Pape François, cardinal McCarrick, Mgr Viganò
Nous donnons ici la traduction intégrale du témoignage historique publié par Mgr Viganò le 25 août 2018. Tout ce qu’y a affirmé celui-ci était vrai et incontestable. Jean-Marie Guénois, journaliste du Figaro chargé des questions religieuses, qui n’est ni un excité ni un extrémiste, l’a confirmé. Or, ce que rapporte Mgr Viganò est effroyable. L’Église catholique est aujourd’hui sous la coupe d’une coterie homosexuelle, qui a fait l’élection du pape François en 2013 et dont celui-ci est le complice et l’otage. Les conséquences de cette situation incroyable sont considérables, non seulement sur le plan religieux, mais aussi sur le plan politique (voir ci-dessous, citée par Mgr Viganò, la phrase du pape François qui assimile les homosexuels à la gauche.) Il n’est pas besoin d’être un ardent catholique pour comprendre l’importance de ce document.
Dans la société civile, chacun doit être libre de sa vie intime. L’inclination sexuelle ne devrait donc pas être un sujet politique. Il n’est même pas choquant que les individus qui partagent les mêmes goûts dans ce domaine ou dans un autre aient envie de se regrouper, comme le font les amateurs de pétanque… Il en va déjà autrement lorsque l’inclination sexuelle sert de base à la formation d’une coterie et que celle-ci mène une action politique de subversion de la morale traditionnelle et des institutions au nom de l’idéologie cosmopolitique.
Mais le scandale est encore bien plus grand dans la société religieuse : il paraît a priori inconcevable qu’une coterie homosexuelle puisse se former au sein de l’Église catholique, puisque celle-ci, héritière sur ce point du judaïsme de l’antiquité, condamne les actes homosexuels, qualifiés de péchés graves. Ce n’est pas l’inclination sexuelle des clercs qui est en cause, ceux-ci étant tenus, de par leur vocation, au célibat et à la chasteté, donc à la continence. Ce sont les actes homosexuels accomplis par des prêtres qui sont objet de scandale : ces actes sont en effet radicalement contraires à la foi et à la morale que ceux-ci sont censés professer. La constitution d’une coterie homosexuelle au sein de l’Église catholique porte le scandale à un degré inimaginable.
TÉMOIGNAGE
de
Monseigneur Carlo Maria Viganò,
archevêque titulaire d’Ulpiana,
nonce apostolique[1]
En ce moment tragique que l’Eglise traverse dans diverses parties du monde, États-Unis, Chili, Honduras, Australie, etc., la responsabilité des évêques est très grave. Je pense en particulier aux États-Unis d’Amérique, où je fus envoyé comme nonce apostolique[2] par le pape Benoît XVI le 19 octobre 2011, en évoquant la mémoire des premiers martyrs de l’Amérique du nord. Les évêques des États-Unis sont appelés, et moi avec eux, à suivre l’exemple de ces premiers martyrs qui apportèrent l’Evangile dans les terres d’Amérique, à être les témoins crédibles de l’amour incommensurable du Christ, qui est la Voie, la Vérité et la Vie.
Des évêques et des prêtres, abusant de leur autorité, ont commis des crimes horribles au détriment de leurs fidèles, mineurs, victimes innocentes, jeunes hommes désireux d’offrir leur vie à l’Eglise, ou n’ont pas empêché, en gardant le silence, que de tels crimes continuassent à être perpétrés.
Pour redonner la beauté de la sainteté au visage de l’Épouse du Christ, terriblement enlaidi par tant d’actes abominables, et si l’on veut vraiment libérer l’Église du marais fétide où elle s’enfonce, nous devons avoir le courage de briser la culture du secret et de confesser publiquement les vérités que nous avons tenues cachées. Il faut briser l’omertà, la loi du silence, par laquelle les évêques et les prêtres se sont protégés eux-mêmes au détriment de leurs fidèles, omertà susceptible de faire apparaître l’Église aux yeux du monde comme une secte, omertà qui n’est pas si différente de celle qui est en vigueur dans la mafia. « Tout ce que vous avez dit dans les ténèbres […] sera proclamé sur les toits » (Luc, 12, 3).
J’avais toujours cru et espéré que la hiérarchie de l’Église pût trouver en elle-même les ressources spirituelles et la force de faire émerger la vérité, de s’amender et de se rénover. Pour cette raison, bien que l’on me l’eût demandé plusieurs fois, j’avais toujours évité de faire des déclarations aux media, bien que c’eût été mon droit de le faire pour me défendre des calomnies publiées sur mon compte, y compris par de hauts prélats de la curie romaine[3]. Mais aujourd’hui que la corruption a atteint les sommets de la hiérarchie de l’Église, ma conscience m’impose de révéler ces vérités dont j’ai eu connaissance au sujet de la très triste affaire de l’archevêque émérite de Washington, Theodore McCarrick, au cours des missions qui me furent confiées par saint Jean-Paul II[4] en tant que délégué pour les représentations pontificales de 1998 à 2009 et par le pape Benoît XVI[5] comme nonce apostolique aux États-Unis du 19 octobre 2011 à fin mai 2016.
En tant que délégué pour les représentations pontificales au sein du secrétariat d’Etat, mes compétences propres n’étaient pas limitées aux nonciatures apostoliques, mais comprenait aussi le personnel de la curie romaine (nominations, promotions, procédures d’information sur les candidats à l’épiscopat, etc.) et l’examen des cas délicats, même ceux des cardinaux et les évêques, qui étaient confiés au délégué du cardinal secrétaire d’Etat[6] ou du substitut du secrétaire d’Etat.
Pour réfuter les insinuations énoncées dans quelques articles récents, je dirai tout de suite que les nonces apostoliques aux États-Unis, Gabriel Montalvo et Pietro Sambi, tous deux morts prématurément[7], ne manquèrent pas d’informer immédiatement le Saint-Siège dès qu’ils eurent connaissance des comportements gravement immoraux de l’archevêque McCarrick envers des séminaristes et des prêtres. En effet, la lettre du père Boniface Ramsey, O.P.[8], du 22 novembre 2000, d’après ce qu’en a écrit Mgr Pietro Sambi, fut selon lui rédigée à la demande du regretté Mgr Montalvo. Dans celle-ci, le père Ramsey, qui avait été professeur au séminaire diocésain de Newark de la fin des années 1980 jusqu’en 1996, affirme que le bruit courait au séminaire que l’archevêque « shared his bed with seminarians » [partageait son lit avec des séminaristes], allant jusqu’à en inviter cinq à la fois à passer la fin de semaine avec lui dans sa maison du bord de mer. Et il ajoute connaître un certain nombre de séminaristes, dont plusieurs ont ensuite été ordonnés prêtres pour l’archidiocèse de Newark, qui avaient été invités dans cette maison du bord de mer et qui avaient partagé le lit de l’archevêque.
Le bureau dont j’avais alors la charge ne fut informé d’aucune mesure prise par le Saint-Siège à la suite de cette dénonciation faite fin 2000 par le nonce Montalvo, quand le secrétaire d’Etat était le cardinal Angelo Sodano.
