L’antiracisme contre la science

Philippe Rushton entouré de manifestants antiracistes après un cours donné à l’université de l’Ontario de l’ouest en 1991.

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« Toute politique implique quelque idée de l’homme. » (Paul Valéry)
« L’utopie égalitaire est fondée sur l’anthropologie […] de Jean-Jacques Rousseau. Selon celui-ci, l’homme, bon par nature, serait corrompu par la société. L’origine du mal ne serait pas à chercher dans l’homme lui-même, mais dans la société, qu’il conviendrait de reconstruire sur des bases entièrement nouvelles[1]. »

Introduction
En France, Mai 68 fut une révolution cosmopolite, mais cette révolution eut lieu partout en Occident dans les années 1960. Au Royaume-Uni, l’on peut prendre la date symbolique de 1963, donnée par le poète Philippe Larkin, qu’il place entre la levée de la censure d’un roman de David Herbert Lawrence, qui contenait des passages érotiques, et la sortie du premier album des Beatles. Aux États-Unis, c’est le mouvement hippie et l’apogée des manifestations pour les droits civiques – la loi qui met définitivement fin à la discrimination raciale est votée en 1968. Le politologue américain Ronald Inglehart considère que cette mutation des valeurs en Occident fut la marque d’une révolution silencieuse. Le développement économique, chassant le socialisme, aurait orienté la gauche vers des valeurs moins matérielles, relatives, par exemple, à l’émancipation individuelle et à l’égalité des sexes. L’antiracisme est une autre manifestation de cette révolution silencieuse ou cosmopolite et nous tâcherons ici d’estimer les dégâts qu’elle a pu faire dans le champ des sciences de l’homme, et notamment de l’anthropologie.
Dans une vidéo de mai 2020, nous notions que, contrairement à une idée répandue, il n’y avait pas de consensus parmi les scientifiques à propos de l’existence des races humaines[2]. Suivant les pays, une minorité substantielle ou une majorité d’anthropologues et de biologistes continuent à défendre la pertinence du concept de race pour l’humanité. Nous notions aussi que le débat était piégé par l’idéologie cosmopolite, et que des chercheurs, comme Jared Diamond ou Charles Murray, rapportaient que certains de leurs confrères n’hésitaient pas à déclarer, en privé, confidentiellement, que les races humaines existaient, tout en soutenant la thèse inverse en public. Comme Henry Harpending l’a écrit[3] : « [Aujourd’hui], un sondage sur l’existence des races serait comme un sondage sur le marxisme dans l’Allemagne de l’est des années 1980. Tout le monde mentirait. »
Nous proposons ici de revenir chronologiquement sur des controverses qui ont animé et animent encore l’anthropologie. Nous constaterons que l’antiracisme et les prétendus bons sentiments font rarement bon ménage avec la science.

Franz Boas : culture contre nature
L’influence de l’antiracisme à l’université ne date pas des années 1960. L’un de ses premiers acteurs est Franz Boas, né en Prusse en 1858 et mort aux États-Unis en 1942. Il est le principal responsable de la dissociation de la biologie et des sciences sociales. L’historien Carl Degler a écrit : « On peut difficilement exagérer l’influence qu’a eue Franz Boas sur les sciences sociales américaines et leur rapport à la race. À une époque où les États du sud imposaient la ségrégation raciale, où l’eugénisme commençait à s’imposer comme réponse aux problèmes de société, Boas se lançait dans la bataille d’une vie, bataille contre l’idée selon laquelle la race serait la cause principale des différences intellectuelles et comportementales entre les groupes humains. Cette bataille a été remportée grâce à la mise en avant systématique et sans répit du concept de culture[4]. »
Boas partit pour La nouvelle York en 1887, cherchant à fuir le climat antijuif qui régnait alors en Allemagne. En 1894, il n’était pas encore ce chercheur dont l’horizon sera la négation totale de la force de l’hérédité dans les différences raciales. Cette année-là, il publia une analyse des données anthropométriques du Français Paul Topinard, et concluait que seuls 27% des congoïdes avaient un volume crânien supérieur au volume crânien moyen des caucasoïdes. Boas écrivit alors que l’on devrait s’attendre à trouver peu de génies chez les congoïdes.
C’est à partir de 1896, à 38 ans, année où il devint maître de conférences à Columbia, que son environnementalisme prit le dessus. C’est une époque où le sentiment antijuif montait et où les publications de Madison Grant sur la race nordique connaissaient un certain succès, ce qui rendait Boas furieux. Il arriva à se convaincre que l’hérédité ne jouait aucun rôle dans les différences intellectuelles et comportementales entre les races ou entre les immigrés, quelle que fût leur origine, et les Américains. Boas ira jusqu’à s’impliquer dans les affaires politiques de son temps, notamment en 1924, auprès d’Emanuel Celler, un démocrate membre du congrès. La question de l’immigration lui importait beaucoup, ce qui le poussa à conduire une étude sur les « changements des caractéristiques physiques des descendants d’immigrés[5] ». Publiée en 1912, elle fut citée durant tout le XXe siècle. Boas prétendait y montrer que les enfants qui vivaient aux États-Unis connaissaient un changement radical de leur indice céphalique, c’est-à-dire le rapport entre la longueur et la largeur du crâne, qui sert notamment à déterminer les sous-races de la race caucasoïde, lesquelles sont soit plutôt brachycéphales, comme la sous-race alpine, soit plutôt dolichocéphales, comme les sous-races nordique et méditerranéenne. Que vaut cette étude ? En 2002, deux équipes de chercheurs, indépendamment l’une de l’autre, se sont penchées sur la question. La première[6], en réanalysant les données, confirma que les descendants d’immigrés avaient bien vu leur indice céphalique changer, et cela donnerait raison à Boas quand il affirma qu’il s’agissait là des effets de l’environnement américain.
La deuxième équipe[7] poussa ses analyses un peu plus loin, et conclut :
« Dans cette étude, nous avons évalué les données de Franz Boas avec des méthodes statistiques modernes, et nous avons tenté de reproduire ses conclusions sur la plasticité du crâne. Au lieu de retrouver cette plasticité substantielle, que Boas et les innombrables chercheurs qui l’ont cité prétendaient pouvoir observer, notre analyse révèle une haute héritabilité et des variations au sein des groupes ethniques qui persistent dans l’environnement américain. […] L’acceptation, sans esprit critique, des données de Boas a causé 90 ans de malentendus sur la nature de cette plasticité. La réanalyse de ces données non seulement montre que la plasticité du crâne n’est pas la première source des variations de sa forme, mais montre aussi que c’est la génétique qui en est la première cause, ce que savaient les morphométriciens depuis longtemps.
