, et ainsi de suite. Qu’on cherche ensuite les livres et les opuscules ayant pour but de sauvegarder les honnêtes gens des assassinats, des vols et d’autres délits, et l’on n’en trouvera que peu, très peu. »
Comment expliqueriez-vous, sociologiquement, l’invasion et l’influence croissante des « sentiments humanitaires » diagnostiqués par Pareto ? Quelles mesures concrètes recommandez-vous pour réformer la justice dans une direction plus « virile » ?
Henry de Lesquen : Votre citation de Vilfredo Pareto est d’une actualité remarquable. Ces sentiments dits « humanitaires » sont, en fait, pseudo-humanitaires, dans la mesure où ce sont les délinquants, et non pas les victimes, qui sont pris en pitié. Un tel pseudo-humanitarisme constitue l’un des multiples visages de l’utopie égalitaire de la gauche. Il se fonde plus particulièrement sur la thèse selon laquelle les hommes sont naturellement bons : en effet, si on estime que les délinquants sont seulement corrompus par la société, qui les a incités à commettre un crime, on imputera la faute à la société elle-même, et on dédouanera les délinquants de toute responsabilité. La peine sera perçue comme une injustice, ou du moins, on tolérera la peine comme une forme de traitement, et non plus comme une forme d’expiation.
Tout ceci revient à une énième inversion des valeurs caractéristique de la gauche, qui refuse la responsabilité de l’homme. Un point essentiel sur lequel il nous faut combattre, à mes yeux, est la peine de mort. J’ai cité dans une émission sur Radio Courtoisie, il y a quelques semaines, un texte superbe de Joseph de Maistre à propos de la peine capitale et de la mission du bourreau. Il s’agit d’un extrait des Soirées de Saint-Pétersbourg, livre extraordinairement bien écrit, malgré un parti pris traditionaliste qui me paraît tout à fait aberrant.
« Regardez autour de vous, M. le chevalier ; voyez les actes de la justice humaine : que fait-elle lorsqu’elle condamne un homme à une peine moindre que la capitale ? Elle fait deux choses à l’égard du coupable : elle le châtie ; c’est l’œuvre de la justice : mais de plus, elle veut le corriger, et c’est l’œuvre de l’amour. S’il ne lui était pas permis d’espérer que la peine suffirait pour faire rentrer le coupable en lui-même, presque toujours elle punirait de mort ; mais lorsqu’il est parvenu enfin, ou par la répétition, ou par l’université de ses crimes, à la persuader qu’il est incorrigible, l’amour se retire, et la justice prononce une peine éternelle ; car toute mort est éternelle : comment un homme mort pourrait-il cesser d’être mort ? Oui, sans doute, l’une et l’autre justice ne punissent que pour corriger ; et toute peine, excepté la dernière, est un remède : mais la dernière est la mort. Toutes les traditions déposent en faveur de cette théorie, et la fable même proclame l’épouvantable vérité : là Thésée est assis et le sera toujours.
Ce fleuve qu’on ne passe qu’une fois ; ce tonneau des Danaïdes, toujours rempli et toujours vide ; ce foie de Tytie, toujours renaissant sous le bec du vautour qui le dévore toujours ; ce Tantale, toujours prêt à boire cette eau, à saisir ces fruits qui le fuient toujours ; cette pierre de Sysiphe, toujours remontée ou poursuivie : ce cercle, symbole éternel de l’éternité, écrit sur la roue d’Ixion, sont autant d’hiéroglyphes parlants, sur lesquels il est impossible de se méprendre.
Nous pouvons donc contempler la justice divine dans la nôtre, comme dans un miroir, terne à la vérité, mais fidèle, qui ne saurait nous renvoyer d’autres images que celles qu’il a reçues : nous y verrons que le châtiment ne peut avoir d’autre fin que d’ôter le mal, de manière que plus le mal est grand et profondément enraciné, et plus l’opération est longue et douloureuse ; mais si l’homme se rend tout mal, comment l’arracher de lui-même ? Et quelle prise laisse-t-il à l’amour ? Toute instruction vraie, mêlant donc la crainte aux idées consolantes, elle avertit donc l’être libre de ne pas s’avancer jusqu’au terme où il n’y a plus de terme. »
En conclusion des travaux du Carrefour de l’Horloge sur les proportions effarantes de l’insécurité et du laxisme judiciaire en France, nous avons suggéré quinze mesures concrètes dont l’adoption permettrait une réforme saine et efficace de la justice.
Première mesure : la réforme du code pénal. Le code pénal doit être réformé, de manière à assurer la promptitude et la certitude de la peine. À cet effet, une peine minimum doit être établie pour chaque crime ou délit, en fonction de sa qualification ; et les peines de sûreté accessoires à certaines condamnations, comme certaines privations de droits ou l’interdiction du territoire national pour les délinquants étrangers, doivent être automatiques. C’est la proposition la plus importante, qui vise à mettre un terme à l’individualisation des peines, source majeure d’arbitraire et d’insécurité, ou du moins à la cantonner dans des bornes strictes.
Seconde mesure : la fin de la tolérance pénale. Les peines doivent être exécutées intégralement en principe. Les permissions de sortir doivent donc être supprimées ; et les réductions de peine ne doivent pas dépasser le quart de la condamnation. Il serait normal de les supprimer purement et simplement, mais, dans l’état actuel de nos prisons, où la discipline laisse souvent à désirer, il est souhaitable de conserver une incitation à la bonne conduite.
Troisième mesure : les criminels les plus endurcis doivent être séparés des autres, les plus dangereux doivent être isolés dans des quartiers de haute sécurité.
Quatrième mesure : le rétablissement de la peine de mort. La peine capitale doit être rétablie par référendum, au sommet de l’échelle des peines, pour traduire la répulsion que nous inspirent les crimes les plus atroces et dissuader leurs auteurs éventuels. Elle devra s’appliquera aux meurtres, aux actes terroristes, au trafic de drogue, et aux attentats contre les juges ou les policiers. À cet effet, le protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l’homme, qui prévoit l’abolition de la peine de mort, devra être dénoncé.