À son tour, le nonce Sambi transmit au cardinal secrétaire d’État, Tarcisio Bertone, un mémoire d’accusation contre McCarrick rédigé par Gregory Littleton, prêtre du diocèse de Charlotte, réduit à l’état laïc pour viol de mineurs, accompagné de deux documents du même Littleton, dans lesquels celui-ci racontait sa triste histoire de sévices sexuels infligés par celui qui était alors archevêque de Newark et par plusieurs autres prêtres et séminaristes. Le nonce ajoutait que Littleton avait déjà transmis son mémoire à une vingtaine de personnes, responsables judiciaires civils et ecclésiastiques, policiers, avocats, fin juin 2006, et qu’il était donc très probable que la nouvelle fût très bientôt rendue publique. Il demandait de ce fait une intervention rapide du Saint-Siège.
En rédigeant la note sur ces documents qui, comme délégué pour les représentations pontificales, me furent confiés le 6 décembre 2006, j’écrivis à mes supérieurs, le cardinal Tarcisio Bertone et le substitut Leonardo Sandri, que les faits attribués à McCarrick par Littleton étaient d’une gravité et d’une infamie telles qu’ils provoquaient chez le lecteur stupeur, dégoût, profonde douleur et amertume, et qu’ils constituaient les crimes de subornation, de sollicitation de séminaristes et prêtres à des actes dégradants, répétés et accomplis simultanément avec plusieurs personnes, d’humiliation d’un jeune séminariste qui tentait de résister aux séductions de l’archevêque en présence de deux autres prêtres, d’absolution du complice des actes dégradants, de célébration sacrilège de l’Eucharistie avec ces mêmes prêtres après avoir commis de tels actes.
Dans cette note que je remis le même 6 décembre 2006 à mon supérieur direct, le substitut Leonardo Sandri, je proposai à mes supérieurs les considérations et les lignes d’action suivantes :
– compte tenu qu’aux nombreux scandales de l’Église des États-Unis il semblait qu’il allait s’en ajouter un de particulière gravité qui concernait un cardinal ;
– et que, du point de vue du droit, s’agissant d’un cardinal, sur le fondement du canon 1405, §1, n. 2°, « ipsius Romani Pontificis dumtaxat ius est iudicandi [le droit de juger appartient exclusivement au pontife romain lui-même] » ;
– je proposai qu’une mesure exemplaire fût prise à l’encontre du cardinal, susceptible d’avoir une fonction curative, en vue à la fois de prévenir de futurs sévices au détriment de victimes innocentes et d’apaiser le très grave scandale pour les fidèles, qui, malgré tout, continuaient d’aimer et de croire en l’Église.
J’ajoutai qu’il eût été salutaire que pour une fois l’autorité ecclésiastique intervînt avant l’autorité civile et, si possible, avant que le scandale n’éclatât dans la presse ; cela pouvait rendre un peu de dignité à une Église si éprouvée et si humiliée par tant de comportements abominables de la part de certains pasteurs. Dans ce cas, l’autorité civile n’aurait plus eu à juger un cardinal, mais un pasteur envers lequel l’Église aurait déjà pris les mesures appropriées pour l’empêcher, abusant de son autorité de cardinal, de continuer à détruire des victimes innocentes.
Cette note du 6 décembre 2006 fut retenue par mes supérieurs et il ne me revint jamais une quelconque décision de leur part à son sujet.
Ensuite, autour des 21-23 avril 2008, fut publié par Internet sur le site richardsipe.com le Statement for Pope Benedict XVI about the pattern of sexual abuse crisis in the United States [Rapport au pape Benoît XVI sur la nature de la crise des sévices sexuels aux États-Unis], de Richard Sipe. Il fut transmis le 24 avril au préfet de la congrégation pour la doctrine de la foi, le cardinal William Levada, au cardinal secrétaire d’Etat Tarcisio Bertone, et il me fut transmis un mois après, le 24 mai 2008.
Le lendemain, je transmis mon rapport au nouveau substitut, Fernando Filoni, y compris mon rapport précédent du 6 décembre 2006. J’y faisais une synthèse du document de Richard Sipe, qui se terminait par cet appel respectueux et chaleureux au pape Benoît XVI : « I approach Your Holiness with due reverence, but with the same intensity that motivated Peter Damian to lay out before your predecessor, Pope Leo IX, a description of the condition of the clergy during this time. The problems he spoke of are similar and as great now in the United States as they were then in Rome. If Your Holiness requests, I will submit to you personally documentation of that about which I have spoken. [Je me présente devant votre Sainteté avec la révérence qui lui est due, mais avec la même énergie qui a poussé Pierre Damien[9] à faire à votre prédécesseur, le pape Léon IX[10], la description de l’état du clergé à cette époque. Les problèmes dont il parlait sont semblables et aussi grands aujourd’hui aux États-Unis qu’ils l’étaient alors à Rome. Si votre Sainteté le souhaite, je lui soumettrai personnellement la documentation sur ce que je lui ai exposé.] »
Je terminai mon rapport en répétant à mes supérieurs que je concluais qu’ils devaient intervenir en premier lieu en ôtant le chapeau de cardinal au cardinal McCarrick et qu’il fallait lui infliger les sanctions établies dans le code de droit canonique, lesquelles prévoyaient même la réduction à l’état laïc.
Mon second rapport ne revint jamais, lui non plus, au bureau du personnel, et grande fut ma déception à l’endroit de mes supérieurs du fait de l’absence inconcevable de toute mesure à l’encontre du cardinal et du manque persistant de toute communication à mon égard depuis mon premier rapport de décembre 2006.
Mais finalement j’ai su avec certitude, par le truchement du cardinal Giovanni Battista Re, alors préfet de la congrégation pour les évêques, que le Statement courageux et méritoire de Richard Sipe avait obtenu le résultat espéré. Le pape Benoît avait appliqué au cardinal McCarrick des sanctions similaires à celles qui lui ont été infligées aujourd’hui par le pape François : le cardinal devait quitter le séminaire où il habitait, il lui était interdit de célébrer en public, de participer à des réunions publiques, de donner des conférences, de voyager, et il avait l’obligation de se retirer dans une vie de prière et de pénitence.
Je ne sais pas quand le pape Benoît XVI a pris ces mesures à l’encontre de McCarrick, si c’est en 2009 ou 2010, car entre-temps j’avais été transféré à l’administration de l’État de la Cité du Vatican, de même qu’il ne m’a pas été donné de savoir qui était responsable de ce retard incroyable. Je ne crois pas du tout que ce fût le pape Benoît XVI, qui, comme cardinal, avait déjà dénoncé à maintes reprises la corruption répandue dans l’Église et qui, dans les premiers mois de son pontificat, s’était fermement opposé à l’admission dans les séminaires de jeunes gens à l’inclination homosexuelle invétérée. Je dirai que c’était dû à celui qui était alors le premier collaborateur du pape, le cardinal Tarcisio Bertone, notoirement favorable à la promotion d’homosexuels à des postes de responsabilité et habitué à filtrer les informations qu’il jugeait opportunes de transmettre au pape.