[…] Aux États-Unis, depuis 150 ans, les noirs comme les blancs ont connu des changements significatifs dans leur morphologie crânienne, mais celle-ci n’a pas convergé vers une même forme, comme on aurait pu s’y attendre si la plasticité environnementale jouait un rôle majeur. »
Par ailleurs, les auteurs notent que c’est l’antiracisme qui a motivé Boas à conduire cette étude, ce qui est loin d’être une spéculation, car Boas ne cachait pas ses idées politiques[8]
Madison Grant, eugéniste américain connu pour The Passing of the Great Race [Le Déclin de la grande race][9], ode à la sous-race nordique publiée en 1916, s’opposa vigoureusement à Boas et à ses méthodes. Grant blâmait plus généralement les Juifs et les accusait d’empêcher les anthropologues de publier dans les journaux leurs trouvailles sur les différences raciales. L’anthropologie raciale fut en effet petit à petit marginalisée par l’activisme de Boas et de ses disciples. Kevin MacDonald, auteur désormais célèbre pour sa trilogie sur la question juive[10], a écrit : « À partir de 1915, les boasiens contrôlaient l’Association américaine d’anthropologie et composaient les deux tiers de son conseil d’administration. En 1919, Boas déclarait que la plupart des travaux anthropologiques aux Etats-Unis étaient dorénavant faits par ses élèves de l’université de Columbia. À partir de 1926, tous les grands départements d’anthropologie étaient dirigés par des élèves de Boas, juifs pour la plupart[11]. » Un de ses protégés, Melville Herskovits, a pu dire : « Les quatre décennies pendant lesquelles Boas fut professeur à Columbia lui permirent de former des élèves qui finirent par composer une grande part des anthropologues qui tinrent et dirigèrent les plus importants départements d’anthropologie des États-Unis. À leur tour, ils formèrent des étudiants qui ont fait perdurer cette tradition[12]. »
Selon l’anthropologue Leslie White, les étudiants les plus influents de Boas furent Ruth Benedict, Alexander Goldenweiser, Melville Herskovits, Alfred Kroeber, Robert Lowie, Margaret Mead, Paul Radin, Edward Sapir et Leslie Spier. Un « petit groupe restreint d’universitaires, rassemblés autour de leur chef », qui étaient juifs pour les deux tiers (Kroeber, Benedict et Mead n’étaient pas juifs). Gelya Frank, anthropologue, cite les autres étudiants de Boas qui eurent une brillante carrière : Alexander Lesser, Ruth Bunzel, Gene Weltfish, Esther Goldfrank et Ruth Landes. Tous juifs. Ashley Montagu, né Israël Ehrenberg, fut un autre étudiant juif et influent de Boas. Il se battit avec force contre l’idée que les différences raciales dans l’intelligence étaient héréditaires. Cependant, les deux étudiants de Boas les plus renommés n’étaient pas juifs : Margaret Mead et Ruth Benedict. Kevin MacDonald y voit, avec l’historien John Efron, un phénomène intéressant : ils pensent que Boas, comme Freud, mit en avant des figures non juives afin d’être plus audible et ne pas paraître trop partisan à une époque où le sentiment antijuif était prégnant.
Coming of Age in Samoa [Adolescence à Samoa][13] est l’ouvrage qui valut à Margaret Mead sa renommée. Bonne élève de Boas, elle analysa la société samoane en excluant tout facteur héréditaire et en se contentant d’une description ethnographique dénuée de considérations théoriques. Dans cette étude, Mead se pencha avec beaucoup de sympathie sur la vie sexuelle prémaritale des jeunes Samoanes et y dépeignit une sorte de paradis de l’amour libre, où les affres de l’adolescence n’existeraient pas. Cet ouvrage fut violemment critiqué par un anthropologue néo-zélandais qui connaissait extrêmement bien Samoa, Derek Freeman, lequel accusa Mead d’avoir plaqué ses idées utopistes et égalitaires sur la société samoane, ainsi que d’avoir gravement manqué de rigueur dans ses descriptions. Il lui reprocha notamment d’avoir omis tout ce qui aurait pu faire de l’ombre à ce nouveau mythe du bon sauvage – à savoir, les viols, la violence ou encore l’importance de la virginité avant le mariage. Freeman l’accusa aussi d’avoir été crédule face à ce qu’il considérait être de faux témoignages que des jeunes filles se seraient amusées à donner à Mead. Cependant, Freeman étudia Samoa vingt ans après Mead, après que les missionnaires chrétiens eurent peut-être déjà bien bouleversé les mœurs. Mais, surtout, le travail publié de Mead, comme ses notes personnelles, montrent qu’elle était loin de se faire berner par les blagues des jeunes Samoanes, et qu’elle avait conscience de l’importance de la morale sexuelle à Samoa. Seulement, elle préféra documenter la vie des jeunes filles aux mœurs les plus légères, quitte à donner au lecteur une vision déformée de la vie samoane. La controverse entre Freeman et Mead dura trente ans, et fut surtout due à la personnalité impétueuse de Freeman, qui chercha sans relâche, dès le début de sa carrière, à détruire la réputation de Mead. Cette controverse, qui était très personnelle et passionnée pour Freeman, fut probablement un prétexte qui lui permit d’attaquer cette anthropologie culturelle qui ne laissait aucune place aux considérations sociobiologiques. Malgré l’acharnement de Freeman, Mead reste probablement l’anthropologue la plus célèbre au monde[14].
Ruth Benedict, presque aussi connue que Margaret Mead, a aussi largement contribué à la domination des idées de Boas dans l’anthropologie culturelle en Occident. Patterns of Culture [Échantillons de civilisations][15], publié en 1934, installa fermement le relativisme culturel aux États-Unis. Aussi a-t-on pu dire « qu’à partir du milieu du XXe siècle, c’était un lieu commun pour l’Américain cultivé d’évoquer les différences entre les peuples sous l’angle culturel et de dire que la science moderne avait montré que les races n’existaient pas[16]. »
Boas citait à l’envi Mead, Benedict et ses autres élèves, mais rarement les anthropologues qui ne faisaient pas partie de son cercle. MacDonald y voit là l’un des nombreux aspects du microcosme boasien qui ressemblait fortement, selon lui, au judaïsme : un groupe à l’identité forte, fermé sur lui-même, uni dans la poursuite d’intérêts communs, autoritaire et excluant les dissidents. Comme Freud, Boas fut une figure patriarcale et paternelle, très dure avec les gens qui étaient en désaccord avec lui, mais qui chérissait ses soutiens. Si Boas était particulièrement sceptique et se voulait rigoureux dès que la génétique entrait en jeu, ses propres thèses ne reposaient souvent que sur des données ténues, et les historiens des sciences l’ont trouvé plutôt indulgent avec Mead et Benedict, dont le travail aurait dû un peu plus souvent le questionner[17].
À partir de la deuxième partie des années 1930, l’anthropologie boasienne, selon laquelle la culture et non la génétique déterminait l’action des hommes, influençait une large part des sciences sociales. Les disciples de Boas devinrent par ailleurs d’ardents défenseurs de la psychanalyse et ce, selon Marvin Harris[18], parce qu’elle était particulièrement utile pour critiquer la civilisation occidentale. Dès les années 1920, d’importants boasiens étaient en effet versés dans la critique de la culture américaine, jugée trop homogène, trop hypocrite et trop restrictive, notamment de la sexualité. Fut opposée aux cultures occidentales une sorte de romantisme primitif, typique d’Adolescence à Samoa et d’Échantillons de civilisations, où l’on sent bien la fascination pour des cultures qui feraient bien, pour les boasiens, d’inspirer l’Occident. Aussi l’une des conséquences de la domination de l’anthropologie boasienne à l’université fut-elle la quasi absence de recherches sur la guerre et la violence dans les sociétés primitives. MacDonald note un fait très révélateur : quand Primitive War [La guerre primitive][19] fut publiée en 1949 par l’anthropologue américain Harry Turney-High, ses confrères l’ignorèrent complètement. Voilà la tactique habituelle des boasiens, qui ne voulaient pas entendre dire que la guerre était aussi cruelle qu’universelle, et qui préféraient réserver leurs critiques à l’homme blanc.