Cinquième mesure : la récidive doit être combattue plus fermement. Les peines applicables aux crimes ou délits doivent être automatiquement aggravées en cas de récidive et le sursis ne doit plus être accordé. Une personne qui commet pour la troisième fois une infraction d’une certaine gravité ne doit pas être condamnée à moins de cinq ans de prison.
Sixième mesure : le cumul des peines doit devenir systématique. L’article 5 du code pénal, qui prévoit la confusion des peines, doit être modifié, et le cumul des peines devenir la règle, et la confusion l’exception. Il n’est pas normal, en effet, qu’un délinquant soit passible des mêmes condamnations, qu’il ait commis un seul délit, ou qu’il en ait commis cent.
Septième mesure : mettre un terme à l’impunité pour les assassins. Il est intolérable qu’un assassin puisse jouir de l’impunité, une dizaine d’années après les faits. Aussi les crimes de sang doivent-ils être imprescriptibles. Actuellement, l’imprescriptibilité n’existe, dans le droit français, que pour les prétendus « crimes contre l’humanité », notion contestable qui sert d’habillage à une justice politique. Notre proposition, qui mettra fin au statut d’exception de cette catégorie douteuse, n’interdit pas de souhaiter le vote d’une loi d’amnistie pour les faits liés à la Seconde guerre mondiale, comme on l’a fait pour la guerre d’Indochine, mais cela est un autre débat.
Huitième mesure : la légitime défense doit être pleinement reconnue. Il incombe à chacun de protéger sa famille ou ses biens contre un agresseur. Or, la notion de légitime défense a été abusivement restreinte par la loi et la jurisprudence, qui tendent à mettre sur un pied d’égalité le délinquant et sa victime. Le droit à la légitime défense doit donc s’élargir à tous les cas où il n’y a pas de disproportion manifeste entre les moyens de défense employés et la gravité de l’atteinte ou de la menace. La rubrique des faits divers est remplie d’histoires incroyables, où l’on voit un honnête citoyen inquiété parce qu’il s’est défendu contre les attaques d’un malandrin, alors que celui-ci est laissé en liberté. Il est temps de mettre fin à ce scandale.
Neuvième mesure : l’autorisation du port d’arme pour les honnêtes gens. Les citoyens doivent avoir le droit de détenir des armes à leur domicile, à condition d’avoir obtenu un permis qui sera délivré après un examen de leurs compétences en la matière. Un permis de ce genre a été institué dans l’État de Louisiane, où il donne ainsi le droit de circuler avec une arme à feu, et il a produit les meilleurs résultats ; au contraire, quand on désarme les honnêtes gens, seuls les bandits sont armés.
Dixième mesure : déclarer la guerre au trafic de drogue. Le fléau doit être combattu avec intransigeance : c’est notre jeunesse qu’il fauche. La prévention et l’éducation sont nécessaires, mais elles ne suffisent pas. Il faut réprimer les petits comme les gros trafiquants, qu’il s’agisse des drogues abusivement dites « douces » ou des autres. Les toxicomanes doivent être obligés de suivre un traitement de désintoxication, et les trafiquants pendus haut et court. C’est ce moyen qu’a utilisé le Japon, avec succès, pour éliminer le trafic et la consommation d’ « héroïne ».
Onzième mesure : la suppression de la justice des mineurs. Les dispositions qui favorisent l’impunité des mineurs délinquants doivent être reconsidérées. Ceux-ci doivent être détenus, si nécessaire, dans des établissements spécialisés, en vue de protéger la société de leur comportement et de leur apprendre les règles morales et sociales qui sont nécessaires à une vie adulte. L’ordonnance du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante donne la priorité à une « éducation » qui fait abstraction de la nécessaire sanction. Il faut l’abroger, pour repartir sur de nouvelles bases. Le tribunal des enfants a fait la preuve de sa démagogie et de sa nocivité : il faut le supprimer. Il doit y avoir simplement des juges spécialisés pour les enfants, dans les juridictions de droit commun, de même que d’autres sont spécialisés dans les affaires financières, et il ne doit plus y avoir de confusion des genres entre le juge, qui punit, et l’éducateur, qui encadre. La majorité pénale est actuellement fixée à treize ans, ce qui est une manière d’organiser l’irresponsabilité des enfants qui n’ont pas atteint cet âge. Le mieux est d’abolir cette notion, en laissant le soin au juge d’invoquer, le cas échéant, l’excuse du manque de discernement pour écarter la sanction d’emprisonnement. Pour la justice des mineurs, une certaine individualisation de la peine est légitime.
Douzième mesure : la création d’un délit de harcèlement. Actuellement, de braves gens qui sont persécutés par de jeunes voyous n’ont pas les moyens de se défendre, face à l’inertie de la police et aux lacunes de la législation.
Treizième mesure : la répression sans faiblesse de la petite délinquance et le rétablissement de l’ordre dans les zones de non-droit, au besoin par l’armée. La police doit être mobilisée pour réprimer sans faiblesse la petite délinquance, qui porte les plus graves atteintes à la tranquillité publique, et qui crée un terrain favorable à la criminalité la plus lourde. On sait que qui vole un œuf vole un bœuf, et que les drogues douces mènent aux drogues dures : ainsi la lutte contre le crime est-elle un tout. Le criminologue américain George Kelling, avec sa théorie de la « fenêtre cassée », selon laquelle il ne faut rien laisser passer, a inspiré la politique de « tolérance zéro » du maire de La Nouvelle York, dont nous saluons les résultats. Nous devons en reprendre les principes. La principale difficulté est de convaincre et de faire obéir les agents des forces de police, dont le zèle ne suscite pas en général l’admiration des victimes, c’est le moins que l’on puisse dire.
Quatorzième mesure : la création d’un statut de repenti. Pour lutter contre la corruption et le crime organisé, un statut du repenti doit être créé en faveur des délinquants qui acceptent de collaborer avec la justice en dénonçant leurs complices : il faut, en effet, rompre la loi du silence, qui rend très difficile l’obtention des preuves. Comme en Italie ou aux États-Unis, les repentis doivent bénéficier de réductions de peine et d’une protection policière. Certains diront que c’est encourager la délation, qui a mauvaise réputation. Mais c’est, en réalité, un devoir moral de dénoncer le crime à la justice. De toutes façons, à moins de rétablir la question, comme l’a fait l’État israélien, cette mesure est indispensable pour lutter contre le terrorisme et le crime organisé.