En tout cas, ce qui est sûr, c’est que le pape Benoît XVI a infligé les sanctions canoniques susmentionnées à McCarrick et que celles-ci lui furent communiquées par le nonce apostolique aux États-Unis, Mgr Pietro Sambi. Mgr Jean-François Lantheaume, alors premier conseiller à la nonciature de Washington et chargé d’affaires ad interim après la mort inattendue du nonce Sambi à Baltimore[11], me rapporta à mon arrivée à Washington – ce dont il est prêt à témoigner – un entretien orageux de plus d’une heure entre le nonce Sambi et le cardinal McCarrick, qu’il avait convoqué à la nonciature : « La voix du nonce, me dit Mgr Lantheaume, s’entendait jusque dans le couloir ».
Ces dispositions de Benoît XVI me furent ensuite également communiquées par le nouveau préfet de la congrégation pour les évêques, le cardinal Marc Ouellet, en novembre 2011, au cours d’une réunion avant mon départ pour Washington, parmi les instructions de la congrégation au nouveau nonce.
À mon tour, je les répétai au cardinal McCarrick lors de ma première rencontre avec lui à la nonciature. Le cardinal, bredouillant de façon à peine compréhensible, admit avoir pu commettre l’erreur de dormir dans le même lit que des séminaristes dans sa maison du bord de la mer, mais il me le dit comme si cela était sans importance.
Les fidèles se demandent avec insistance comment ses nominations à Washington et comme cardinal ont été possibles et ils ont pleinement le droit de savoir qui était au courant, qui a couvert ses graves méfaits. Il est donc de mon devoir d’en rendre compte pour autant que cela s’y rapporte, à commencer par la curie romaine.
Le cardinal Angelo Sodano fut secrétaire d’Etat jusqu’en septembre 2006 : toutes les informations lui parvenaient. En novembre 2000, le nonce Montalvo lui envoya son rapport lui transmettant la lettre suscitée du père Boniface Ramsey où étaient dénoncés les graves sévices commis par McCarrick.
Il convient de noter que Sodano continua de couvrir jusqu’au bout le scandale du père Maciel[12], en déplaçant à cet effet le nonce de la ville de Mexico, Justo Mellor, qui se refusait à se rendre complice de sa manœuvre de couverture de Maciel, et qu’il nomma à la place Sandri, alors nonce au Vénézuéla, et plutôt bien disposé à collaborer. Sodano n’a pas hésité non plus à faire faire un communiqué à la salle de presse du Vatican dans lequel il était faussement affirmé que le pape Benoît avait décidé que le cas de Maciel devait désormais être tenu pour clos. Benoît réagit, en dépit de la vigoureuse résistance de Sodano, et Maciel fut jugé coupable et condamné irrévocablement.
La nomination de McCarrick à Washington et comme cardinal fut-elle l’œuvre de Sodano, alors que Jean-Paul II était déjà gravement malade ? Il ne nous est pas donné de le savoir. Il est cependant permis de le penser, mais je ne crois pas qu’il fut le seul responsable. McCarrick venait souvent à Rome et il s’était fait des amis partout, à tous les niveaux de la curie. Si Sodano protégea Maciel, comme cela paraît certain, on ne voit pas pourquoi il ne l’aurait pas fait pour McCarrick, qui, selon beaucoup, avait aussi les moyens financiers d’influencer la décision[13]. Le cardinal Giovanni Battista Re, alors préfet de la congrégation pour les évêques, s’était plutôt opposé à sa nomination à Washington. Il y a à la nonciature de Washington un billet écrit de sa main où le cardinal se dissocie de ladite nomination et affirme que McCarrick était le quatorzième de la liste pour le poste de Washington.
Le rapport du nonce Sambi, avec toutes ses allégations, fut adressé au cardinal Tarcisio Bertone, en tant que secrétaire d’Etat, et mes deux rapports suscités du 6 décembre 2006 et du 25 mai 2008 lui furent probablement transmis. Comme je l’ai déjà souligné, le cardinal n’avait pas de scrupule à présenter avec insistance des candidats à l’épiscopat qui étaient notoirement des homosexuels actifs – je citerai seulement le cas remarquable de Vincenzo di Mauro, nommé archevêque-évêque de Vigevano, qui fut révoqué pour avoir séduit ses séminaristes – ni à filtrer et à manipuler l’information qu’il faisait parvenir au pape Benoît.
Le cardinal Pietro Parolin, actuel secrétaire d’Etat, s’est lui aussi rendu complice d’avoir couvert les méfaits de McCarrick, lequel, depuis l’élection du pape François, s’est vanté ouvertement de ses voyages et missions dans divers continents. En avril 2014, le Washington Times rendit compte en première page d’un voyage de McCarrick en République centrafricaine, qui plus est au nom du département d’Etat. Comme nonce à Washington, j’écrivis donc au cardinal Parolin pour lui demander si les sanctions prononcées à l’encontre de McCarrick par le pape Benoît étaient encore en vigueur. Ça va sans dire[14] que ma lettre n’obtint pas la moindre réponse !
On peut dire la même chose du cardinal William Levada, ex-préfet de la congrégation pour la doctrine de la foi, du cardinal Marc Ouellet, préfet de la congrégation pour les évêques, de Lorenzo Baldisseri, ex-secrétaire de la même congrégation pour les évêques, de l’archevêque Ilson de Jesus Montanari, actuel secrétaire de la même congrégation. Ceux-ci, en raison de leurs fonctions, étaient au courant des sanctions prononcées par le pape Benoît à l’encontre de McCarrick.
Les cardinaux Leonardo Sandri, Fernado Filoni et Angelo Becciu, en tant que substituts du secrétariat d’Etat, ont eu connaissance en gros et en détail de la situation du cardinal McCarrick.
Les cardinaux Giovanni Lajolo et Dominique Mamberti, qui, comme secrétaires aux relations avec les Etats, ont participé plus d’une fois par semaine aux réunions collégiales avec le secrétaire d’Etat, ne pouvaient pas non plus ne pas savoir.
En ce qui concerne la curie romaine, pour le moment je m’en tiendrai là, encore que les noms des autres prélats du Vatican soient bien connus, encore qu’ils soient très proches du pape François, comme le cardinal Francesco Coccopalmerio et l’archevêque Vincenzo Paglia, qui appartiennent au courant philo-homosexuel favorable à la subversion de la doctrine catholique sur l’homosexualité, courant déjà dénoncé à la fin de 1986 par le cardinal Joseph Ratzinger, alors préfet de la congrégation pour la doctrine de la foi, dans la Lettre aux évêques de l’Eglise catholique sur le traitement pastoral des personnes homosexuelles. Au même courant, quoique avec une idéologie différente, appartiennent aussi les cardinaux Edwin Frederick O’Brien et Renato Rafaele Martino. D’autres encore, appartenant à ce courant, habitent aussi dans la Domus Sanctae Marthae [résidence Sainte-Marthe[15]].
