Déclaration des quatre articles de 1682

DÉCLARATION DES QUATRE ARTICLES DE 1682

Texte intégral
Rédigée par Bossuet et adoptée à l’unanimité par les évêques de France, la déclaration est reproduite in extenso dans le livre d’André Dupin, Libertés de l’Église gallicane, suivies de la déclaration de 1682, édité à Paris en 1824 (pp. 133 à 139). Bien qu’elle traite spécifiquement des libertés gallicanes dans le troisième article et qu’elle ait été motivée par des circonstances particulières, le conflit entre le roi et le pape dans l’affaire de la régale, il va de soi que, dans l’intention, comme en témoigne sa rédaction, elle a une portée générale, universelle et perpétuelle.

Elle concerne l’Église catholique dans son entièreté et chaque Église en particulier, non seulement l’Église de France. Ainsi les termes usuels de « gallicanisme » et « ultramontanisme » sont-ils réducteurs et inadéquats. Mieux vaudrait parler de laïcité catholique et de théocratie pontificale.

La déclaration de 1682 vaut pour le présent et pour l’avenir autant que pour le passé. Le premier concile du Vatican (1870) n’a pas pu l’invalider puisqu’elle s’appuyait sur les dix-neuf conciles œcuméniques antérieurs, notamment sur celui de Constance (1414-1418), seizième concile œcuménique, qu’elle citait, et que ceux-ci ont nécessairement une autorité supérieure à celle d’un concile postérieur. L’infaillibilité pontificale proclamée en 1870, qui paraît en contradiction avec le quatrième article, doit être comprise, interprétée et appliquée conformément aux décisions précédentes, notamment celle du troisième concile de Constantinople, sixième concile œcuménique, qui a anathématisé en 681, post mortem, le pape Honorius Ier parce qu’il avait embrassé l’hérésie monothélite ; le pape peut donc être hérétique ; a fortiori, « son jugement n’est pas irréformable ».

La déclaration des quatre articles adoptée par les évêques de la « fille aînée de l’ Église » en 1682 n’est donc pas dépassée. Elle demeure au contraire une référence doctrinale pour les catholiques du monde entier.

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Déclaration du clergé de France sur l’autorité ecclésiastique
du 19 mars 1682

Plusieurs personnes s’efforcent en ce temps-ci de ruiner les décrets de l’Église gallicane et ses libertés, que nos ancêtres ont soutenues avec tant de zèle, et de renverser leurs fondemens appuyés sur les saints canons et sur la tradition des pères. D’autres, sous prétexte de les défendre, ne craignent pas de donner atteinte à la primauté de saint Pierre et des pontifes romains ses successeurs, instituée par Jésus-Christ, et à l’obéissance que tous les chrétiens leur doivent, et de diminuer la majesté du saint siège apostolique, respectable à toutes les nations, où la vraie foi est enseignée et où l’unité de l’Église se conserve. D’un autre côté, les hérétiques mettent tout en œuvre pour faire paraître cette autorité, qui maintient la paix de l’Église, odieuse et insupportable aux rois et aux peuples ; et, pour éloigner par ces artifices les âmes simples de la communion de l’Église leur mère, et par-là de celle de Jésus-Christ. Afin de remédier à ces inconvéniens, nous, archevêques et évêques assemblés à Paris par ordre du roi, représentant l’Église gallicane avec les autres ecclésiastiques députés, avons jugé, après une mûre délibération, qu’il est nécessaire de faire les règlemens et la déclaration qui suivent.

I.

Que saint Pierre et ses successeurs, vicaires de Jésus-Christ, et que toute l’Église même, n’ont reçu d’autorité de Dieu que sur les choses spirituelles et qui concernent le salut, et non point sur les choses temporelles et civiles ; Jésus-Christ nous apprenant lui-même que son royaume n’est point de ce monde ; et, en un autre endroit, qu’il faut rendre à César ce qui appartient à César, et à Dieu ce qui appartient à Dieu. Qu’il faut s’en tenir à ce précepte de l’apôtre saint Paul : Que toute personne soit soumise aux puissances supérieures ; car il n’y a point de puissance qui ne vienne de Dieu ; et c’est lui qui ordonne celles qui sont sur la terre : c’est pourquoi celui qui s’oppose aux puissances, résiste à l’ordre de Dieu. En conséquence, nous déclarons que les rois ne sont soumis à aucune puissance ecclésiastique par l’ordre de Dieu, dans les choses qui concernent le temporel ; qu’ils ne peuvent être déposés directement, ni indirectement par l’autorité des clefs de l’Église ; que leurs sujets ne peuvent être exemptés de la soumission et de l’obéissance qu’ils leurs doivent, ou dispensés du serment de fidélité : que cette doctrine, nécessaire pour la paix publique, et autant avantageuse à l’Église qu’à l’État, doit être tenue comme conforme à l’Écriture sainte, à la tradition des pères de l’Église, et aux exemples des saints.

II.

Que la plénitude de puissance que le saint siège apostolique et les successeurs de saint Pierre, vicaires de Jésus-Christ, ont sur les choses spirituelles, est telle néanmoins que les décrets du saint concile œcuménique de Constance, contenus dans les sessions 4 et 5, approuvés par le saint siège apostolique, et confirmés par la pratique de toute l’Église et des pontifes romains, et observés de tout temps religieusement par l’Église gallicane, demeurent dans leur force et vertu ; et que l’Église de France n’approuve pas l’opinion de ceux qui donnent atteinte à ces décrets ou les affaiblissent, en disant que leur autorité n’est pas bien établie, qu’ils ne sont point approuvés, ou que leur disposition ne regardent que le temps du schisme.

III.

Qu’ainsi il faut régler l’usage de l’autorité apostolique par les canons faits par l’esprit de Dieu, et consacrés par le respect général de tout le monde ; que les règles, les mœurs et les constitutions reçues dans le royaume et dans l’Église gallicane, doivent avoir leur force et vertu ; et que les usages de nos pères doivent demeurer inébranlables ; qu’il est même de la grandeur du saint siège apostolique, que les lois et les coutumes établies du consentement de ce siège et des Églises, aient l’autorité qu’elles doivent avoir.

IV.

Que quoique le pape ait la principale part dans les questions de foi, et que ses décrets regardent toutes les Églises, et chaque Église en particulier, son jugement n’est pas irréformable, si le consentement de l’Église n’intervient.

Ce sont les maximes que nous avons reçues de nos pères, et que nous avons arrêté d’envoyer à toutes les Églises gallicanes, et aux évêques que le Saint-Esprit y a établis pour les gouverner, afin que nous disions tous la même chose, que nous soyons dans les mêmes sentimens, et que nous tenions tous la même doctrine.

(Suivent les signatures des évêques, dont celle de Bossuet, « Jacques Benigne, évêque de Meaux », et celles des autres membres de l’assemblée, les ecclésiastiques députés.)

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