Quinzième mesure : la création d’une Cour de sûreté de l’État. Une Cour de sûreté de l’État doit être instituée, pour améliorer la lutte contre le terrorisme et le crime organisé. La suppression de celle qui avait été mise en place par le général de Gaulle a été une faute. Il est, en effet, des menaces d’une envergure telle que les tribunaux ordinaires ne peuvent les traiter convenablement.
Telles sont les quinze propositions auxquelles nos analyses nous ont conduits, considérant qu’il faut tourner le dos à l’utopie égalitaire de la gauche, que partage une partie de la soi-disant droite, si l’on veut rétablir en France un minimum de sécurité. Nul doute qu’elles auraient des résultats considérables. On pourrait diviser par deux, en quelques années, le nombre des crimes et délits, avant de faire mieux encore et de retrouver le niveau de sécurité des années cinquante. Dans le domaine de la justice et de la sécurité, comme dans beaucoup d’autres (je songe à l’éducation, à la famille, à la politique sociale), les conceptions de la gauche ont presque totalement prévalu, jusqu’à présent, même sous les gouvernements dits de droite.
Grégoire Canlorbe : Vous ne faites pas mystère de votre intérêt pour la pensée éthologique, sur laquelle vous vous êtes appuyé dans La Politique du vivant, publiée par le Club de l’Horloge sous votre direction en 1978. Konrad Lorenz, et dans une moindre mesure Irenäus Eibl-Eibesfeldt et Robert Ardrey, sont abondamment cités. Pourquoi votre préférence intellectuelle va-t-elle à Konrad Lorenz plus particulièrement ? Quelles leçons uniques sur la civilisation humaine pouvons-nous tirer de sa lecture ?
Henry de Lesquen : À l’encontre de l’environnementalisme, postulat implicite de la gauche, Konrad Lorenz montre la force de l’instinct dans l’être humain. Il insiste tout particulièrement sur l’instinct d’agressivité, sans oublier l’instinct de curiosité ou l’instinct sexuel. On reproche couramment à l’éthologie de nier la rationalité et la culture de l’animal humain : l’homme, clame-t-on, n’est pas un animal comme les autres. Ce reproche est infondé. L’éthologie, loin de nier la spécificité de l’animal humain, s’intéresse aussi bien au bagage héréditaire de l’homme et aux prédispositions inscrites dans son génotype qu’à sa capacité d’apprentissage et au rôle joué par les disciplines culturelles dans la canalisation des instincts humains.
Konrad Lorenz est limpide sur ce rôle vital que joue la contrainte culturelle chez l’animal humain. Comme le montre Lorenz, l’homme a impérativement besoin de l’encadrement d’une civilisation pour donner le meilleur de lui-même. À l’origine, les disciplines culturelles étaient, en fait, les conditions mêmes de la survie matérielle. La valorisation de la chasse et de ses dangers, le mépris pour la lâcheté créaient des contraintes nécessaires à la survie alimentaire du groupe. Mais de nos jours, la hausse du niveau de vie a éloigné les duretés et les dangers de la vie primitive : aussi l’homme moderne est-il porté à la facilité, au rejet des « répressions » – c’est-à-dire des disciplines culturelles. Elles semblent évidemment moins nécessaires dans la vie courante, mais de leur effacement résulte en fin de compte un amollissement, un dégoût de l’effort, une « tiédeur mortelle du sentiment », selon l’expression de Lorenz, qui, loin d’apporter le bonheur, suscitent bien souvent la névrose.
Les disciplines culturelles ne sont pas seulement des conditions nécessaires à la vie en société, elles permettent aussi à l’individu de construire sa personnalité. L’homme, encore une fois, n’est pas totalement déterminé par des facteurs biologiques. Les processus d’apprentissage reposent sur des « programmes ouverts » qui sont inscrits dans l’hérédité et qui permettent des apprentissages très divers. Ces apprentissages dépendent du milieu, mais aussi, au moins chez l’adulte, de la volonté propre de l’individu : là réside sa liberté. L’être humain n’est pas agi par ses instincts, comme l’est souvent l’animal, qui doit parcourir un enchaînement linéaire immuable de comportements déterminés. Un exemple donné par Konrad Lorenz est celui de l’oie cendrée, animal doué d’une grande intelligence, qui présente cependant dans sa vie quotidienne nombre de comportements mécaniques absolument insusceptibles d’adaptation ou de changement.
L’évolution qui a conduit à l’homme s’est traduite par une réduction du champ des comportements strictement programmés, qui ont laissé la place à des comportements volontaires ou appris, plus plastiques. Il ne faudrait pas croire, toutefois, que cette grande plasticité du comportement humain s’explique par une perte de substance héréditaire. Au contraire, un programme ouvert demande plus, et non moins, d’information génétique qu’un programme fermé. Le simple fait qu’un apprentissage utile à la conservation de l’espèce soit possible prouve une harmonie entre l’individu et son milieu, qui a bien dû apparaître au cours de la phylogénèse et s’inscrire dans le patrimoine héréditaire. Le programme ouvert du comportement dérive d’un programme fermé, par addition d’une propriété nouvelle : celle de tenir compte d’un facteur significatif de l’environnement.
L’évolution n’a donc pas effacé les instincts : elle les a intégrés dans des processus de plus en plus complexes. Konrad Lorenz analyse le comportement animal comme une séquence alternée d’actes instinctifs génétiquement programmés, et d’actes acquis individuellement. Au cours de l’évolution, cette chaîne comporte de plus en plus de maillons du second type, ce qui lui donne une souplesse toujours plus grande. Mais cette régression de la part du comportement instinctif n’est qu’une apparence si, comme le disait Wallace Craig, « le dernier chaînon, celui qui réalise la finalité de l’acte, est toujours inné ». Dans ce cas, il faudrait dire que, si l’homme n’est pas agi par ses instincts, il agit pour ses instincts – qui sont d’ailleurs la source de ses émotions.