J’en viens maintenant aux États-Unis. De toute évidence, le premier à avoir été informé des mesures prises par le pape Benoît était le successeur de McCarrick au siège de Washington, le cardinal Donald Wuerl, dont la situation est maintenant tout à fait compromise par les révélations récentes sur son comportement lorsqu’il était évêque de Pittsburgh[16].
Il est absolument impensable que Mgr Sambi, personne hautement responsable, loyale, directe et franche, en bon Romagnol qu’il était, ne le lui ait pas dit. En tout cas, j’ai moi-même abordé à plusieurs reprises le sujet avec le cardinal Wuerl, et je n’eus aucunement besoin d’entrer dans les détails, car il me fut immédiatement évident qu’il en avait pleinement connaissance. Je me souviens ainsi, en particulier, avoir dû attirer son attention parce que j’avais remarqué que dans une publication de l’archidiocèse, sur la quatrième de couverture en couleur, était annoncée une invitation à rencontrer le cardinal McCarrick destinée aux jeunes gens qui pensaient avoir vocation au sacerdoce. Je téléphonai immédiatement au cardinal Wuerl, qui me manifesta son étonnement, me disant qu’il ne savait rien de cette annonce et qu’il annulerait la réunion. Alors qu’il répète aujourd’hui ne rien avoir su des sévices commis par McCarrick et des mesures prises par Benoît XVI, comment expliquer sa réponse ?
Ses déclarations récentes, dans lesquelles il affirme n’avoir rien su, bien qu’au début elles se réfèrent sournoisement aux réparations obtenues par deux victimes, sont absolument ridicules. Le cardinal ment effrontément et de surcroît pousse au mensonge son propre chancelier, Mgr Antonicelli.
Du reste, le cardinal Wuerl avait déjà clairement menti en une autre occasion. A la suite d’un événement moralement inacceptable autorisé par l’autorité académique de la Georgetown University [université de Georgetown][17], j’avais appelé l’attention de son président, le docteur John DeGioia, en lui envoyant deux lettres successives. Avant de les transmettre au destinataire, par courtoisie, j’en avais adressé personnellement copie au cardinal avec une lettre d’accompagnement. Le cardinal me dit qu’il n’était pas au courant. Il se garda bien cependant d’accuser réception de mes deux lettres, contrairement à ce qu’il faisait ponctuellement d’habitude. J’ai appris ensuite que ledit événement à la Georgetown avait lieu depuis sept ans. Mais le cardinal ne le savait pas !
En outre, le cardinal Wuerl, bien au courant des sévices commis continuellement par le cardinal McCarrick et des sanctions prononcées par le pape Benoît, a transgressé l’ordre du pape en permettant à McCarrick de loger dans un séminaire à Washington D.C[18]. Il a mis ainsi en danger d’autres séminaristes.
Mgr Paul Bootkoski, évêque émérite de Metuchen [premier diocèse de Mgr McCarrick], et Mgr John Myers, archevêque émérite de Newark, ont couvert les sévices commis par McCarrick dans leurs diocèses respectifs et ont indemnisé deux de ses victimes. Ils ne peuvent pas le nier et doivent être interrogés pour qu’ils révèlent toutes les circonstances et les responsabilités à cet égard.
Le cardinal Kevin Farrell[19], récemment interrogé par les media, a lui aussi affirmé qu’il n’avait pas eu la moindre idée des sévices commis par McCarrick. Compte tenu des années passées par Farrell à Washington, à Dallas et maintenant à Rome, je crois que personne ne peut honnêtement le croire. Je ne sais pas s’il lui a jamais été demandé s’il était au courant des crimes de Maciel. S’il devait le nier, qui pourrait le croire, attendu qu’il a occupé des postes de responsabilité comme membre des Légionnaires du Christ ?
Du cardinal Sean O’Malley[20], je me bornerai à dire que ses dernières déclarations sur le cas de McCarrick sont déconcertantes ; elles ont en effet entièrement mis en cause sa sincérité et sa crédibilité.
***
Ma conscience m’oblige maintenant à révéler des faits que j’ai vécus à la première personne, s’agissant du pape François, qui ont une dimension dramatique et qu’en tant qu’évêque partageant la responsabilité collégiale de tous les évêques envers l’Église universelle il ne m’est pas permis de taire et que je me déclare ici prêt à confirmer sous serment en appelant Dieu comme témoin.
Dans les derniers mois de son pontificat, le pape Benoît XVI avait convoqué une réunion de tous les nonces apostoliques à Rome, comme l’avaient déjà fait à plusieurs reprises Paul VI et saint Jean-Paul II. La date fixée pour l’audience avec le pape était le vendredi 21 juin 2013. Le pape François maintint cet engagement pris par son prédécesseur. Naturellement, je vins moi aussi à Rome, de Washington. C’était ma première rencontre avec le pape nouvellement élu, seulement trois mois auparavant, après la renonciation de Benoît XVI[21].
Dans la matinée du jeudi 20 juin 2013, je me rendis à la Domus Sanctae Marthae pour rejoindre mes collègues qui y étaient logés. À peine entré dans la salle, je rencontrai le cardinal McCarrick, qui portait la soutane filetée. Je le saluai avec respect comme j’avais toujours fait. Il me dit immédiatement, d’un ton entre l’ambigu et le triomphant : « Le pape m’a reçu hier, demain je pars pour la Chine. »
Je ne savais rien à l’époque de sa longue amitié avec le cardinal Bergoglio ni de la part cruciale qu’il avait eue dans sa récente élection, comme McCarrick lui-même l’a révélé plus tard lors d’une conférence à la Villanova University [université de Villanova] et dans un entretien avec le Catholic National Reporter, et je n’avais jamais pensé au fait qu’il avait participé aux réunions préparatoires du récent conclave ni au rôle qu’il avait pu avoir comme électeur dans celui de 2005[22]. Je n’ai pas immédiatement compris la signification du message crypté qu’il m’avait adressé, mais celle-ci me devint évidente les jours suivants.
Le lendemain eut lieu l’audience avec le pape François. Après le discours, en partie lu et en partie improvisé, le pape voulut saluer un à un tous les nonces. Nous étions en file indienne et je me souviens que je me trouvais parmi les derniers. Quand ce fut mon tour, à peine avais-je eu le temps de lui dire : « Je suis le nonce des États-Unis », qu’il me dit sans préambule et sur un ton de reproche : « Les évêques des États-Unis ne devraient pas être idéologisés ! Ils doivent être des pasteurs ! » Naturellement, je n’étais pas en position de lui demander des explications sur le sens de ses paroles ni sur la manière agressive dont il m’avait apostrophé. J’avais en main un livre en portugais que le cardinal O’Malley m’avait remis pour le pape quelques jours avant en me disant : « Il va ainsi pouvoir réviser son portugais avant d’aller à Rio pour la journée mondiale de la jeunesse ». Je le lui remis aussitôt de manière à me libérer de cette situation extrêmement déconcertante et embarrassante.