Carleton Coon démissionne
La mort de Boas en 1942 n’a pas provoqué le déclin de ses idées dans le champ de l’anthropologie culturelle. Bien au contraire, celle-ci monta en puissance jusqu’aujourd’hui. Prenons cette mésaventure rencontrée en 1961 par Carleton Coon alors qu’il présidait l’Association américaine d’anthropologie physique. Coon apprit que des membres de l’association voulaient profiter de sa convention annuelle pour publier une résolution condamnant Race et raison[20]. Cet ouvrage, écrit par Carleton Putnam, cousin éloigné de Carleton Coon, donnait des arguments pour la continuation de la ségrégation raciale aux États-Unis, qu’il justifiait par la profonde inégalité des races. Coon, comme son prédécesseur, W. Montague Cobb, estimait qu’une telle condamnation de Race et raison serait malvenue et irresponsable, les arguments scientifiques contenus dans l’ouvrage n’étant pas nécessairement faux. Mais, en dépit de l’avis de Coon, président de l’association, la résolution allait être prise. Sur place, au moment fatidique, Coon demanda aux nombreux membres présents s’ils avaient au moins lu l’ouvrage de Putnam. Une main se leva. Il demanda qui avait entendu parler de l’ouvrage avant cette réunion. Quelques mains seulement se levèrent. Écœuré, Carleton Coon démissionna.
Cette anecdote doit nous mettre en garde contre les positions que les biologistes ou les anthropologues peuvent tenir sur la question raciale. Pour le profane, leurs déclarations quant à l’inexistence des races peuvent apparaître raisonnables, surtout quand elles émanent d’organismes censés faire autorité, comme l’Association américaine d’anthropologie physique. Mais les chercheurs, souvent très spécialisés, sont capables de se tromper sur des questions qu’ils n’ont pas précisément étudiées, surtout quand le sujet est aussi polémique que celui de la question raciale. De surcroît, l’autocensure est évidemment particulièrement répandue[21].

L’étrange affaire Cyril Burt
Un exemple éloquent de biais causé par l’idéologie est celui de l’affaire Cyril Burt. Burt (1883-1971), spécialiste de l’intelligence et de l’hérédité, fut l’un des plus importants psychologues du XXe siècle. Ses apports empiriques et théoriques furent remarquables, mais sa réputation fut entachée, après sa mort, par des accusations de fraude. C’est Léon Kamin, psychologue juif et communiste, qui déclencha l’affaire en 1974. Dans un ouvrage intitulé The Science and Politics of I.Q. [La science et la politique du QI][22], où il s’en prit à la recherche sur l’intelligence et son héritabilité, Kamin prétendit passer au crible le travail de Burt et soutena y trouver les preuves d’une fraude. Kamin avait un argument majeur ; il nota que Burt donnait le même coefficient de corrélation (0,771), à la troisième décimale près, pour trois études de l’intelligence de jumeaux monozygotes séparés à la naissance, ce qui lui semblait plus que suspect. En 1976, le London Sunday Times titra[23]: « Un éminent psychologue truquait ses données », ce qui porta la controverse au grand jour. Dans cet article de presse, il fut aussi affirmé que Burt avait inventé l’existence de deux assistantes de recherche. En 1979, le biographe de Burt, Leslie Hearnshaw, qui avait accès à la correspondance et aux notes privées de Burt, conclut qu’il était bien coupable de fraude[24]. En 1980, la Société britannique de psychologie refusa de conduire une enquête indépendante, et accepta le verdict d’Hearnshaw. La réputation de Burt fut ainsi bien ternie, mais, plus gravement encore, c’est toute la génétique comportementale qui vit sa réputation noircie[25].
Il faut attendre la fin des années 1980 et le début des années 1990 pour que deux considérables défenses de Burt soient publiées[26]. Nous y retenons, premièrement, que les assistantes prétendument inventées furent retrouvées. Ensuite, l’analyse d’un article de 1966, dans lequel Burt aurait falsifié une corrélation, démontre qu’on n’y trouve aucune trace de trucage, mais plutôt des erreurs d’inattention. Dans cet article écrit à la hâte, par un Burt fatigué, âgé de plus de 80 ans, qui cherche à répondre rapidement à ses détracteurs, on trouve en effet quelques erreurs de frappe. Et pourquoi Burt, s’il avait voulu inventer une corrélation, aurait-il repris celle de 0,771, qui datait d’une étude précédente, et qui avait si peu de chances d’être retrouvée à nouveau ? Il est assez peu charitable de partir du principe que Burt fut malhonnête. Mais Léon Kamin, qui l’accusait, était-il charitable ? Pas vraiment. Notons en effet que dans son attaque originale, il reprocha à Burt d’avoir malhonnêtement réutilisé, en 1958 aussi, cette corrélation de 0,771 après qu’elle fut publiée la première fois en 1955. Mais cet article de 1958 n’était qu’une redite des résultats précédents ! Tout est à l’avenant dans la critique de Kamin. Il reproche par exemple à Burt de ne jamais expliciter ses procédures et sa méthode… alors qu’il le fit autant que possible.
En 1995, Nicholas Mackintosh revint sur l’affaire Burt[27]. Contrairement à Kamin, et convaincu en partie par les défenseurs de Burt, il considéra lui aussi que cette histoire de corrélation ne fut probablement due qu’à une simple erreur d’inattention. Cependant, il s’accorda avec Hearnshaw pour dire que les données de Burt sur la mobilité sociale étaient suspectes. Il fallut attendre 2015 pour qu’un anthropologue, Gavan Tredoux, montrât quelle méthode statistique, pourtant bien connue, fut utilisée, ce qui rendit l’analyse de Burt dénuée d’anomalie[28]. Mackintosh reprocha aussi à Burt d’avoir inventé des données à propos d’un éventuel déclin intellectuel des élèves des écoles de Londres entre 1914 et 1965. Il nota que durant cette période, dans le reste de l’Angleterre comme dans tout l’Occident, le quotient intellectuel augmentait – c’est l’effet Flynn. Mackintosh estima alors peu probable que des données pussent montrer qu’un point de QI se perdait par génération à Londres, même en prenant en compte l’immigration d’Afrique noire et des Caraïbes, ou encore la fuite des blancs face à cette immigration. Mackintosh estima que l’erreur de Burt ne fut peut-être pas volontaire, et que ses données purent simplement n’être que peu représentatives ou mal normalisées, mais ce n’est pas l’hypothèse qu’il favorisa. Selon lui, Burt n’aurait pas supporté que ses prédictions quant à la baisse du QI, qui serait due à la fécondité en déclin des femmes les plus éduquées, ne se réalisassent pas. Notons cependant qu’il est aujourd’hui montré que l’augmentation du QI pendant le XXe siècle n’est pas la preuve de l’absence de fécondité dysgénique, mais que celle-ci a été camouflée par l’augmentation du QI. Cette augmentation du QI, qu’on appelle effet Flynn, concerne des formes d’intelligence spécialisées, peu héritables. L’intelligence générale, hautement héritable, est bel et bien en déclin depuis la moitié du XIXe siècle. Burt, comme Raymond Cattell, n’ont pas su éclairer ce paradoxe, mais cela a récemment été fait par le psychologue et généticien écossais Michael Woodley of Menie.[29] Bref, Mackintosh admit que les accusations de Kamin, qui lança l’affaire, ne valaient rien ; mais il continua à chercher des noises à Burt.
