Exposition pédopornographique à Marseille : éloge de la perversité

 

Il s’est tenu cet été à Marseille une exposition qui a fait couler beaucoup d’encre. De pétition en contre-pétition, l’exposition des peintures de Stu Mead et Reinhard Scheibner a mobilisé autant la droite que la gauche, l’une souhaitant sa fermeture et se plaignant que l’on subventionne par l’argent public des oeuvres franchement pornographiques, l’autre criant pour la liberté d’expression avec toute l’emphase et le relativisme dont elle est capable. Hélas, cette exposition s’inscrit dans un contexte hypersexualisé où l’art ne fait pas exception.

Cette exposition est-elle défendable sous couvert de liberté d’expression ? Qu’expriment réellement ceux qui la défendent ?

La nudité est le sujet prédominant de l’art depuis qu’il existe. Glorification du corps, dévoilement de ce qui est trop important pour qu’on ne le cache pas, ou moyen de sonder l’âme humaine dans toutes ses dimensions, dans tous ses recoins, le nu est loin d’avoir été toujours subversif. D’abord d’usage pour des sujets antiques et mythologiques, il faut attendre les peintres réalistes Gustave Courbet et Edouard Manet pour que le nu exprime autre chose qu’une idéalisation du corps, notamment celle du corps féminin.

Avec la très célèbre Origine du monde réalisée en 1866, Gustave Courbet peint le sexe féminin avec des détails et un cadrage qui relevaient des images pornographiques de l’époque. Quant à Manet, c’est avec Olympia et Le déjeuner sur l’herbe, tous deux réalisés en 1863, qu’il démonta l’hypocrisie qui pesait alors sur la nudité en peinture. Il présentait dans un cas une prostituée éclairée par le regard des spectateurs, dans l’autre une femme nue entourée de deux hommes habillés après la consommation suggérée de l’acte sexuel. Deux femmes réelles, non idéalisées, et qui revendiquent cette existence par le regard qu’elles portent sur le spectateur, passant ainsi d’un statut d’objet à celui de sujet.

Quant à la nudité des enfants, elle fut d’usage pour la représentation de Cupidon et autres chérubins pendant des siècles, sans pour autant que ne pèse sur ces œuvres un soupçon de prédation dans l’approche de l’artiste. Par exemple Bouguereau, contemporain des réalistes, préférait cacher le sexe des enfants dans ses œuvres.

 

William Adolphe Bouguereau (William Bouguereau) (1825-1905) Amour a l'affut Oil on canvas 1890
William-Adolphe Bouguereau (1825-1905), Amour à l’affût, huile sur toile, 1890.

 

Pour d’autres artistes de la fin du XIXème siècle, le nu faisait partie de la vie quotidienne. Des peintres comme Joaquin Sorolla y Bastida et John Singer Sargent immortalisèrent ainsi des scènes dans lesquelles s’inscrivaient des enfants nus, sans pour autant que le nu soit le sujet à proprement parler de l’oeuvre. Il faisait en quelques sortes partie du décor.

Amorcée par les trois œuvres réalistes mentionnées ci-dessus, l’émancipation du nu continua au XXème siècle où le corps fut profondément mis à mal, faisant écho aux souffrances des artistes européens après la Première Guerre mondiale. Nous pensons aux corps décharnés d’Egon Schiele, aux gueules cassées d’Otto Dix, aux poupées de Hans Bellmer. Certains modèles de ces artistes étaient jeunes, et les poupées de Bellmer expriment clairement une fascination pour l’enfance. Mais ces approches sont encore bien loin de la pornographie, contrairement à celles de Stu Mead. Quant à Balthus, au-delà de l’intérêt plastique de ses œuvres, il peint des jeunes filles qui découvrent leur corps et non des filles que l’on découvre de force.