A la fin de l’audience, le pape annonça : « Ceux d’entre vous qui seront encore à Rome dimanche prochain sont invités à concélébrer avec moi à la Domus Sanctae Marthae. » J’ai bien entendu décidé de rester pour éclaircir cette première chose que le pape avait voulu me dire.
Le dimanche 23 juin, avant la concélébration avec le pape, j’ai demandé à Mgr Ricca, qui, comme responsable de la résidence, nous avait aidés à mettre les habits, s’il pouvait demander au pape s’il pouvait me recevoir dans le courant de la semaine suivante. Comment pouvais-je rentrer à Washington sans avoir éclairci ce que le pape attendait de moi ? A la fin de la messe, tandis que le pape saluait les quelques laïcs présents, Mgr Fabián Pedacchio, son secrétaire argentin, vint vers moi pour me dire : « Le pape m’a dit de vous demander si vous étiez libre maintenant. » Je lui répondis bien sûr que j’étais à la disposition du pape et que je remerciai celui-ci de me recevoir immédiatement. Le pape me conduisit au premier étage de son appartement et me dit : « Nous avons 40 minutes avant l’angélus. »
J’ouvris la conversation en demandant au pape ce qu’il avait voulu dire par les mots qu’il m’avait adressés lorsque je l’avais salué le vendredi précédent. Et le pape, d’un ton très différent, amical, presque affectueux, me dit : « Oui, les évêques des États-Unis ne doivent pas être idéologisés, ils ne doivent pas être de droite comme l’archevêque de Philadelphie (le pape ne me cita pas le nom de l’archevêque[23]), ils doivent être des pasteurs ; et ils ne doivent pas être de gauche et, ajouta-t-il en levant les bras, quand je dis de gauche, je veux dire homosexuels. » Naturellement, la logique de la corrélation entre être de gauche et être homosexuel m’avait échappé, mais je n’ajoutai rien.
Immédiatement après, le pape me demanda, sur un ton insistant : « Le cardinal McCarrick, comment est-il ? » Je lui répondis franchement et, si vous voulez, avec une certaine ingénuité : « Saint-Père, je ne sais pas si vous connaissez le cardinal McCarrick, mais si vous demandez à la congrégation pour les évêques, il y a un gros dossier sur lui. Il a corrompu des générations de séminaristes et de prêtres et le pape Benoît XVI lui a imposé de se retirer dans une vie de prière et de pénitence. » En dépit de la gravité de mes propos, le pape ne fit pas le moindre commentaire et ne montra sur le visage aucune expression de surprise, comme si la chose lui était déjà connue depuis longtemps ; et il changea immédiatement de sujet. Mais alors, dans quel but le pape m’avait-il posé cette question : « Le cardinal McCarrick, comment est-il ? » Evidemment, il voulait savoir si j’étais ou non l’allié de McCarrick.
Une fois rentré à Washington, tout me devint plus clair, grâce encore à un nouveau fait qui se produisit peu de jours après ma rencontre avec le pape François. J’envoyai le premier conseiller, Mgr Jean-François Lantheaume, à la prise de possession du diocèse d’El Paso par le nouvel évêque, Mark Seitz, le 9 juillet 2013, tandis que j’allai le même jour à Dallas pour une rencontre internationale de bioéthique. A son retour, Mgr Lantheaume me rapporta qu’il avait rencontré à El Paso le cardinal McCarrick, lequel, le prenant à part, lui avait dit pratiquement les mêmes mots que ceux que le pape m’avait dits à Rome : « Les évêques des États-Unis ne doivent pas être idéologisés, ils ne doivent pas être de droite, ils doivent être des pasteurs. » Je suis resté abasourdi ! Il était donc clair que le mot de reproche que le pape François m’avait adressé ce 21 juin 2013 lui avait été mis sur la langue par le cardinal McCarrick la veille. La remarque du pape « pas comme l’archevêque de Philadelphie » conduisait elle aussi à McCarrick parce qu’il y avait eu entre les deux évêques une vive controverse au sujet de l’admission à la communion des hommes politiques favorables à l’avortement. McCarrick avait trafiqué dans sa communication aux évêques une lettre de celui qui était alors le cardinal Ratzinger, laquelle interdisait de leur donner la communion. De plus, j’étais au courant du fait que certains cardinaux comme Mahony, Levada et Wuerl, qui étaient étroitement liés à McCarrick, s’étaient opposés aux nominations les plus récentes effectuées par le pape Benoît pour des sièges importants comme Philadelphie, Baltimore, Denver et San Francisco.
Non content du piège qu’il m’avait tendu le 23 juin 2013 en m’interrogeant sur McCarrick, à peine quelques mois plus tard, à l’audience qu’il m’accorda le 10 octobre 2013, le pape François m’en tendit un second, cette fois à propos de son second protégé, le cardinal Donald Wuerl. Il me demanda : « Le cardinal Wuerl, comment est-il, bon ou mauvais ? » « Saint Père, lui répondis-je, je ne vous dirai pas s’il est bon ou mauvais, mais je vous rapporterai les faits. » Ce sont ceux que j’ai déjà soulignés ci-dessus, en ce qui concerne la négligence pastorale de Wuerl pour les déviations aberrantes à la Georgetown University et l’invitation faite par l’archidiocèse de Washington à des jeunes gens aspirant au sacerdoce à rencontrer McCarrick ! Cette seconde fois, le pape ne montra non plus aucune réaction.
Il devint ensuite évident qu’après l’élection du pape François, McCarrick, désormais dégagé de toute entrave, se sentait libre de voyager sans cesse, de donner des conférences et des entretiens[24] . Dans un jeu d’équipe avec le cardinal Maradiaga, il était devenu le kingmaker [faiseur de roi] pour les nominations à la curie et aux États-Unis et le conseiller le plus écouté au Vatican pour les relations avec le gouvernement Obama. Cela explique le remplacement du cardinal Burke par le cardinal Wuerl comme membre de la congrégation pour les évêques et la nomination immédiate de Cupich au sein de cette même congrégation à peine fut-il fait cardinal. Avec ces nominations, la nonciature de Washington était mise hors jeu pour la nomination des évêques. De surcroît, le pape nomma le Brésilien Ilson de Jesus Montanari – grand ami de son secrétaire privé argentin, Fabián Pedacchio – secrétaire de cette même congrégation pour les évêques et secrétaire du collège des cardinaux, promotion directe d’un simple collaborateur de ce dicastère comme archevêque-secrétaire. Du jamais vu pour un poste si important !
Les nominations de Blase Cupich à Chicago et de William Tobin à Newark ont été orchestrées par McCarrick, Maradiaga et Wuerl, unis par un pacte infâme où les turpitudes du premier servaient de couverture aux turpitudes des deux autres. Ni le nom de Cupich ni celui de Tobin ne figurait parmi ceux présentés par la nonciature pour Chicago et Newark.