Plusieurs autres choses sont à noter en défense de Burt. Premièrement, à sa mort, ses archives furent détruites par sa secrétaire à la demande du professeur qui prit la place de Burt à l’université, et qui n’avait aucune sympathie pour lui et son travail. Deuxièmement, on a affirmé qu’une fois parti de l’université, Burt n’aurait plus eu accès à de nouvelles données concernant des jumeaux, ce qui l’aurait poussé à en inventer. C’est d’ailleurs notamment de là que vinrent les soupçons à l’égard de son travail tardif. Or, rien n’était plus faux, mais il fallut attendre le début des années 2000 pour le découvrir dans une allocution qui n’avait encore jamais été publiée et que Burt donna à des psychologues en 1964, à 81 ans[30]. Dans cette allocution, il expliqua avoir accès à des cohortes de jumeaux séparés à la naissance qui provenaient d’hôpitaux et d’écoles londoniens. Troisièmement, la haute héritabilité de l’intelligence donnée par Burt, qui paraissait improbable à Kamin, a été systématiquement confirmée depuis. Les données de Burt ne sont pas en rupture avec le consensus aujourd’hui formé par les chercheurs en génétique comportementale, bien au contraire[31].
Ce qui ressort de la prose des universitaires qui se sont penchés sur l’affaire, de Hearnshaw à Mackintosh, en passant par Eysenck[32], est que les accusations portées contre Burt après sa mort, quand il ne pouvait plus se défendre de ces critiques fielleuses, et alors même que l’on avait détruit ses archives après sa mort, sont purement diffamatoires et n’ont jamais pu être prouvées. Rien ne permet de douter de son honnêteté, d’autant que ses résultats ont été confirmés par la suite. Le leitmotiv principal des accusateurs est que Burt avait besoin de données pour continuer à se défendre, et qu’il n’en avait plus accès à aucune. Or, nous l’avons dit, il existe une allocution d’un Burt déjà âgé qui prouve le contraire.
S’il y a bien quelque chose de certain dans cette affaire, c’est que Burt fit l’objet d’une cabale violente après sa mort, que la plupart des accusations se révélèrent malhonnêtes, superficielles et finirent par être rejetées. Ces attaques furent trop souvent motivées par un rejet radical de la génétique comportementale, lui-même motivé par des idées politiques égalitaires, qu’elles fussent marxistes ou cosmopolites.

Stephen Jay Gould : tel est pris qui croyait prendre
Avec Steve Rose, Richard Lewontin ou encore Stephen Jay Gould, Leon Kamin fit partie d’une clique d’universitaires qui se donna l’objectif, sous prétexte de rigueur scientifique, de détruire une partie des sciences de l’évolution.
Gould est connu pour avoir publié The Mismeasure of Man [La Mal-Mesure de l’homme]en 1981[33]. C’est un ouvrage d’une malhonnêteté et d’une mauvaise foi désormais légendaires, qui porte principalement sur la craniométrie et l’analyse du QI. Une version augmentée est sortie en 1996 pour répondre à The Bell Curve [La Courbe en cloche][34], le fameux ouvrage de Charles Murray et Richard Herrnstein qui a démontré l’importance du QI dans la vie sociale américaine. Entre les deux versions de La Mal-Mesure de l’homme, beaucoup de critiques furent faites à Gould, notamment issues de nouvelles études, et il n’en tint pas compte. En effet, un premier reproche que l’on peut faire à Gould est son obsession pour la science du XIXe et du début du XXe siècle, sous prétexte que la science moderne serait « éphémère ». Ce raisonnement spécieux lui facilita la tâche dans la mesure il lui permit d’insister sur certaines insuffisances des recherches passées, pourtant généralement confirmées ou précisées, tout en ignorant les analyses récentes, souvent très denses et raffinées[35].
Une marotte de Gould, qui fut aussi celle de Kamin, portait sur les débats dans les années 1920 à propos de la politique migratoire à mener aux États-Unis, dont les épreuves de QI auraient été un élément central. Gould dénatura férocement les propos d’Henry Goddard, le psychologue américain qui traduisit les épreuves de QI des Français Binet et Simon. Il décrivit Goddard comme un « héréditarien rigide et élitiste » qui considérait la majorité des immigrés juifs, hongrois, russes ou italiens comme des arriérés mentaux. Or, si Goddard avait bien noté les déficiences mentales de beaucoup d’immigrés, ce n’était pas à l’aide d’épreuves de QI, mais à cause de leur surreprésentation dans les institutions consacrées aux déficients mentaux. Surtout, Goddard précisait qu’il n’avait pas de données sur l’origine de ces troubles et qu’il était très probable qu’ils fussent dus à l’environnement, ce que Gould se garda bien de préciser, même dans la réédition de La Mal-Mesure de l’homme.
De manière générale, Gould et Kamin dénaturèrent totalement les positions des psychométriciens et leur rôle dans le débat sur l’immigration. Par exemple, Gould, soutint que des références incessantes furent faites aux épreuves de QI lors des débats autour de la loi sur la restriction de l’immigration de 1924. Mais on n’en trouve aucune référence dans cette loi, et pas plus dans les rapports du Congrès. En fait, on ne trouve qu’une référence critique au QI, par ailleurs sans réponse, dans les 600 pages du débat préalable au vote de la loi. Aucun des grands psychométriciens de l’époque ne fut non plus cité, et ce n’est pas étonnant, car la volonté de maîtriser l’immigration aux États-Unis préexistait largement à l’arrivée des épreuves de QI.
Kamin diffama aussi Goddard, mais également les autres pionniers de la psychométrie comme Lewis Terman et Robert Yerkes, en les accusant d’être influencés par leurs idées politiques prétendument racistes et nordicistes[36]. Cependant, Terman notait que les immigrés mongoloïdes n’étaient pas intellectuellement inférieurs aux blancs, et que les Juifs étaient surreprésentés dans ses cohortes d’enfants surdoués. Cela est difficilement compatible avec l’image d’un homme tendancieux à cause de son hostilité envers les autres races.
Kamin conclut que cette loi de 1924 sur l’immigration fut raciste, que ce biais raciste venait de cette approche psychométrique des différences ethniques et raciales, et qu’on trouvait là l’une des causes de la Choah : « Cette loi, pour laquelle la psychométrie a beaucoup fait, a donné lieu à la mort de centaines de milliers de personnes, victimes des théoriciens nazis de la biologie. Les victimes ont vu leur entrée aux États-Unis refusée parce que le “quota allemand” était rempli[37]. » Gould tint la même position : les quotas de l’immigration américaine auraient indirectement fait périr des milliers de Juifs. Cependant, MacDonald n’a probablement pas tort de penser que beaucoup de Juifs se sentaient directement visés par ces lois sur l’immigration, car il est vrai que des écrivains comme Madison Grant et Charles Davenport motivaient leurs positions anti-immigrationnistes en partie par la crainte d’une influence négative du groupe juif.