Contrairement aux apparences, les instincts de l’homme ne sont pas moins forts que ceux des animaux. Comme ils donnent leur sens aux conduites les plus variées, incomparablement performantes en raison de leur souplesse, on pourrait même être tenté de leur reconnaître une emprise absolue sur nous-mêmes : mais cette interprétation serait tout à fait insuffisante et dangereuse, car elle revient à nier la liberté. Telle était pourtant la conclusion de Freud. Pour les tenants de l’environnementalisme, l’homme est exclusivement le jouet d’événements extérieurs : Freud reconnaît au contraire, et fort justement, la primauté de l’instinct, mais il en fait quelque chose d’irréductible à nous-mêmes, comme si nous étions possédés de l’intérieur par des puissances démoniaques !
Une telle interprétation est valable dans certains cas pathologiques, où la personnalité s’est dissociée en ses matériaux constitutifs – mais le grand tort de Freud est précisément d’avoir voulu expliquer le normal par le pathologique : entre les deux, il ne voit de différence que de degré. Au surplus, après avoir réduit l’homme à ses instincts, Freud réduit ses instincts à la sexualité, et la sexualité à une source d’énergie aveugle, une soif de plaisir qui ne s’attache à tel ou tel objet qu’en fonction des influences subies pendant l’enfance. Paradoxalement, cela revient à définir une nouvelle forme d’environnementalisme, tout aussi négatrice de la liberté que les autres : la « relation d’objet » tient chez les freudiens la place que Pavlov avait voulu donner au réflexe conditionné. Elle leur permet de faire comme si l’hérédité n’existait pas. Ils la remplacent par les événements de l’enfance, responsables d’après eux de tous les troubles mentaux.
Konrad Lorenz affirme à raison que l’agressivité joue dans la vie humaine un rôle tout aussi important que la sexualité. L’instinct de mort tardivement imaginé par Freud n’en est qu’une contrefaçon. Mais il est tout aussi important de garder à l’esprit que la biologie ne suffit pas à définir l’homme : en vertu de sa nature biologique elle-même, il a besoin de règles. L’ordre intérieur qui caractérise une personnalité n’est pas donné à l’avance ; il est à construire. Il restera toujours précaire, perpétuellement menacé de déliquescence. Comme l’exprime fort bien Lorenz dans L’Envers du miroir, l’individu, s’il a sa marge de liberté, n’est donc pas dissociable de la civilisation à laquelle il appartient.
« Sans le squelette de soutien qui détermine son appartenance à une civilisation et son droit à en partager le patrimoine, l’homme, qui est par nature un être de civilisation, ne pourrait purement et simplement pas exister. L’imitation de l’enfant se perpétue chez l’adulte de sorte qu’il s’oriente sur un modèle et se sent identique à ce modèle en tant que porteur – en tant que possesseur – de sa civilisation. Sans ce phénomène d’identification à un transmetteur de sa tradition, l’homme ne pourrait avoir de véritable sentiment de son identité. Le moindre paysan sait « qui il est » et il en est fier.
La recherche désespérée d’une identité qui va aujourd’hui jusqu’à faire l’objet d’articles dans la presse quotidienne, les « identity problems » de la jeunesse actuelle ne sont que les symptômes d’un trouble survenu dans la transmission des traditions culturelles. Quand un être jeune a perdu l’héritage culturel de la civilisation dans laquelle il a grandi et qu’il n’a pas trouvé de substitut dans une autre civilisation, il lui est impossible de s’identifier à qui que ce soit, il n’est effectivement rien ni personne et c’est ce que l’on peut voir aujourd’hui dans le vide désespérant qui se lit sur le visage de beaucoup de jeunes gens. Qui a perdu l’héritage culturel de sa civilisation est véritablement un déshérité. Rien d’étonnant à ce qu’il cherche un dernier refuge dans l’attitude désespérée d’un autisme obstiné qui fait de lui un ennemi de la société. »
Réduire l’homme à l’animal, à un catalogue d’instincts, serait donc une erreur aussi grave que de le prendre pour une pâte à modeler, exclusivement façonnée par son environnement, ou de le décrire comme un petit robot : un individu dénué de toute liberté et de tout pouvoir sur sa vie. Chacun de nous est un être unique, qui combat dès la naissance pour affirmer sa personnalité. Nous sommes riches de possibilités contradictoires parmi lesquelles il nous faut tracer notre chemin. C’est pourquoi nous avons le besoin vital de l’appui d’une civilisation, comme la fleur, pour s’épanouir, a besoin du soleil.
Grégoire Canlorbe : Philosophe du territoire, des hiérarchies de domination, et de la dialectique de l’ordre et du désordre, Robert Ardrey a notamment influencé Stanley Kubrick et Sam Peckinpah. Non sans esprit polémique à l’endroit de la condamnation de la contraception et de l’avortement par l’Église, il suggère que le contrôle des naissances, instinctivement mis en œuvre parmi grand nombre d’espèces vertébrées, constitue une loi naturelle, au sens où il est indispensable à l’adaptation d’un groupe animal à son environnement. Permettez-moi de laisser la parole à Robert Ardrey en personne.
« Une infinie variété », écrit-il en 1970, dans Le Contrat Social, « de mécanismes d’autorégulation, physiologiques et psychologiques, fait en sorte que le nombre des animaux – mis à part le cas de catastrophe naturelle – ne dépasse jamais les possibilités de subsistance offertes par un environnement. Le contrôle des naissances est la loi des espèces.
Lorsque Paul VI, en 1968, condamna la contraception, il commit une erreur fatale. Si ses conseillers et lui-même s’étaient bornés à formuler leur condamnation au nom de la doctrine de l’Église, aucun spécialiste de l’évolution n’aurait pu protester. Mais la contraception fut aussi condamnée comme une violation de la loi naturelle – et, quel que soit le sens que le Vatican puisse donner à la formule de « loi naturelle », son invocation ouvre la porte à un sérieux débat.