L’arrogance ostentatoire et l’effronterie de Cupich pour nier ce qui est désormais évident pour tous ne peut échapper : à savoir que 80% des sévices connus ont été commis au détriment de jeunes adultes par des homosexuels qui avaient un rapport d’autorité avec leurs victimes.
Dans le discours qu’il fit à la presse lors de la prise de possession du siège de Chicago, où j’étais présent comme représentant du pape, Cupich dit, comme un trait d’esprit, qu’il ne fallait pas attendre du nouvel archevêque qu’il marchât sur les eaux. On pourrait s’en accommoder s’il pouvait garder les pieds sur terre, au lieu de tenter de subvertir la réalité, aveuglé par son idéologie pro-gay [pro-homosexuelle], comme il l’ a affirmé dans un entretien récent à la revue America. Se targuant de sa compétence particulière en la matière pour avoir été président du Committee on Protection of Children and Young People [Comité pour la protection des enfants et des jeunes gens] de la USCCB [United States Conference of Catholic Bishops, Conférence des évêques catholiques des États-Unis], il affirma que le problème principal dans la crise des sévices sexuels commis par des clercs n’était pas l’homosexualité, laquelle, selon lui, n’était qu’un moyen de détourner l’attention du véritable problème, qui était le cléricalisme. Pour étayer sa thèse, Cupich a fait « étrangement » référence aux résultats d’une recherche faite au sommet de la crise des sévices sexuels sur des mineurs au début des années 2000, tout en ignorant « innocemment » que les résultats de cette enquête furent totalement démentis par les rapports indépendants successifs du John Jay College of Crimininal Justice [Collège John Jay de justice pénale] de 2004 et de 2011, qui concluaient que dans les cas de sévices sexuels 81% des victimes étaient masculines. De fait, le père Hans Zollner, S.J., vice-recteur de l’université pontificale grégorienne, président du Centre for Child Protection [Centre pour la protection de l’enfance], membre de la commission pontificale pour la protection des mineurs, a déclaré récemment au journal La Stampa : « Dans la majorité des cas, il s’agit de sévices homosexuels ».
De même, la nomination postérieure de McElroy à San Diego fut pilotée d’en haut par un ordre péremptoire crypté que je reçus du cardinal Parolin en tant que nonce. « Réservez le siège de San Diego à McElroy. » McElroy était lui aussi bien au courant des sévices commis par McCarrick en raison de la lettre que lui avait envoyée Richard Sipe le 28 juillet 2016.
A ces personnages sont liés étroitement des individus appartenant notamment à l’aile dévoyée de la Compagnie de Jésus, malheureusement majoritaire aujourd’hui, qui était déjà un sujet de grave préoccupation pour Paul VI[25] et pour les pontifes suivants. Il suffit de penser au père Robert Drinan, S.J.[26], élu quatre fois à la chambre des représentants, soutien acharné de l’avortement, ou au père Vincent O’Keefe, S.J., un des principaux promoteurs du document The Land O’ Lakes Statement [Déclaration de Land O’ Lakes][27] de 1967, qui a gravement compromis l’identité catholique des universités et des établissements supérieurs des États-Unis. Il est à noter que là encore McCarrick, alors président de l’université catholique de Porto-Rico, a participé à cette entreprise infâme, si délétère pour la formation de la conscience de la jeunesse américaine, étroitement associé qu’il était à cette aile dévoyée des jésuites.
Le père James Martin, S.J., dont les personnages susmentionnés font l’éloge, en particulier Cupich, Tobin, Farrell et McElroy, nommé conseiller du dicastère pour la communication, activiste notoire qui promeut le programme LGBT[28], choisi pour corrompre les jeunes qui doivent se recueillir prochainement à Dublin pour la rencontre mondiale des familles, n’est qu’un triste exemple récent de cette aile dévoyée de la Compagnie de Jésus.
Le pape François a demandé à plusieurs reprises une transparence totale dans l’Église et que les évêques et les fidèles agissent avec parresia [franchise]. Les fidèles du monde entier lui demandent également d’en faire preuve de manière exemplaire. Qu’il dise depuis quand il est au courant des crimes commis par McCarrick, qui abusait de son autorité sur les séminaristes et les prêtres !
En tout cas, le pape l’a su de moi le 23 juin 2013 et il a continué à le protéger, n’a pas tenu compte des sanctions que le pape Benoît lui avait infligées et en a fait, avec Maradiaga, son fidèle conseiller.
Ce dernier se sent si assuré de la protection du pape qu’il peut mépriser comme des « ragots » les appels sincères de dizaines de ses séminaristes, qui ont trouvé le courage de lui écrire après qu’un des leurs eut tenté de se suicider en raison de sévices sexuels commis dans le séminaire.
Désormais, les fidèles ont bien compris la stratégie de Maradiaga : insulter les victimes pour se sauver lui-même, mentir à outrance pour couvrir un abîme d’abus de pouvoir, de mauvaise gestion dans l’administration des biens de l’Eglise, de désastres financiers aux dépens même de ses amis intimes, comme dans le cas de l’ambassadeur du Honduras Alejandro Valladares, qui fut doyen du corps diplomatique auprès du Saint-Siège.
Dans le cas de l’ancien évêque auxiliaire Juan José Pineda, à la suite de l’article paru dans l’hebdomadaire L’Express en février dernier, Maradiaga a déclaré au journal Avvenire : « C’était à mon évêque auxiliaire Pineda de demander rectification, en vue de “nettoyer” sa réputation après toutes les calomnies dont il avait été l’objet. » Aujourd’hui, tout ce que l’on a rendu public sur Pineda, c’est que sa démission avait été acceptée, faisant ainsi litière de son éventuelle responsabilité, comme de celle de Maradiaga[29].
Au nom de la transparence tant proclamée par le pape, il faut publier le rapport que l’inspecteur, l’évêque argentin Alcides Casaretto, a transmis depuis plus d’un an directement au pape et seulement à lui.
Enfin, la récente nomination de l’archevêque Edgar Peña Parra comme substitut a un lien avec le Honduras, c’est-à-dire avec Maradiaga. De fait, Peña Parra a été en service de 2003 à 2007 à la nonciature de Tegucigalpa en qualité de conseiller. Comme délégué pour les représentations pontificales, j’avais reçu des informations préoccupantes à son sujet.
Un scandale énorme comme celui du Chili est prêt à se répéter au Honduras. Le pape défend à outrance son homme de confiance, le cardinal Rodriguez Maradiaga, comme il l’a fait au Chili pour l’évêque Juan de la Cruz Barros – qu’il avait lui-même nommé évêque d’Osorno contre l’avis des évêques chiliens. Dans un premier temps, il a insulté les victimes des sévices, puis, quand il y a été forcé par le tollé des media, la révolte des victimes et des fidèles chiliens, il a reconnu son erreur et présenté des excuses, tout en expliquant avoir été mal informé, créant une situation désastreuse pour l’Église du Chili, mais continuant à protéger les deux cardinaux Errázuriz et Ezzati.