En 1994, la publication de La Courbe en cloche fit beaucoup de bruit. En guise de réponse, en 1996, Gould republia La Mal-Mesure de l’homme, avec un épilogue consacré à l’ouvrage d’Herrnstein et Murray, ainsi qu’une nouvelle introduction dans laquelle il osa écrire : « Que je finisse à côté de Judas Iscariote, Brutus et Cassius dans la bouche du diable, au centre de l’Enfer, si je ne réussis pas à présenter les faits de la manière la plus honnête possible. » Malgré cette fausse tentative d’objectivité, Gould ne fit pas l’effort de répondre à ses détracteurs, pourtant nombreux et rigoureux, ni de corriger les erreurs grossières contenues dans la première version de son livre. Gould s’en défendit en déclarant qu’il n’y avait pas eu de progrès dans la recherche sur le QI, mais seulement une récurrence des mêmes mauvais arguments. Aussi, par exemple, continua-t-il de nier le lien entre l’intelligence et la taille du cerveau, en dépit de l’accumulation de données depuis 1981. En effet, l’imagerie par résonance magnétique confirme largement les travaux de Samuel Morton, Paul Broca et Francis Galton, que Gould ne cessa pourtant d’attaquer[38].
La plus célèbre erreur de Gould concerne les données de Morton (1799-1851), grand naturaliste américain qui possédait une importante collection de crânes humains. Morton mesura ces crânes et trouva des différences entre les races : notamment, les caucasoïdes avaient de plus gros crânes, en moyenne, que les congoïdes. Gould prétendit que Morton, nécessairement influencé par une vision du monde raciste, aurait été sélectif dans le choix des crânes afin de faire correspondre ses moyennes à ses a priori. Il considérait aussi que Morton biaisait inconsciemment ses mesures et ses calculs pour que ceux-ci fissent émerger la supériorité blanche. En 1988, un étudiant en anthropologie remesura une partie des crânes de la collection de Morton et ne trouva rien qui pût confirmer les dires de Gould. Il publia ses résultats dans une revue universitaire, que Gould ignora. En 2011, une équipe d’anthropologues remesura la moitié des crânes de la collection et ne trouva pas non plus de biais dans les mesures de Morton. Il semblerait alors que ce fut Gould plutôt que Morton dont les analyses furent teintées d’erreurs et de biais idéologiques[39].
Enfin, Gould ne prit pas la peine de tenter de tenter de démontrer que les psychométriciens de renom avaient tort quand ils lui montraient que le facteur g, c’est-à-dire l’intelligence générale, n’était pas seulement un artefact statistique. Le facteur g est cette capacité qui sous-tend la performance, à des degrés divers, dans toutes les tâches cognitives, ce qui explique la validité de toutes les épreuves de QI. g a été découvert en 1903 par Charles Spearman, qui avait constaté la corrélation positive qui existait entre différentes épreuves. Autrement dit, un individu qui avait de bons résultats sur une épreuve de QI était tendanciellement bon sur les autres épreuves de QI. C’est pourquoi l’on parle aussi d’intelligence générale, parce qu’elle permet de résoudre tout type de problème. Aussi bien des choses laissent-elles penser que g est un système neurologique issu de la sélection naturelle, qui a permis de résoudre les défis cognitifs qui se sont posés à l’homme et à bien d’autres espèces au fur et à mesure de leur évolution. Premièrement, en effet, g n’est pas limité aux humains, il se retrouve chez les autres primates, mais aussi chez des mammifères comme les chiens, les chats, les souris ou les rats, et aussi chez des oiseaux comme le corbeau. L’on peut analyser l’intelligence de ces animaux en les soumettant à une série de problèmes, dont la résolution permet de former, comme chez l’homme, un facteur général d’intelligence. Mais est-ce bien là une question d’intelligence et pas seulement « d’apprentissage par association », c’est-à-dire par la simple réaction à un stimulus ? Il semble bien qu’il soit question d’intelligence, par exemple chez le corbeau calédonien, qui est capable de résoudre des problèmes dans un environnement nouveau et sans qu’il soit seulement question d’apprentissage par association[40]. Ensuite, les différences cognitives entre les espèces portent sur g, pas sur des formes d’intelligence spécialisée, ce qui pousse à croire que l’évolution de l’intelligence se fait par une sélection de g. De plus, les capacités cognitives les plus liées à g sont aussi les plus héritables. Et chez les humains, g est corrélé à différentes variables biologiques comme la vitesse de conduction nerveuse ou l’intégrité des faisceaux de matière blanche. En prenant tout cela en compte, il est difficile de considérer, comme Gould le fit, que g est un artefact statistique.
Gould fut un anti-adaptationniste forcené. C’est-à-dire qu’il ne voulait pas voir dans les caractéristiques biologiques de l’homme, notamment dans son intelligence, des adaptations à l’environnement, mais plutôt le fruit du hasard. Un important biologiste de l’évolution, John Maynard Smith, notait que Gould était perçu par les profanes comme un éminent théoricien de l’évolution, mais que ses confrères considéraient ses « idées si confuses qu’elles ne valaient pas la peine d’être discutées ». Il ajoutait « que cela n’aurait pas eu d’importance s’il ne donnait pas aux non-biologistes une vision erronée de la théorie de l’évolution ». Steven Pinker reproche aussi à Gould d’avoir des idées trompeuses et peu informées sur l’adaptationnisme, et de ne pas citer les chercheurs importants qui ont pu proposer des explications non-adaptationnistes à certains comportements tout en étant adaptationnistes de manière générale. Robert Wright, journaliste américain reconnu, a écrit un article intitulé « Homo deceptus : ne faites jamais confiance à Stephen Jay Gould[41] » dans lequel il nota toutes les malhonnêtetés de Gould, cette fois-ci à propos de l’évolution des différences sexuelles. Wright écrivit : « Gould a réussi à convaincre le public non seulement qu’il était un bon écrivain, mais aussi qu’il était un grand théoricien de l’évolution. Cependant, parmi les meilleurs biologistes de l’évolution, il est vu comme un nuisible – et pas un petit, mais un homme confus qui a tout fait pour déformer la vision que le public pouvait avoir du darwinisme. »
John Alcock, autre biologiste d’envergure, décrit la rhétorique de Gould comme hyperbolique, violente envers ses adversaires, et qui finit toujours par ignorer les données contradictoires. Edward Wilson le qualifiait de « charlatan » qui ne pensait qu’à sa réputation. Robert Trivers raconte que parmi les théoriciens de l’évolution qui connaissaient Gould personnellement beaucoup le considéraient comme un imposteur qui maniait bien les mots, mais, derrière, que tout était creux. En effet, même l’apport majeur à la paléontologie qu’on lui attribue n’est pas de lui, mais d’Ernst Mayr, dont Gould était l’assistant à Harvard. Il s’agit de l’équilibre ponctué, l’idée selon laquelle l’évolution des espèces peut se faire par à-coups rapides après de longues périodes de stagnation. L’idée fut d’ailleurs donnée la première fois par un Français, Pierre Trémaux, et on la retrouve timidement chez Darwin, probablement influencé par Trémaux[42]. Quoi qu’il en soit, quand Gould écrit sur l’équilibre ponctué, cela n’a rien de particulièrement révolutionnaire. Mais Goud s’appropria l’idée, et Lewontin, avec qui il a pu travailler, nota à quel point il l’exagéra, la caricatura, au point de la vider de sa substance, avec pour seul but de se mettre en avant.