Si l’on se réfère en effet aux faits prouvés par la nouvelle biologie, c’est au contraire la contraception qui apparaît comme l’implémentation culturelle d’une loi naturelle : le contrôle des naissances ; et c’est la condamnation papale qui constitue une violation de cette loi. »
Aussi longtemps que la croissance économique est plus forte que la croissance démographique, cette « loi naturelle » semble s’évaporer. Mais c’est une nécessité à laquelle aucune espèce animale ne peut échapper, que le contrôle des naissances soit pris en charge par des procédures instinctives ou des institutions culturelles. Quel regard portez-vous sur cette analyse ?
Henry de Lesquen : Les écrits de Robert Ardrey sur le territoire sont, en effet, fondamentaux. On s’imagine souvent, lorsque naît une nouvelle formation culturelle, qu’elle est indépendante de la nature humaine, puisqu’elle n’a pas toujours existé. Cela est une profonde erreur, qui relève de la « pensée dichotomique » stigmatisée par Konrad Lorenz. « Culture » et « nature » sont indissociables et toute communauté forme un système bioculturel dont les éléments interagissent en permanence, de génération en génération. Au demeurant, l’idéal de la nation n’est pas entièrement nouveau, puisqu’il est la réplique moderne de la cité antique. Dans un cas comme dans l’autre, il s’agit d’un phénomène idéologique, qui dresse dans l’ordre politique une nouvelle vision des rapports sociaux, en s’appuyant sur une tendance enracinée dans la nature humaine : l’instinct du territoire. L’homme, en effet, est un animal territorial.
Robert Ardrey, en s’appuyant sur les travaux des éthologues et ses propres observations, a montré la force de l’instinct territorial chez de nombreuses espèces, y compris l’homme. Ces animaux, comme l’homme, s’attribuent un territoire qu’ils défendent avec ardeur contre leurs congénères. C’est la division du sol qui établit des relations pacifiques à l’intérieur d’une espèce : les conflits de frontières sont rares. La sélection naturelle a inscrit l’instinct de territoire dans notre héritage phylogénétique. C’est lui qui donne à la nation cette énergie vitale si caractéristique, et c’est pourquoi le territoire est la condition prioritaire de la formation du sentiment national.
Cependant, le programme génétique de l’homme est ouvert. C’est en ce sens, que, selon Arnold Gehlen, « l’homme est par nature un être de culture ». L’idéal de la nation n’est pas la seule expression de l’instinct territorial, sans quoi, en effet, on ne comprendrait pas que cet idéal n’ait pas toujours existé. On peut faire un parallèle entre famille et nation, propriété et souveraineté, domicile et territoire, et regarder la nation comme une famille étendue, si l’on ne recherche pas dans la métaphore une précision qui ne peut s’y trouver. La famille, comme la nation, s’approprient l’espace à leur échelle, et s’attachent à des territoires.
Contrairement à ce qu’un pacifisme mal compris voudrait faire croire, les territoires nationaux et leurs frontières ne sont pas un facteur de guerre, mais une condition (nécessaire et cependant non suffisante) de la paix. En assurant aux hommes un domicile national, l’existence des frontières satisfait leur instinct territorial. Elle garantit la cohésion des peuples – tant il est vrai qu’on ne se pose qu’en s’opposant. Elle neutralise l’agressivité, ou plutôt la canalise vers des activités de création : de guerrier qu’il était, l’homme devient bâtisseur. Certes, les meilleurs équilibres peuvent se rompre, et la guerre survient épisodiquement, jusqu’à ce que s’instaure un nouvel équilibre. Mais, dans un tel système, la guerre est exception, passage d’un état d’équilibre à un autre état d’équilibre. À l’inverse, une humanité mondialisée connaîtrait sans aucun doute les horreurs permanentes de la guerre de tous contre tous.
Tout aussi fondamentaux sont les travaux de Robert Ardrey sur la hiérarchie et la domination. En réalité, que nous prenions en considération une société humaine ou animale, la hiérarchie reste la condition première de tout progrès de l’ensemble social : elle seule assure un ordre qui permet d’accéder collectivement à un niveau supérieur. Une société égalitaire ne pourrait ni progresser, ni même survivre. La défense contre les périls extérieurs absorbe une grande partie de l’énergie de toute société, animale ou humaine. Or, elle n’est possible que s’il y a hiérarchie : celle-ci, en stabilisant les rapports sociaux, permet d’éviter le développement de luttes intestines qui pourraient être fatales à une société déjà menacée de l’extérieur.
D’où vient la hiérarchie ? Elle s’enracine dans l’agressivité instinctive que nous avons héritée de nos ancêtres primates. Cependant, elle n’est pas donnée à l’origine : elle se développe à mesure que se révèlent des dons inégaux. L’égalité de condition à la naissance est, en effet, la loi générale chez les vertébrés, comme le souligne Robert Ardrey. Il est vrai que cela ne se vérifie pas parmi toutes les espèces : c’est ainsi qu’on a pu observer, chez les rhésus et les macaques japonais, l’esquisse de lignages hiérarchiques, c’est-à-dire des cas de transmission du rang par la naissance. L’avantage d’un tel système, du point de vue de la sélection naturelle, est sans doute de permettre à la société de tenir compte, dès sa naissance, d’informations supplémentaires sur un individu. La noblesse, c’est trente ans de gagnés, disait déjà Pascal.
Cependant, on n’observe pas, dans les sociétés animales de vertébrés, de système de caste analogue à celui des termites, qui exagère l’importance de l’information donnée à la naissance. Il semble, en fait, que les sociétés de vertébrés qui connaissent le système de lignage hiérarchique se tiennent à égale distance de l’égalité pure et de l’inégalité pure à la naissance. Ces sociétés animales sont donc des sociétés mobiles, dont les membres sont en compétition les uns avec les autres – ce qui ne peut manquer d’entraîner un certain désordre. Le rôle de l’alpha consiste alors à veiller à ce que ce désordre ne risque pas de mener le groupe social à la destruction. Bien qu’elle soit beaucoup plus complexe que les sociétés animales, la société humaine a le même besoin de hiérarchie. Plus précisément, nous devons nous soumettre à une double nécessité : celle d’une hiérarchie, et d’une hiérarchie suffisamment souple pour ne pas stériliser les valeurs nouvelles. Telle est, j’imagine, la dialectique de l’ordre et du désordre à laquelle vous faisiez référence.
