Déclaration des quatre articles de 1682

Texte intégral en français et en latin

EN FRANÇAIS

Rédigée par Bossuet et adoptée à l’unanimité par les évêques de France, la déclaration est reproduite in extenso, en version française, dans le livre d’André Dupin, Libertés de l’Église gallicane, suivies de la déclaration de 1682, édité à Paris en 1824 (pp. 133 à 139).

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Déclaration du clergé de France sur l’autorité ecclésiastique du 19 mars 1682

Plusieurs personnes s’efforcent en ce temps-ci de ruiner les décrets de l’Église gallicane et ses libertés, que nos ancêtres ont soutenues avec tant de zèle, et de renverser leurs fondemens appuyés sur les saints canons et sur la tradition des pères. D’autres, sous prétexte de les défendre, ne craignent pas de donner atteinte à la primauté de saint Pierre et des pontifes romains ses successeurs, instituée par Jésus-Christ, et à l’obéissance que tous les chrétiens leur doivent, et de diminuer la majesté du saint siège apostolique, respectable à toutes les nations, où la vraie foi est enseignée et où l’unité de l’Église se conserve. D’un autre côté, les hérétiques mettent tout en œuvre pour faire paraître cette autorité, qui maintient la paix de l’Église, odieuse et insupportable aux rois et aux peuples ; et, pour éloigner par ces artifices les âmes simples de la communion de l’Église leur mère, et par-là de celle de Jésus-Christ. Afin de remédier à ces inconvéniens, nous, archevêques et évêques assemblés à Paris par ordre du roi, représentant l’Église gallicane avec les autres ecclésiastiques députés, avons jugé, après une mûre délibération, qu’il est nécessaire de faire les règlemens et la déclaration qui suivent.

I.

Que saint Pierre et ses successeurs, vicaires de Jésus-Christ, et que toute l’Église même, n’ont reçu d’autorité de Dieu que sur les choses spirituelles et qui concernent le salut, et non point sur les choses temporelles et civiles ; Jésus-Christ nous apprenant lui-même que son royaume n’est point de ce monde ; et, en un autre endroit, qu’il faut rendre à César ce qui appartient à César, et à Dieu ce qui appartient à Dieu. Qu’il faut s’en tenir à ce précepte de l’apôtre saint Paul : Que toute personne soit soumise aux puissances supérieures ; car il n’y a point de puissance qui ne vienne de Dieu ; et c’est lui qui ordonne celles qui sont sur la terre : c’est pourquoi celui qui s’oppose aux puissances, résiste à l’ordre de Dieu. En conséquence, nous déclarons que les rois ne sont soumis à aucune puissance ecclésiastique par l’ordre de Dieu, dans les choses qui concernent le temporel ; qu’ils ne peuvent être déposés directement, ni indirectement par l’autorité des clefs de l’Église ; que leurs sujets ne peuvent être exemptés de la soumission et de l’obéissance qu’ils leurs doivent, ou dispensés du serment de fidélité : que cette doctrine, nécessaire pour la paix publique, et autant avantageuse à l’Église qu’à l’État, doit être tenue comme conforme à l’Écriture sainte, à la tradition des pères de l’Église, et aux exemples des saints.

II.

Que la plénitude de puissance que le saint siège apostolique et les successeurs de saint Pierre, vicaires de Jésus-Christ, ont sur les choses spirituelles, est telle néanmoins que les décrets du saint concile œcuménique de Constance, contenus dans les sessions 4 et 5, approuvés par le saint siège apostolique, et confirmés par la pratique de toute l’Église et des pontifes romains, et observés de tout temps religieusement par l’Église gallicane, demeurent dans leur force et vertu ; et que l’Église de France n’approuve pas l’opinion de ceux qui donnent atteinte à ces décrets ou les affaiblissent, en disant que leur autorité n’est pas bien établie, qu’ils ne sont point approuvés, ou que leur disposition ne regardent que le temps du schisme.

III.

Qu’ainsi il faut régler l’usage de l’autorité apostolique par les canons faits par l’esprit de Dieu, et consacrés par le respect général de tout le monde ; que les règles, les mœurs et les constitutions reçues dans le royaume et dans l’Église gallicane, doivent avoir leur force et vertu ; et que les usages de nos pères doivent demeurer inébranlables ; qu’il est même de la grandeur du saint siège apostolique, que les lois et les coutumes établies du consentement de ce siège et des Églises, aient l’autorité qu’elles doivent avoir.

IV.

Que quoique le pape ait la principale part dans les questions de foi, et que ses décrets regardent toutes les Églises, et chaque Église en particulier, son jugement n’est pas irréformable, si le consentement de l’Église n’intervient.