Comme pour Boas, il est difficile de sous-estimer l’influence néfaste que Gould a pu avoir dans les champs, entre autres, de la recherche sur l’intelligence humaine. En 2018, une quinzaine de chercheurs notaient l’existence d’un effet Gould[43].

Graphique illustrant l’effet Gould. En ordonnée : la fréquence des publications. En tireté : celle qui traitent du racisme et du QI ou de l’intelligence. En noir : la fréquence des publications qui traitent de l’héritabilité de l’intelligence.

Entre 1965 et 2000, l’association des mots racisme ou raciste avec les mots intelligence ou QI a augmenté (ligne en pointillé sur le schéma ci-dessus), ce qui n’est pas surprenant eu égard aux controverses grandissantes qui entourent la recherche sur l’intelligence. Cependant, les phrases qui lient les mots héritable ou héritabilité aux mots intelligence ou QI ont augmenté aussi (ligne en noir), mais seulement jusqu’en 1984, puis ont diminué. Les auteurs notent que cette corrélation devient négative « trois ans après la publication de la première édition de la Mal-Mesure de l’homme, dans laquelle la recherche sur l’intelligence est condamnée parce qu’elle serait raciste et élitiste ». Cette « controversialisation » de ce champ de la recherche aurait poussé les chercheurs à s’auto-censurer. Si Gould n’est pas le seul à avoir participé à cette campagne massive de dénigrement, les auteurs notent « qu’aucun autre intellectuel n’a autant fait pour polariser l’opinion publique à propos de données scientifiques en les présentant de manière malhonnête et en les déformant systématiquement ».

Lewontin, l’antiscience pour le peuple
Comme Gould, Richard Lewontin fit partie de l’organisation « La science pour le peuple » (Science for the people), composée de marxistes versés dans l’antiracisme et le féminisme. Il a coécrit avec Steven Rose et Leon Kamin Not in Our Genes [Nous ne sommes pas programmés][44], qui fut publié en 1984. Le titre est explicite, comme celui de l’ouvrage de Richard Lerner, qu’il a préfacé en 1992 : Final Solutions: Biology, Prejudice, and Genocide [Solutions finales : biologie, préjugé et génocide][45]. C’est un ouvrage qui rejette les sciences de l’homme informées par la biologie et la génétique. Ce rejet est justifié par les liens plus ou moins directs que ces sciences entretiendraient avec le racisme et l’antisémitisme. Lerner prétendit pouvoir dégager la chaîne causale suivante : darwinisme → déterminisme génétique → légitimation de la hiérarchie sociale comme impératif biologique → dénigrement des individus en bas de l’échelle sociale en raison de leur génotype prétendument inférieur → eugénisme → extermination. Un deuxième prétexte est invoqué pour rejeter toute étude qui lie la génétique avec le comportement humain : les interactions entre les gènes et l’environnement seraient trop complexes pour être analysées. En fait, Lerner comme Lewontin ont condamné la génétique comportementale, l’éthologie humaine et la sociobiologie par principe. Ils s’inscrivent, comme Boas et Gould, dans une démarche hypercritique dès qu’il s’agit de comprendre le comportement humain.
Dans l’Encyclopédie des sciences évolutionnaires et psychologiques, à l’entrée « Controverses autour de la psychologie évolutionniste[46] », nous trouvons des paragraphes intéressants sur ces critiques radicaux des sciences de l’évolution. Gould, Lewontin et aujourd’hui Massimo Pigliucci, peut-on lire, n’ont jamais éprouvé le besoin de critiquer les sciences sociales dans leurs productions les plus faibles, qu’elles relèvent de la sociologie ou des sciences politiques. Pour des raisons qu’ils n’ont jamais explicitées, seule la psychologie évolutionniste est soumise à une charge de la preuve extraordinaire, c’est-à-dire une obligation pour les chercheurs dans ce domaine à justifier leurs propos avec les méthodes les plus rigoureuses qui soient. À l’inverse, dans les sciences sociales, le rejet de la biologie comme facteur explicatif n’a pas besoin d’être justifié. Pourquoi ? L’explication la plus plausible est évidemment que ces critiques ont une sympathie prononcée pour les idées politiques de gauche. Si c’est explicite pour Gould et Lewontin, qui n’ont jamais caché leur orientation marxiste et antiraciste, rien n’est avoué pour Pigliucci. Mais sa sympathie pour Gould et Lewontin est évidemment suspecte. Alors, pourquoi la gauche est-elle si hostile à l’explication du comportement humain par la génétique ? Parce que la gauche est l’expression idéologique de l’utopie égalitaire. En montrant l’héritabilité du caractère et de l’intelligence, qui déterminent en partie la hiérarchie sociale, la génétique comportementale et les sciences associées font de l’ombre à tout projet politique qui vise à remodeler la société.
Prises dans leur ensemble, ces critiques radicales de la biologie et de la psychologie de l’évolution n’ont pas pour projet de faire avancer la science, mais de la retarder ou de la pervertir. Dans le même temps, tout est fait pour protéger les théories du comportement humain que la gauche affectionne. La manœuvre est toujours la même : 1) affirmer qu’il est impossible de déterminer la part génétique ou le rôle de l’évolution dans l’apparition d’un caractère ; 2) présenter une hypothèse environnementale, qui serait nécessairement supérieure à l’hypothèse génétique, avec des données faibles, souvent discréditées depuis longtemps. Par exemple, dans Nous ne sommes pas programmés, Lewontin et ses confrères affirment que « les bonnes performances aux épreuves de QI sont simplement le reflet d’un certain type d’environnement familial ». Pourtant, des années avant la publication de l’ouvrage en 1984, l’on savait déjà que l’environnement familial ne jouait aucun rôle dans la variance aux épreuves de QI chez les adultes, et que les facteurs génétiques en expliquaient 70 à 80%[47]. Il s’agit donc d’un pur mensonge de Lewontin, une manifestation parfaite de néo-lyssenkisme.