 

Hans Bellmer (1902-1975), Les jeux de la poupée, vers 1939, tirage argentique réhaussé à la teinture d'aniline
Hans Bellmer (1902-1975), Les jeux de la poupée, vers 1939,
tirage argentique réhaussé à la teinture d’aniline

 

Observons maintenant les peintures de Stu Mead. Le sujet est toujours le même : des filles âgées de 5 à 20 ans, le plus souvent nues, offertes à des hommes mûrs quand ce n’est pas au diable ou à des animaux. Aucune pudeur et aucun questionnement ne sont de mise, ce qui est la particularité des images pornographiques dont Stu Mead ne produit qu’une variante aux couleurs vives. D’un point de vue plastique, les couleurs sont criardes, la composition et la touche sans intérêt. Pas de geste donc. La forme et l’acte qui la génère semblent secondaires, ce qui devrait laisser place à un sujet de première importance. Force est de constater que ce n’est pas le cas, et que ces peintures ne présentent rien d’autres que les fantasmes d’un homme, sadiques lorsqu’il s’agit de forcer la main à des enfants ignorant tout de la sexualité, masochistes quand ce sont eux qui incitent des adultes à les toucher. Rien qui n’interroge réellement sur le rapport des enfants et des adolescents au sexe. Nous sommes ici dans la pure et simple présentation de l’oppression sexuelle que peuvent exercer les adultes sur les enfants.

 

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Stu Mead, Krampussy, 2007, image censurée par nos soins.

 

Notons que l’artiste publie sur son site internet une entrevue dans laquelle il explique faire des « images masturbatoires ». Si la pauvreté de ses peintures est saisissante, comment expliquer que de telles images soient exposées dans un lieu culturel subventionné par la mairie de Marseille et la région PACA ? Dépourvues de qualités plastiques et spirituelles, le seul argument qui puisse défendre les œuvres de Stu Mead est la liberté d’expression. Une liberté revendiquée massivement après les attentats de janvier mais qui est toute relative (dans les cas de Dieudonné ou de Robert Faurisson, pour ne citer qu’eux), et qui s’arrêterait en France là où commencerait l’intégrité de chacun. Pourtant, ces peintures nuisent à l’intégrité des enfants et les exposent dans des positions qu’ils n’ont pas choisies, à un âge où ils ne sont pas conscients de la nature du désir des adultes. Il n’est pas question ici d’éducation sexuelle, il n’est question que de violence et d’immoralité.

Est-il nécessaire de rappeler que la pédophilie est un crime ? Que la seule possession de contenu pédopornographique est condamnable dans certains pays, dont la France ? N’est-il pas paradoxal de condamner les oppressions quand on encourage l’expression d’une autre ?

L’évolution de la loi à ce sujet serait liberticide pour certains. En effet, la pétition française contre la majorité sexuelle, lancée dans les années 70 et signée par de nombreux intellectuels de gauche, allait dans le sens opposé. Ces mêmes intellectuels avaient exprimé leur soutien à l’agresseur sexuel « Gérard R. » dans Libération en 1979, avouant ainsi la vraie nature de leurs intentions. Souvenons-nous des propos de Daniel Cohn-Bendit dans Apostrophes où il décrivait, des étoiles plein les yeux, ce qu’il y a de fantastique à se faire déshabiller par une fille de 5 ans. On ne peut que se réjouir de l’avancée de la loi qui qualifie désormais ces individus de ce qu’ils sont : des criminels.

Enfin, rappelons que la pédophilie est considérée comme un trouble des préférences sexuelles et que les milieux médicaux la considèrent comme une maladie relevant de la perversité et de la psychiatrie.

Si nous n’encourageons pas la censure, nous n’encourageons pas non plus la promotion d’un art aussi dégradant et réducteur quand il existe pléthore d’autres artistes bien plus intéressants que Stu Mead. Quel mérite y a-t-il à exposer des œuvres de cette nature ? Pour être émancipé, l’art doit aussi être émancipateur. Les œuvres de Stu Mead ne le sont pas. Voyons-les pour ce qu’elles sont : un art sans idéal, avilissant, et qui exhibe des comportements criminels et pervers, s’il ne tend pas à les banaliser.

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