Ce sont les maximes que nous avons reçues de nos pères, et que nous avons arrêté d’envoyer à toutes les Églises gallicanes, et aux évêques que le Saint-Esprit y a établis pour les gouverner, afin que nous disions tous la même chose, que nous soyons dans les mêmes sentimens, et que nous tenions tous la même doctrine.

EN LATIN

La version officielle est en latin. Elle est annexée à un édit du roi Louis XIV enregistré au parlement le 23 mars 1682 et publié à Paris, chez Fed. Leonard, « imprimeur ordinaire du Roy & du Clergé de France », en 1682, « Avec Privilege du Roy ».

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Cleri Gallicani de Ecclesiastica potestate Declaratio.

Ecclesiæ Gallicanæ decreta & libertates à majoribus nostris tanto studio propugnatas , carumque fundamenta sacris Canonibus & Patrum traditione nixa multi diruere moliuntur ; nec desunt qui earum obtentu primatum beati Petri ejusque successorum Romanorum Pontificum à Christo institutum , iisque debitam ab omnibus Christianis obedientiam , sedisque Apostolicæ , in quâ fides prædicatur , & unitas servatur Ecclesiæ , reverendam omnibus gentibus majestatem imminuere non vereantur. Hæretici quoque nihil prætermittunt quò eam potestatem quâ , pax Ecclesiæ continetur , invidiosam & gravem Regibus & populis ostentent , iisque fraudibus simplices animas ab Ecclesiæ matris Christique adeo communione dissocient. Quæ ut incommoda propulsemus , Nos , Archiepiscopi & Episcopi Parisiis mandato regio congregati Ecclesiam Gallicanam represæntantes , una cum ceteris ecclesiasticis viris nobiscum deputatis , diligenti tractatu habito hæc sancienda & declaranda esse duximus.

Primùm beato Petro ejusque successoribus Christi Vicariis ipsique Ecclesi rerum spiritualium & ad æternam salutem pertinentium , non autem civilium ac temporalium , à Deo traditam potestatem , dicente Domino , Regnum meum non est de hoc mundo , & iterum , Reddite ergo quæ sunt Cæsaris Cæsari & quæ sunt Dei Deo , ac proinde stare apostolicum illud. Omnis anima potestatibus sublimioribus subdita sit. Non est enim potestas nisi à Deo. Quæ autem sunt , à Deo ordinatæ sunt. Itaque qui potestati resistit , Dei ordinationi resistit. Reges ergo & Principes in temporalibus nulli ecclesiasticæ potestati Dei ordinatione subjici , neque authoritate clavium Ecclesiæ directè vel indirectè deponi , aut illorum subditos eximi à fide atque obedientia , ac præstito fidelitatis sacramento solvi posse , eamque sententiam publicæ tranquillitati necessariam , nec minùs Ecclesiæ quàm imperio utilem , ut verbo Dei , Patrum traditioni , & sanctorum exemplis consonam omnino retinendam.

II.

Sic autem inesse apostolicæ sedi ac Petri successoribus Christi Vicariis rerum spiritualium plenam potestatem ut simul valeant atque immota consistant sanctæ œcumenicæ synodi Constantiensis à sede apostolicâ comprobata , ipsoque Romanorum Pontificum ac totius Ecclesiæ usu confirmata , atque ab Ecclesiâ Gallicanâ perpetuâ religione custodita decreta de authoritate Conciliorum generalium , quæ sessione quartâ & quintâ continentur , nec probari à Gallicanâ Ecclesiâ qui eorum decretorum , quasi dubiæ sint authoritatis ac minùs approbata , robur infrigant , aut at solum schismatis tempus Concilii dicta detorqueant.

III.

Hinc apostolicæ potestatis usum moderandum per canones spiritu Dei conditos et totius undi reverentiâ consecratos. Valere etiam regulas , mores & instituta à regno & Ecclesia Gallicana recepta , patrumque terminos manere inconcussos ; atque id pertinere ad amplitudinem apostolica sedis ut statuta & consuetudines tantæ sedis & Ecclesiarum consensione firmatæ propriam stabilitatem obtineant.

IV.

 

In fidei quoque quæstionibus præcipuas summi Pontificis esse partes , ejusque decreta ad omnes & singulas Ecclesias pertinere , nec tamen irreformabile esse judicium nisi Ecclesiæ consensus accesserit.

Quæ accepta à patribus ad omnes Ecclesias Gallicanas atque Episcopos iis Spiritu sancto authore præsidentes mittenda decrevimus ; ut idipsum dicamus omnes simusque in eodem sensu & in eadem sententia.

Suivent soixante-douze signatures, celles des évêques, dont celle de « Jacobus Benignus Episcopus Meldensis » (Jacques Bénigne, évêque de Meaux, titre de Bossuet), et celles des autres membres de l’assemblée, les ecclésiastiques députés.

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