Dans la triste histoire de McCarrick aussi, le comportement du pape François n’est pas différent. Il savait au moins depuis le 23 juin 2013 que McCarrick était un prédateur en série. Tout en sachant qu’il s’agissait d’un homme corrompu, il l’a protégé jusqu’au bout, faisant siens ses conseils, que l’on imagine difficilement animés de saines intentions et d’amour pour l’Église. Et c’est seulement quand il y a été contraint par la plainte d’une victime mineure, et toujours en fonction de l’approbation des media, qu’il a pris des mesures contre celui-ci afin de sauver son image médiatique.
Il y a aujourd’hui aux États-Unis un chœur qui enfle, composé surtout de fidèles laïcs, mais auxquels se sont joints récemment des évêques et des prêtres, qui demande à tous ceux qui ont couvert par leur silence le comportement criminel de McCarrick – ou qui l’ont utilisé pour faire carrière et promouvoir leurs projets, leurs ambitions et leur pouvoir dans l’Église – de se démettre.
Toutefois, cela ne suffira pas à assainir la situation issue des très graves comportements immoraux du clergé, des évêques et des prêtres. Il faut proclamer un temps de conversion et de pénitence. La vertu de chasteté doit être restaurée dans le clergé et dans les séminaires. Il faut lutter contre la corruption qui résulte de l’emploi incorrect des ressources de l’Église et des offrandes des fidèles. La gravité du comportement homosexuel doit être dénoncée. Il faut éradiquer les réseaux d’homosexuels existant dans l’Église, comme l’a écrit récemment Janet Smith, professeur de théologie morale au Sacred Heart Major Seminary [grand séminaire du Sacré-Cœur] de Détroit. « Le problème des sévices sexuels du clergé, écrivait-elle, ne peut pas se résoudre simplement par la démission de certains évêques et encore moins par de nouvelles directives bureaucratiques. Le cœur du problème réside dans les réseaux homosexuels du clergé, qui doivent être éradiqués. » Ces réseaux d’homosexuels, désormais répandus dans de nombreux diocèses, séminaires, ordres religieux, etc., agissent sous le couvert du secret et du mensonge avec la puissance des tentacules d’une pieuvre, écrasent les victimes innocentes, les vocations sacerdotales, et étranglent toute l’Église.
J’implore tous, en particulier les évêques, de briser le silence pour vaincre cette culture de l’omertà généralisée, de dénoncer aux media et aux autorités civiles les cas de sévices dont ils ont connaissance.
Ecoutons le message le plus fort que nous a laissé en héritage saint Jean-Paul II : n’ayez pas peur ! N’ayez pas peur !
Le pape Benoît, dans l’homélie de l’Epiphanie de 2018, nous a rappelé que le dessein de salut du Père s’était pleinement révélé et réalisé dans le mystère de la mort et de la résurrection du Christ, mais qu’il fallait accepter l’histoire humaine, qui reste toujours l’histoire de la fidélité de la part de Dieu et malheureusement aussi de l’infidélité de la part de nous les hommes. L’Église, dépositaire de la bénédiction de la Nouvelle Alliance, signée dans le sang de l’Agneau, est sainte, mais composée de pécheurs, comme l’écrivait saint Ambroise : l’Église est « immaculata ex maculatis » [sans souillure, faite avec des êtres souillés], elle est sainte et sans tache tout en étant composée dans son parcours terrestre d’hommes souillés par le péché.
Je veux rappeler cette vérité sans faille de la sainteté de l’Église à tous ceux qui ont été si profondément scandalisés par le comportement abominable et sacrilège de l’ancien archevêque de Washington, Theodore McCarrick, par la conduite grave, déconcertante et pécheresse du pape François et par le silence de tant de pasteurs, qu’ils sont tentés de quitter l’Église défigurée par tant d’ignominies.
Le pape François, le dimanche 12 août 2018, prononça ces mots lors de l’angélus : « Chacun est coupable du bien qu’il pouvait faire et qu’il n’a pas fait… Si nous ne nous opposons pas au mal, nous l’alimentons de façon tacite. Il est nécessaire d’intervenir là où le mal se diffuse parce que le mal se diffuse là où il manque des chrétiens audacieux qui s’y opposent par le bien. » Si cela doit être considéré à juste titre comme une responsabilité morale sérieuse pour chaque fidèle, combien plus cela l’est-il pour le pasteur suprême de l’Église qui, dans le cas de McCarrick, non seulement ne s’est pas opposé au mal, mais s’est associé à celui qu’il savait être profondément corrompu, a suivi les conseils de celui qu’il savait être un pervers, multipliant ainsi de manière exponentielle par son autorité suprême le mal commis par McCarrick ! Et combien d’autres mauvais pasteurs François continue-t-il de soutenir dans leur action de destruction de l’Église !
François est en train d’abdiquer le mandat que le Christ a donné à Pierre de confirmer ses frères. Au contraire, par son action, il les a divisés, il les induit en erreur et encourage les loups à continuer de déchirer les brebis du troupeau du Christ.
En ce moment extrêmement dramatique pour l’Église universelle, il convient que le pape François reconnaisse ses erreurs et, conformément au principe revendiqué de tolérance zéro, soit le premier à donner le bon exemple aux cardinaux et aux évêques qui ont couvert les sévices de McCarrick et se démette en même temps qu’eux tous.[30]
Malgré le désarroi et la tristesse due à l’énormité de ce qui est arrivé, nous ne perdons pas l’espérance ! Nous savons bien que la grande majorité de nos pasteurs vivent avec fidélité et dévouement leur vocation sacerdotale.
C’est dans les moments de grande tribulation que la grâce du Seigneur se révèle surabondante et met sa miséricorde sans limites à la disposition de tous. Mais elle n’est accordée qu’à ceux qui se repentent vraiment et ont le propos sincère de s’amender. Le moment est venu pour l’Église de confesser ses péchés, de se convertir et de faire pénitence.
Prions tous pour l’Église et pour le pape, rappelons-nous combien de fois il nous a demandé de prier pour lui !
Renouvelons tous notre foi dans l’Église notre mère : « Je crois en l’Église, une, sainte, catholique et apostolique ! »
Le Christ n’abandonnera jamais son Église ! Il l’a engendrée dans Son Sang et la ranime continuellement par Son Esprit !
Marie, Mère de l’Église, priez pour nous !
Vierge Marie Reine, Mère du Roi de gloire, priez pour nous !
Rome, le 22 août 2018
en la fête de la Bienheureuse Vierge Marie Reine
[1] Traduction intégrale du texte original en italien daté du 22 août 2018, publié le 25 août. La présente traduction complète et corrige la traduction partielle, et parfois euphémistique, publiée par L’Homme nouveau le 26 août 2018 (ces “morceaux choisis” représentaient la moitié du texte). Toutes les notes, ainsi que les passages entre crochets, ont été ajoutées à la traduction. Celle-ci est aussi fidèle que possible, mais nous nous sommes permis de mettre en gras certains passages de ce texte historique qui nous ont paru essentiels, bien qu’ils ne le fussent pas dans l’original.