À ce propos, le Carrefour de l’Horloge a écrit : « Maître de la biologie soviétique sous Staline et Khrouchtchev, Lyssenko combattit la génétique, en montrant que ses enseignements sont contraires au marxisme. Selon son analyse, la science progressiste appelle à la transformation de la société et s’oppose à la science réactionnaire – bourgeoise, fasciste, nazie –, qui justifie le conservatisme et l’inégalité. Ceux qui s’attaquent aux théories jugées par eux réactionnaires, et dénoncent les auteurs qui soutiennent celles-ci dans les divers domaines de la science, sont fidèles à l’inspiration de Lyssenko, à défaut de s’attacher à la lettre de sa pensée[48]. »
Le Carrefour de l’Horloge remet un prix parodique, le prix Lyssenko, dont le généticien français Albert Jacquard a été le premier récipiendaire en 1990. On peut lire ceci dans le discours de la remise du prix : « Albert Jacquard a diffusé dans notre pays les raisonnements biaisés du scientifique américain Richard Lewontin. Celui-ci, pour contester la pertinence des classifications raciales, fait ressortir que la variation génétique est plus importante à l’intérieur de n’importe quelle population qu’entre celle-ci et toute autre. On pourrait aussi bien, sur cette base, refuser l’existence des espèces, puisque, par exemple, le système sanguin ABO se retrouve chez les chimpanzés. On pourrait encore nier la différence des sexes. » C’est en effet là l’un des plus grands méfaits de Lewontin. Il a diffusé ce sophisme qui prétend démontrer l’inexistence des races, et qui est répété encore aujourd’hui ad nauseam par des gens bien naïfs ou peu scrupuleux. Cette remarque de Lewontin sur la façon dont se répartit la diversité génétique humaine, bien qu’elle fût vraie sur le plan statistique, ne disait rien de taxinomique[49]. En 2003, un grand biologiste, Anthony Edwards, le fit remarquer[50]. Nous lui devons le terme de « sophisme de Lewontin ». Par ailleurs, on peut s’étonner que Luigi Luca Cavalli-Sforza n’ait pas relevé ce sophisme, mais il semble que la prudence l’ait emporté. Cavalli-Sforza, du jour au lendemain, sans raison apparente, se mit à parler non plus de races mais de populations. Il reprit même à son compte le sophisme de Lewontin. Cependant, en 2006, dans un entretien, il put déclarer : « Edwards et Lewontin ont tous les deux raisons. Lewontin a dit que la part de la variabilité génétique était très faible entre les populations humaines […]. Il a en effet été démontré plus tard qu’elle était l’une des plus petites chez les mammifères. Lewontin espérait probablement, pour des raisons politiques, qu’elle soit ridiculement petite […]. En substance, Edwards a répondu qu’elle n’était pas ridiculement petite, parce qu’elle était suffisante pour reconstituer l’arbre évolutionnaire humain, comme nous l’avons fait, et il a évidemment raison[51] ». Ce fut un aveu à demi-mot.
David Reich, spécialiste de l’ADN fossile, a écrit sur la postérité du sophisme de Lewontin et sa grande valeur instrumentale pour les antiracistes : « Quand nous [les généticiens] sommes interrogés sur l’existence de différences biologiques entre les populations humaines, nous tendons à embrouiller l’auditoire, à faire des déclarations mathématiques dans l’esprit de Richard Lewontin, comme celle qui consiste à dire que la différence moyenne entre les individus à l’intérieur d’une même population est six fois plus grande plus que la différence moyenne entre ces populations. […]. Mais cette formulation prudente masque délibérément la possibilité de différences moyennes substantielles entre les populations[52]. »
Robert Trivers, que nous avons déjà rencontré à propos de Gould, nous éclaire sur les motivations de Lewontin à affirmer des choses qui dépassent de beaucoup ce que les données permettent de dire : « L’histoire de Lewontin est celle d’un homme avec de grands talents, qui les gâche par idiotie, narcissisme, arrogance, une pensée politique superficielle et des ruminations philosophiques […]. Pendant des années, il dirigea avec succès un laboratoire, et il récoltait facilement des fonds de recherche, aussi beaucoup de généticiens américains ont-ils un souvenir naïf du temps passé avec lui comme étudiant à Harvard. Mais en tant que penseur de l’évolution, et encore plus en tant que généticien, au-delà de son travail sur le déséquilibre de liaison, il n’a pas montré grand-chose et les meilleurs de ses anciens étudiants ont admis qu’il n’avait rien fait de notable pendant plus de 20 ans. Par ailleurs, Lewontin ment ouvertement, il l’a reconnu. En effet, il admet, au moins en privé, que certaines de ses affirmations sont des inventions, mais il dit aussi que le combat est idéologique, que ses adversaires mentent, alors lui aussi[53]. »

Les critiques internes à la psychologie évolutionniste
Même débarrassée des critiques qui veulent la détruire, la psychologie évolutionniste n’est pas exempte de biais qui sont très probablement issus d’une sensibilité antiraciste. Le modèle de référence de la psychologie évolutionniste est celui de John Tooby et Leda Cosmides, dont nous allons souligner ce qui nous apparaît être des points faibles.
Premièrement, nous ne pensons pas, contrairement à Tooby et Cosmides, que les différences individuelles ne sont pas le fruit d’adaptations. Nous pensons qu’elles sont significatives d’un point de vue évolutionnaire. Deux psychologues évolutionnistes remarquables, Philippe Rushton et Aurelio Figueredo, ont défendu ce point de vue à l’aide de la théorie des histoires de vie[54]. Celle-ci se fonde sur l’idée que les organismes vivants sont perpétuellement face à un dilemme, face à la nécessité d’un compromis sur la manière d’utiliser leurs ressources énergétiques afin d’optimiser leur valeur sélective, et ce en fonction de la dureté et de l’imprévisibilité de l’environnement. Les organismes qui vivent ou ont évolué dans des environnements où la mortalité est importante ou aléatoire tendent à remplacer leur progéniture disparue (effort d’accouplement) au prix du sacrifice de l’investissement dans leur progéniture (effort parental), dans le maintien de leur condition (effort somatique) et dans la valeur sélective altruiste (effort communautaire). À l’inverse, les environnements avec une mortalité faible ou prévisible[55] favorisent de hauts niveaux d’efforts parentaux, somatiques et communautaires. Les stratégies d’histoire de vie rapide se caractérisent par un mauvais état de santé générale, une vie sociale limitée, une tendance à prendre des risques et à la promiscuité, une capacité d’attachement moindre, des fonctions exécutives affaiblies, et, concomitamment, des difficultés à planifier et à maîtriser ses impulsions. À l’inverse, les individus se trouvant du côté lent du spectre sont en meilleure santé, socialement plus doués, plus altruistes, sexuellement et comportementalement plus inhibés, prosociaux (besoin fort d’attachement), orientés vers le futur, etc. Notons que si l’idée que l’on puisse placer les individus sur ce spectre allant de la vie lente à la vie rapide connait un certain succès depuis plusieurs années, le silence – notamment depuis la mort de Philippe Rushton – est presque total quand il s’agit d’y placer des peuples et des races.
Michael Woodley of Menie est allé plus loin en affirmant que la présence de nombreuses niches socioculturelles (métiers, rôles sociaux…), créées par l’existence des variations individuelles dans le caractère et les formes d’intelligence spécialisées – ce qui est une marque d’histoire de vie lente – augmentait les chances de succès des groupes qui rentraient en compétition. L’idée est qu’une meilleure division du travail, en plus de permettre une plus grande densité de population, donne un avantage important face aux autres groupes[56]. Kevin MacDonald y a ajouté le concept de sélection culturelle de groupe, selon lequel certaines variations individuelles permettent de préserver l’intégrité culturelle des groupes en réprimant les comportements des passagers clandestins, et ainsi d’assurer la cohésion et la domination d’un groupe sur les autres.
Le deuxième problème du modèle dominant de la psychologie évolutionniste vient de la notion d’environnement de l’adaptation évolutive, c’est-à-dire l’endroit où l’être humain aurait connu l’essentiel de son évolution. C’est un concept qui ne fait pas référence à une zone géographique précise. Nous y voyons au moins deux insuffisances : 1) il se fonde sur l’idée que l’homme « moderne » est sorti d’Afrique il y a 60 ou 50.000 ans, après des centaines de milliers d’années d’adaptation à l’environnement africain ; 2) il sous-estime les évolutions récentes qui ont pu avoir lieu depuis le néolithique. Prenons le temps de les analyser.

L’homme « moderne » vient-il réellement d’Afrique ?