En ce qui concerne la position de Robert Ardrey sur l’avortement, je ne suis pas du tout convaincu. Je traitais justement de la nécessité de combattre l’avortement dans mon émission de la semaine dernière à Radio Courtoisie. L’argument d’Ardrey en faveur de la légalisation de l’avortement – à savoir que c’est la maîtrise des naissances, et non la prohibition de l’avortement, qui constitue une « loi naturelle » – n’ayant pas été soulevé à cette occasion, je vous remercie de me permettre de compléter ma position sur le sujet.
Tout d’abord, l’idée même d’une loi naturelle ou d’un droit naturel n’a pas de sens à mes yeux. Cette expression est vicieuse. Je ne nie pas qu’il soit possible et même souhaitable de donner une expression juridique à nos tendances naturelles, à l’image de l’instinct territorial qui se manifeste dans la défense et la codification de la propriété privée. Mais cela ne revient pas à prétendre qu’il existerait des « lois naturelles ». Toute loi, en réalité, est une invention culturelle, qui peut certes devenir une tradition millénaire, mais qui n’est jamais présente dans la nature.
Ensuite, il est évident que la croissance exponentielle d’une population est impossible à long terme, au sens où elle se heurte nécessairement aux limites physiques des ressources naturelles – les ressources alimentaires en particulier. Robert Malthus (dont le prénom n’était donc pas, comme on le croit couramment, Thomas), dans son ouvrage La loi du peuplement, souvent traduit à tort comme « Le principe de population », ne disait pas autre chose. On a prétendu qu’il s’était trompé. Pourtant, la croissance démographique des pays qui avaient été les premiers à voir leur population s’accroître de manière inédite a effectivement fini par plafonner. Qu’il faille maîtriser les naissances pour éviter à la population d’atteindre les limites des ressources naturelles de son environnement, c’est une évidence. Jusqu’au XIXème siècle, la famine et les épidémies étaient les moyens traditionnels de la régulation démographique, ceux que l’humanité avait connus depuis toujours et dans toutes les sociétés. Mais la nécessaire maîtrise des naissances ne justifie absolument pas l’avortement.
Si l’on considère, comme c’est mon cas, que l’avortement est un crime, un infanticide in utero, il ne saurait être légalisé pour des motifs d’ordre pragmatique ou utilitaire. L’avortement n’était d’ailleurs pas autorisé en France jusqu’en 1975, année de la funeste loi de Simone Veil. En définitive, la décision d’un gouvernement d’asseoir par la force la régulation des naissances, à l’image de la politique de l’enfant unique en Chine, est tout aussi moralement condamnable que celle de légaliser l’avortement. Il appartient à chacun de décider du nombre de ses enfants et de choisir de recourir ou non à des mesures contraceptives.
Quoiqu’ils soient contraires à la morale catholique, les moyens contraceptifs modernes tels que la pilule doivent être autorisés. Il convient, sur ce plan, pour un chrétien, de séparer la morale et le droit. Mais il n’y a pas lieu de faire ce distinguo à propos de l’avortement. Je propose de revenir au code civil de 1810, qui punissait l’avortement comme un crime, tout en confiant sa répression à des juges spécialisés. Il y a cependant deux cas de figure où l’avortement doit être autorisé : en premier lieu, lorsque l’enfant est né d’un viol, et en second lieu, lorsque l’enfant menace la vie de la mère. Quoiqu’elle ait le devoir moral de préserver la vie de l’enfant, la femme violée ne peut être tenue légalement de garder l’enfant issu du viol.
Grégoire Canlorbe : Dans les années 1980, vous avez entrepris de condamner le socialisme sur la base de la doctrine chrétienne du péché originel. Le socialisme, dîtes-vous, se fonde sur la croyance que l’homme est bon par nature et corrompu par la société ; et que les malheurs de l’être humain ne sont pas inhérents à sa condition, mais le fruit d’institutions sociales mal conçues. Vous rétorquez que l’homme s’est rendu coupable aux yeux de Dieu lors du péché originel, et qu’à ce titre, au lieu d’être corrompu par la société, il naît avec la responsabilité du mal qu’il commet ; les souffrances humaines sont le châtiment qu’il subit en sanction de sa chute, et non le produit d’un arrangement vicié de la société.
Une thèse plus plausible me semble être que l’homme n’est pas bon par nature mais qu’il n’a pas non plus choisi « métaphysiquement » d’être mauvais ; en réalité, c’est l’évolution biologique dont il est issu qui a fait de lui un être mauvais, sans qu’il n’ait eu préalablement son mot à dire. Nous naissons avec des instincts qui nous prédisposent à la violence (individuelle et collective), mais nous ne portons pas la responsabilité de cette innéité du mal ; la responsabilité en incombe à la nature, pour ainsi dire. Quant aux souffrances humaines, elles sont elles-mêmes le fait de la nature, laquelle nous prédispose biologiquement aux malheurs de la guerre, et nous confronte à la rareté des ressources et à l’hostilité de l’environnement terrestre.
Au final, l’homme est mauvais, non parce qu’il l’a choisi devant Dieu qui est bon, mais parce que Dieu et le diable, pour ainsi dire, sont la même entité. Dieu (pris ici dans un sens métaphorique pour désigner la nature) a fait de l’animal humain un animal mauvais et de la vie humaine une vie misérable, car la compétition des individus et des sociétés (parmi les humains et au-delà) dans un contexte de rareté des ressources naturelles est une force féconde. Le mal participe du geste créateur de la nature. Quels seraient vos contre-arguments en faveur de la thèse du péché originel ?
Henry de Lesquen : Sauf le respect que je vous dois, la thèse que vous défendez est aussi intéressante et aussi perspicace que celle de M. Zemmour sur la féminisation de la société. Mais j’apprécie votre intérêt pour le livre que nous avons écrit, au Carrefour de l’Horloge, sous le titre Socialisme et religion sont-ils compatibles ?. Vous avez raison de rappeler les déterminants biologiques de l’agressivité humaine contre le postulat implicite de la gauche selon lequel l’homme serait bon par nature et corrompu par la société.