Archevêque titulaire d’Ulpiana depuis 1992, Mgr Viganò est donc archevêque in partibus, c’est-à-dire sans fonction territoriale, puisque le diocèse de la ville antique d’Ulpiana, située dans le Kossovo actuel, n’existe plus.
[2] Le nonce apostolique, ou absolument le nonce, est l’ambassadeur de l’Etat du Vatican auprès d’un Etat étranger.
[3] La curie romaine, ou absolument la curie, désigne l’ensemble des administrations pontificales sises à Rome qui assurent le gouvernement de l’Eglise catholique sous l’autorité du pape.
[4] Jean-Paul II fut pape de 1978 à 2005.
[5] Le cardinal Joseph Ratzinger, alors préfet de la congrégation pour la doctrine de la foi, fut élu pape en 2005 et pris le nom de Benoît XVI. Il renonça à sa charge en 2013.
[6] Le secrétaire d’Etat est le plus haut responsable de la curie romaine et le principal collaborateur du pape dans le gouvernement de l’Eglise.
[7] Faut-il s’interroger sur les circonstances de leur mort ? Mgr Viganò ne le précise pas.
[8] O.P. pour Ordo Prædicatorum, Ordre des prêcheurs : désigne un dominicain.
[9] Saint Pierre Damien (1007-1072), docteur de l’Eglise, auteur du Livre de Gomorrhe (1051), où il demandait que les prêtres homosexuels fussent chassés de l’Église. Selon Jean-Louis Harouel, une “camarilla homosexuelle régnait sur certaines parties importantes de l’Eglise de France aux XIe et XIIe siècles” (Droite-gauche, ce n’est pas fini, Desclée de Brouwer, 2017, page 107).
[10] Saint Léon IX, pape de 1048 à 1054.
[11] Voir note 7 ci-dessus.
[12] Le père Marcial Maciel Degollado (1920-2008), prêtre mexicain, fondateur des Légionnaires du Christ, avait une vie incroyablement scandaleuse : alcoolisme, drogue, pédophilie, subornation de séminaristes, liaison avec une femme dont il eut un enfant, double vie avec fausse identité, gestion malhonnête de biens mal acquis, et il avait si peu la foi qu’il refusa l’extrême onction sur son lit de mort. Il était proche du pape Jean-Paul II, qui l’a toujours protégé, et ce n’est qu’en 2006, sous le pontificat de Benoît XVI, qu’il dut se retirer de la vie publique, tout en échappant à un procès canonique.
[13] Mgr Viganò laisse ici entendre que certains membres de la curie étaient corrompus et que McCarrick aurait pu leur donner des pots-de-vin.
[14] En français dans le texte.
[15] C’est à la résidence Sainte-Marthe, située au Vatican, que sont logés les visiteurs du Saint-Siège. Le pape François a délaissé les appartement pontificaux pour s’y installer.
[16] En août 2018, le cardinal Donald Wuerl a été accusé par un grand jury de Pennsylvanie d’avoir couvert des centaines d’actes pédophiles commis par des prêtres de son diocèse alors qu’il était évêque de Pittsburgh, entre 1988 et 2006.
[17] L’université de Georgetown est une université catholique créée par les jésuites et située à Washington.
[18] D.C. pour District of Columbia, district de Columbia. Washington D.C. est la capitale fédérale des États-Unis d’Amérique. On précise “D.C.” pour éviter la confusion avec l’Etat de Washington.
[19] “Le cardinal Kevin Farrell est aujourd’hui à la tête du dicastère romain pour les familles, les laïcs et la vie. C’est lui qui a invité le jésuite James Martin, militant homosexuel, à témoigner lors de la rencontre mondiale des familles à Dublin en cette fin de semaine [25 et 26 août 2018]. Mgr Farrell a été l’un des évêques auxiliaires de Mgr McCarrick à Washington de 2001 à 2006…” (note de L’Homme nouveau). [Un dicastère est une subdivision de la curie romaine.] Voir page 13.
[20] Il fait partie du conseil des cardinaux créé par le pape François, le “C9″, qui constitue sa “garde rapprochée” et qui comprend aujourd’hui (30 septembre 2018) neuf membres : Giuseppe Bertello, Francisco Javier Errázuriz Ossa, Oswald Gracias, Reinhard Marx, Laurent Monsengwo Pasinya, Sean O’Malley, George Pell, Óscar Andrés Rodríguez Maradiaga, Pietro Parolin. Le cardinal Pell est accusé par la justice australienne d’avoir commis des actes pédophiles et d’avoir protégé des prêtres pédophiles. Les cardinaux Errázuriz, O’Malley, Maradiaga et Parolin sont cités ici par Mgr Viganò.
[21] Le cardinal argentin Jorge Mario Bergoglio, archevêque de Buenos-Aires, a été élu pape le 13 mars 2013 et a pris le nom de François.
[22] Benoît XVI a été élu pape le 19 avril 2005.
[23] Il s’agit de Charles Chaput, archevêque de Philadelphie depuis 2011.
[24] “Voir un article du National Catholic Reporter du 21 juin 2014 expliquant qu’à 84 ans le cardinal globetrotter [grand voyageur] Mc Carrick travaille plus dur que jamais…” (note de L’Homme nouveau).
[25] Paul VI fut pape de 1963 à 1978.
[26] S.J., pour Societas Jesu, Compagnie de Jésus : désigne un jésuite.
[27] Village de l’Etat du Wisconsin aux États-Unis.
[28] Lesbiennes, gays (homosexuels masculins), bisexuels et transgenres.
[29] Communiqué du Vatican le 20 juillet 2018. Mgr Juan José Pineda Fasquelle, évêque auxiliaire de Tegucigalpa (Honduras), proche collaborateur du cardinal Óscar Andrés Rodríguez Maradiaga, archevêque de Tegucigalpa, a été accusé d’avoir tenté de suborner des séminaristes.
[30] Dans une lettre publiée en anglais sur le site LifeSiteNews le 27 septembre 2018 et postdatée du 29 septembre, Mgr Viganò confirme ses accusations, un mois après son témoignage, en déplorant que le pape n’ait pas voulu y répondre, mais qu’il ait pris le parti de le calomnier, et en rappelant les fautes déjà commises par le futur pape François alors qu’il était archevêque de Buenos-Aires :
“De plus, la protection accordée à McCarrick par le pape ne fut manifestement pas une erreur isolée. De nombreux autres cas exposés récemment dans la presse montrent que le pape François avait défendu des clercs homosexuels qui avaient commis de graves sévices sexuels sur des mineurs ou des adultes. Cela concerne notamment son rôle dans l’affaire du père Julio Grassi de Buenos-Aires, la réintégration du père Mauro Inzoli après que le pape Benoît l’eut révoqué du ministère (jusqu’à ce que ce prêtre allât en prison, à la suite de quoi le pape François le réduisit à l’état laïc) et l’arrêt de l’enquête sur les allégations de sévices sexuels portées contre le cardinal Cormac Murphy O’Connor.”