La société est un système bioculturel

La société, système bioculturel

PAR HENRY DE LESQUEN

Écrits issus de l’ouvrage du Carrefour de l’Horloge La Politique du vivant

 

 

Patrimoine génétique et patrimoine spirituel

 

Le véritable  humanisme n’est d’autre que cet antiracisme qui renvoie dos à dos le racisme inégalitaire (haine raciale) et le racisme égalitaire. Il suppose une conception équilibrée des relations entre le biologique et le culturel : si le culturel n’est pas indépendant du biologique, il n’en est pas pour autant un simple reflet. Biologique et culturel forment un tout : une société est un système biculturel complexe où les deux sphères s’interpénètrent et interagissent.

L’originalité d’une société, d’une culture, ne peut ni s’expliquer indépendamment de sa biologie, ni s’y réduire. Tel est le sens de l’intervention du président Giscard d’Estaing au colloque « Biologie et devenir de l’homme » de l’année 1974 : « Le patrimoine spirituel d’une civilisation vécue collectivement répond au patrimoine génétique d’une descendance biologique. » « Il y a une composante biologique qui intervient dans tout phénomène de société » , rappelait pour sa part le professeur Jean Frézar dans sa conclusion au colloque « Biologie et Société » de 1977.

Augustin Thierry et Hippolyte Taine l’avaient compris : l’histoire ne peut se comprendre sans référence à la biologie des peuples qui la font. Leurs idées peuvent paraître aujourd’hui dépassées parce que la science de l’époque ne leur permettait pas de prendre l’exacte mesure des choses : ainsi, lorsque Augustin Thierry, à la suite de Sieyès, voit dans la Révolution de 1789 la revanche de la population gallo-romaine sur l’aristocratie franque qui l’avait dominée pendant mille ans, il sous-estime certainement l’énorme brassage génétique qui s’est produit tout au long de cette période. La distinction opérée par Taine entre la race, le milieu, le moment, apparaît en revanche plus intéressante ; elle ne fournit malheureusement guère plus qu’un schéma.

 

Le système bioculturel

 

C’est à C.D Darlington qu’il revient d’avoir présenté une synthèse, établie à la lumière des connaissances modernes, de cette histoire des « systèmes bioculturels » qui est au fond la vraie histoire des peuples. Publiée en 1969 sous le titre The Evolution of Man and Society, l’étude qu’il a consacrée à ce sujet souligne l’importance du breeding system, c’est-à-dire de l’ensemble des coutumes qui interviennent pour maintenir ou faire évoluer un système génétique : règles d’exogamie ou d’endogamie, prohibition de l’inceste, méthodes contraceptives, etc.

C’est par les normes qu’elle impose aux individus qu’une société maîtrise le système génétique sur lequel elle s’appuie. Réciproquement, c’est la multiplication de certains gènes et au contraire la raréfaction de certains autres qui donne à un peuple ses chances face à l’histoire. Darlington insiste, en particulier, sur le rôle joué par la naissance de nouvelles élites sociobiologiques qui résultent très souvent du mélange de l’aristocratie conquérante avec celle des pays conquis : ainsi s’est formée la société française, par fusion d’abord des Romains et des Gaulois, puis des Gallo-Romains avec les envahisseurs germaniques. L’aristocratie française, si elle était encore en 1789 l’hériter historique de l’aristocratie franque, n’en était plus que très partiellement l’héritière génétique, tant son renouvellement avait été profond.

Darlington insiste aussi, après Gibbons, sur les causes démographiques de la ruine des empires. Le malthusianisme des Romains était tel que, dès le troisième siècle après J-C., la population de souche ne devait pas dépasser 20 p. 100 de la population totale de la ville : c’est le « Rome n’est plus dans Rome » de Sertorius… Cet exemple fourni par l’histoire, et qui est loin d’être unique, devrait servir aux peuples européens d’avertissement dans la crise qu’ils traversent aujourd’hui : si sa population continue de s’effondrer tandis que les peuples du Tiers Monde connaissent une démographie galopante, l’Europe ne maintiendra plus longtemps sa civilisation spécifique.

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