L’égalitarisme, qui prétend que les hommes sont naturellement indifférenciés et identiquement portés à faire le bien (sinon à s’abstenir de faire le mal), suscite une vive hostilité de la part des intellectuels à l’endroit de l’éthologie. Dans Guerre ou paix dans l’homme, Irenäus Eibl-Eibesfeldt s’exprime fort bien sur cette véhémence du préjugé culturaliste (ou égalitariste).
« Il existe en sciences humaines des préjugés solidement ancrés contre une détermination génétique et phylogénétique du comportement humain, ce qui oblige les biologistes à se lancer dans une campagne où ils sont en butte aux reproches les plus terribles. C’est ainsi que Marwin Harris, en 1968, a traité Darwin de raciste. Comme on sait néanmoins que ce dernier a pris position contre l’esclavage, qu’il plaçait les noirs du Brésil au-dessus des blancs du pays pour le caractère et la constitution physique, qu’il est donc impossible de l’accuser de racisme au sens habituel du terme, Harris a créé celui de « racisme scientifique ».
Tous ceux qui essaient de concevoir la race comme adaptation au milieu et de rechercher des corrélations entre le lot génétique et les particularités du comportement s’exposent à être qualifiés de racistes. Freeman s’est élevé avec énergie contre de telles interprétations. Celui qui souligne la détermination partiellement génétique du rôle des sexes masculin et féminin est attaqué comme sexiste. Celui qui recherche des déterminants innés dans le comportement agressif a bien du mal à échapper au reproche de militarisme ; quant à celui qui décèle l’action de la sélection dans le domaine intellectuel, il fait du darwinisme social. Quelle est donc la vraie raison du refus des déterminants biologiques dans le comportement humain ? Je crois pouvoir la dégager de la littérature examinée : c’est la crainte qu’ils soient tout à la fois immuables, insurmontables et incontrôlables. »
Je ne suis pas convaincu que cette hostilité découle, en dernière analyse, de la croyance selon laquelle les instincts de l’homme seraient nécessairement indomptables et tyranniques. Le préjugé qui veut que l’éthologie nie la capacité de l’être humain de prendre du recul sur ses instincts est certes courant. Mais c’est l’idéologie égalitariste de la gauche qui me semble véritablement à l’origine de l’hostilité à l’égard de Konrad Lorenz et d’autres auteurs comme Robert Ardrey et Irenäus Eibl-Eibesfeldt. L’égalitarisme nie très précisément la responsabilité de l’être humain, ce que ne fait pas l’éthologie.
En ce qui concerne la thèse du péché originel, il faut bien saisir que la nature dont traite cette thèse est la nature nouménale de l’être humain, et non sa nature sensible ou, si vous préférez, biologique. Platon, Kant et Schopenhauer distinguent entre deux mondes, le monde sensible, celui que la science explore et structure, et le monde suprasensible, celui qui échappe à nos sens et que la science ne peut arriver à connaître. L’éthologie traite de la nature humaine telle qu’elle nous apparaît dans le monde sensible. L’égalitarisme de la gauche nie l’existence de la nature humaine, que ce soit dans le monde sensible ou dans le monde nouménal. Autrement dit, il nie la nature humaine aussi bien dans sa dimension phénoménale que dans sa dimension suprasensible.
Konrad Lorenz ne nie pas l’existence de la liberté humaine. Mais la liberté qu’il a en tête est celle qui consiste, pour la raison humaine, à développer des comportements appris et volontaires au-delà du champ des instincts et dans l’intérêt de la domestication des instincts. Comme en témoigne cet extrait de L’Agression : une histoire naturelle du mal, Lorenz porte son attention sur l’agressivité en tant que trait constitutif de notre nature sensible et la liberté en tant que capacité de maîtriser notre agressivité innée et nos autres instincts.
« Nous avons de bonnes raisons de considérer l’agressivité intra-spécifique comme le plus grand des dangers dans la situation historico-culturelle et technologique actuelle de l’humanité. Mais nous n’améliorerons certainement pas nos chances d’y obvier en la considérant comme quelque chose de métaphysique et d’inéluctable ; mieux vaudrait peut-être suivre l’enchaînement de ses causes matérielles. Chaque fois que l’homme a acquis le pouvoir de diriger intentionnellement un processus naturel dans une direction donnée, il l’a dû à sa compréhension de la chaîne des causes qui le produisaient. La science des processus vitaux normaux, remplissant leur rôle favorable à la conservation de l’espèce, ce que l’on appelle la physiologie, constitue la base indiscutable de la science traitant des troubles de ceux-ci, la pathologie. »
Dans le monde phénoménal, le monde tel qu’il est dévoilé par l’expérience sensible et tel qu’il est mis en forme par l’investigation scientifique, la seule liberté concevable est celle qui porte strictement sur la manière dont nous exprimons, satisfaisons et disciplinons nos instincts. Dans le monde nouménal, le monde tel qu’il existe au-delà de nos sens et au-delà des concepts que nous mettons en œuvre pour unifier et ordonner l’expérience sensible, notre liberté est bien plus grande. Lorsque la raison n’a affaire qu’à elle-même, et non plus aux émotions procédant de nos instincts, lorsqu’elle tire de son propre fond le principe de sa conduite, cessant ainsi d’être au service des instincts et de leur domestication, nous faisons alors un exercice complet de notre liberté. Cette forme de liberté, qu’on pourrait dire absolue ou métaphysique, est absente du monde phénoménal et cependant présente dans le monde nouménal.
La doctrine du péché originel répond à un problème fondamental : « D’où vient le mal, puisque Dieu est bon ? » Il faut qu’il vienne de l’homme et que celui-ci, réputé innocent, dès lors qu’il n’a pas commis d’actes mauvais, soit cependant, d’une certaine manière, coupable pour ce qu’il est (et non seulement pour ce qu’il fait). Autrement dit, c’est parce que l’homme est porté au péché, non seulement du fait de sa nature biologique, celle étudiée par l’éthologie, mais du fait de sa nature profonde – sa nature nouménale – qu’il mérite, dans sa vie, de subir des souffrances voulues par la justice divine. Comme l’exprime fort bien cette remarque de Schopenhauer, « la responsabilité morale de l’homme porte à vrai dire d’abord et ostensiblement sur ce qu’il fait, mais au fond, sur ce qu’il est ». Nous sommes pécheurs en vertu de ce que nous sommes dans le monde nouménal, et non seulement en vertu de ce que nous faisons dans le monde phénoménal.
Pour un chrétien, la chute est la conséquence d’un acte conclu en toute liberté, au sens de la liberté métaphysique évoquée précédemment. Elle est la sanction d’un acte commis souverainement et « métaphysiquement » par le premier homme, elle vient consommer la rupture de cette harmonie parfaite que Dieu avait établie entre lui et son Créateur. En outre, le péché originel n’est pas seulement celui d’Adam, tous les hommes y ont mystérieusement pris leur part. « Tous ont péché en Adam », dit l’apôtre (Rom., V, 12). On peut être troublé de cette responsabilité qui nous incombe pour des actes commis avant notre naissance. « Comment l’aurais-je fait, si je n’étais pas né ? », dit le fabuliste. Et pourtant, comme l’ont bien vu les théologiens, mais aussi un philosophe non chrétien comme Schopenhauer, le péché originel de l’homme est une vérité profonde qu’il faut accepter comme une clé de notre nature proprement métaphysique, un trait vicié de notre réalité nouménale, par-delà le monde sensible.
Grégoire Canlorbe : Notre entretien touche à sa fin. Aimeriez-vous ajouter quoi que ce soit ?
Henry de Lesquen : Je pense que nous devons nous efforcer de comprendre quelle est l’idéologie dominante aujourd’hui. Tout le monde s’accorde à dire qu’il existe une idéologie dominante, une pensée unique, un politiquement correct, mais peu savent de quoi il en retourne. Il existe effectivement, depuis environ cinquante ans, une idéologie dominante mondiale, qui s’appelle le cosmopolitisme, qui s’est imposée après Mai 68, et qui constitue l’un des deux grands modes d’expression de l’utopie égalitaire.
Pour qu’elle réussisse à se traduire dans le monde réel, une utopie est contrainte de s’adapter aux réalités concrètes et de se transformer plus ou moins en profondeur. Comme on le voit bien dans les récits des utopistes, l’utopie égalitaire, c’est-à-dire l’utopie de la gauche, se scinde en une gauche collectiviste et une gauche cosmopolite. La première a pour idéal une société organisée comme une caserne et débouche sur le socialisme et le communisme. La seconde cultive le rêve d’un carnaval sans fin. La gauche collectiviste continue d’avoir une certaine emprise dans le monde contemporain : notamment en France, où l’État représente 57% du PIB. La gauche cosmopolite est cependant celle qui domine aujourd’hui la pensée des hommes.
Le cosmopolitisme nie les frontières physiques et spirituelles entre les hommes. À ce titre, il interdit aux nations de se défendre, que ce soit contre le libre-échange ou l’immigration. Le cosmopolitisme nie aussi les frontières intérieures : celles entre le bien et le mal, le beau et le laid, le vrai et le faux. Il aboutit, en pratique, à l’inversion des valeurs et à la destruction de la famille, avec la théorie du genre et le mariage homosexuel ; la destruction de la sécurité, avec l’abolition de la peine de mort et le refus de punir les criminels ; la destruction du sens esthétique, avec le prétendu art contemporain qui est en réalité un non-art dégénéré ; ou encore la destruction de la pédagogie, avec le nivellement par le bas dans les programmes scolaires.
L’idéologie cosmopolite n’est pas neuve. Elle remonte aux philosophes cyniques dont le représentant le plus célèbre, Diogène de Sinope, vivait dans un tonneau, se masturbait en public, et tournait en dérision les valeurs de la Cité. En inventant la Cité, les Grecs ont donné au patriotisme sa forme la plus pure et la plus exigeante. Ce sont eux, aussi, qui ont créé le cosmopolitisme, au moment où les cités se dissolvaient dans l’empire. On se souvient qu’Alexandre le Grand, qui préconisait le mélange des peuples et des races, avait déclaré, après son échange avec Diogène le cynique : « Si je n’étais pas Alexandre, je voudrais être Diogène. » Quoique Diogène et Alexandre soient souvent présentés comme des figures antagoniques, ils constituent, en fait, les deux faces d’une même pièce, le premier formulant l’idéologie cosmopolitique, et le second la mettant en œuvre dans sa démarche de bâtisseur d’empire.
Le mot cosmopolite, qui signifie « citoyen du monde » (étant formé des deux mots grecs cosmos, monde, et politês, citoyen), est en lui-même une subreption, car toute cité implique un dedans et un dehors, une relation d’inclusion-exclusion : le monde ne saurait être une cité. « Défend tes lois comme tu défends tes murailles », disait Héraclite ; s’il n’y a plus de « murailles », ou de frontières, la cité disparaît, et avec elle le civisme. Le soi-disant « cosmopolite » ne peut être citoyen du monde, il n’est citoyen de nulle part, et il ne se réclame du monde que pour nier ses devoirs envers la cité.
Grégoire Canlorbe, auteur et journaliste indépendant, a mené de nombreuses interviews pour des journaux et revues tels que Man and the Economy, fondé par le lauréat du Prix Nobel d’économie Ronald Coase, Arguments, ou encore Agefi Magazine ; et des think-tanks tels que Mises Institute et Gatestone Institute. Il collabore, par ailleurs, avec le sociologue et philosophe Howard Bloom sur un ouvrage de conversations. Coordonnées : gregoire.canlorbe@wanadoo.fr
Un entretien qu’il est toujours bon de relire ! Merci à l’Institut Coppet, à Grégoire Canlorbe et à Henry de Lesquen !
Attention : Un article de pareille longueur n’a aucune chance d’être lu par votre public cible.
Il est beaucoup trop long !
Croyez-en le jeune enseignant retraité que je suis.
Il n’y a plus que les vieux retraités des classes aisées qui ont le temps et, éventuellement la patience surtout, pour vous suivre; si c’est ce que vous voulez, alors poursuivez dans cette voie.
Amicalement.
little jfk
Vous avez 100 0/0 raison