Le modèle dominant de la sortie d’Afrique d’homo sapiens est né dans les années 1970 sous la plume d’un anthropologue allemand, Reiner Protsch, qui, après s’être inventé des origines aristocratiques, se fit appeler Protsch von Zieten. Son deuxième doctorat était tout aussi faux que sa particule et, entre autres méfaits, il apparut que toute sa carrière fut faite au gré de fraudes et de plagiats[57]. Protsch faussait en effet la datation des restes qu’il étudiait pour leur donner plusieurs dizaines de milliers d’années alors qu’ils n’en avaient que quelques milliers voire quelques centaines seulement[58].
En 1987, l’idée d’une « Ève mitochondriale » africaine vit le jour et donna un vernis génétique à la théorie de la sortie d’Afrique de l’homme moderne. Selon elle, les hommes modernes forment une nouvelle espèce qui serait apparue en Afrique il y a 150 ou 200 mille ans. C’est l’ADN mitochondrial, qui se transmet par la mère, qui sert de fondement à cette estimation parce qu’il ne se recombine pas et ne serait pas adaptatif. Aussi, chaque nouvelle mutation ferait avancer l’aguille d’une « horloge moléculaire » qui permettrait d’estimer le temps passé entre ces deux génomes. Commence alors une confrontation entre l’approche paléontologique – soutenue principalement par Milford Wolpoff et qui aboutit vers une origine multirégionale de l’homme moderne[59] – avec l’approche moléculaire.
La théorie de l’Ève africaine permet de faire des prédictions vérifiables grâce à la paléontologie. Notamment, là où l’on trouve homo sapiens hors d’Afrique, les fossiles devraient montrer une similarité avec leurs prétendus ancêtres africains plutôt qu’avec les hommes robustes et archaïques qui vivaient déjà là. On devrait aussi noter une rupture anatomique entre les « anciens » et les « modernes ». La théorie de l’Ève africaine implique aussi une spéciation en Afrique, qui aurait dû rendre toute hybridation avec d’autres espèces humaines impossible. La réfutation de ce dernier point est désormais bien connue. Il a été montré qu’homo sapiens, en Eurasie, s’était mélangé avec l’homme de Néandertal. Les caucasoïdes et les mongoloïdes portent en moyenne 1 à 2% du génome de Néandertal, mais ce ne sont pas les mêmes gènes néandertaliens que l’on retrouve dans toutes les populations et chez tous les individus ; aussi, ce serait jusqu’à 30% du génome de Néandertal qui existerait dans l’homme moderne[60].
L’on fait dire beaucoup de choses à la génétique, parfois de manière un peu hasardeuse. Par exemple, les partisans de l’Ève africaine ont cru pouvoir retrouver dans l’ADN mitochondrial l’arbre évolutif de l’espèce humaine et le faire remonter en Afrique. Or, il a été montré qu’ils avaient sélectionné un de ces arbres parmi… 10267 autres possibles ! Et qu’il y en avait au moins 10.000 plus simples. L’horloge moléculaire qui vise à estimer le temps passé depuis la prétendue sortie d’Afrique part du principe que les mutations de l’ADN mitochondrial sont neutres et se font à fréquence constante, ce qui est loin d’être démontré[61]. Aussi, on a pu donner à Ève un âge allant de 17.000 à 889.000 ans. Quand on cherche à estimer des durées avec l’ADN nucléaire, en particulier avec l’ADN du chromosome Y, qui ne se recombine pas, les résultats sont tout aussi changeants et ne peuvent donc pas être pris au sérieux. L’argument génétique le plus fort pour la sortie d’Afrique est alors qu’on y trouverait la plus grande diversité génétique, et que le reste du monde n’en serait porteur que d’une fraction. Les coefficients de diversité génétique sont cependant les mêmes en Afrique et en Asie (0,0046), et celui de l’Europe est à peine plus petit (0,0044). Quoi qu’il en soit, l’argument est spécieux : en Afrique, les populations fermières ont une plus grande diversité génétique que les populations de chasseurs-cueilleurs ; pourtant, on n’en déduit pas que les derniers sont issus des premiers.
Si l’on revient aux fossiles, il apparaît que les prévisions de la théorie d’un remplacement des populations locales en Eurasie par une nouvelle espèce africaine ne se confirment pas. En Europe, maintenant que les fausses datations de Protsch ont été corrigées, on ne retrouve pas de fossiles anatomiquement modernes de plus de 28.000 ans. Les squelettes trouvés à Cro-Magnon, qu’on présente comme des archétypes d’hommes modernes, conservent en réalité de nombreux traits robuste et néandertaloïdes. En anthropologie physique, sont considérés robustes les individus les plus musculeux, aux os les plus épais. Les individus les moins robustes sont dits graciles.

La gracilisation en Europe à la fin du pléistocène (en abscisse : durée depuis le temps présent).

C’est en fait le cas des centaines de squelettes de la fin du pléistocène que l’on retrouve à travers toute l’Eurasie, et qui présentent des formes transitionnelles de la robustesse vers la gracilité, c’est-à-dire vers un homme « moderne ». On ne trouve ni rupture, ni traits africains. En Afrique, les données paléoanthropologiques dessinent le même schéma qu’en Europe, c’est-à-dire une transition graduelle des anciens vers les modernes. L’homme de Kibish, découvert en Éthiopie, qu’on présente parmi les plus vieux homo sapiens, a des traits graciles, mais aussi remarquablement archaïques. L’homme de Dali, en Chine, a des traits robustes mais aussi graciles, à la fois d’homo erectus et d’homo sapiens, et l’on a estimé sa naissance à plus de 295.000 ans.
L’archéologie et l’art rupestre sont également intéressants pour montrer que l’hypothèse de l’arrivée d’une nouvelle espèce venue d’Afrique tient difficilement la route. En effet, leur étude ne montre aucune corrélation spatiale et temporelle entre la prétendue arrivée des graciles africains et la maîtrises de nouvelles technologies, qui marquerait une certaine modernité comportementale. Il s’avère que l’homme de Néandertal était presque aussi doué qu’homo sapiens. La génétique, en montrant que les robustes et les modernes ont pu se mélanger sans difficulté, laisse entendre qu’homo sapiens, comme l’homme de Néandertal ou celui de Denisova, appartiennent en fait à la même espèce. Pourtant, les partisans de la sortie d’Afrique de l’homme moderne, cette fois, rejettent les conclusions de la génétique.
Nous retrouvons ici Gould, qui ne nous avait pas manqué, et qui écrivit ceci en 1988, après la publication de la thèse de l’Ève africaine : « L’unité de l’humanité n’est pas une formule creuse… Tous les hommes modernes sont physiquement unis par une origine africaine récente. » Nous voyons bien là ce qui peut séduire dans cette thèse. Nous voyons donc aussi ce à quoi peut être assimilée la thèse de l’origine multirégionale de l’homme moderne, et pourquoi il peut être difficile, socialement, de la défendre.
C’est par ailleurs là l’une des raisons qui firent que Gould fut tant attaché à la théorie de l’équilibre ponctué, qui s’appliquait alors pour la première fois au genre homo. Il y avait ici pour lui une preuve flagrante que l’évolution agissait par bonds et non par gradation[62].
Le préhistorien australien Robert Bednarik a publié La Domestication de l’homme en 2020. Dans cet ouvrage, il compile les données paléontologiques et archéologiques, nombreuses, qui pointent assez clairement vers une origine multirégionale de l’homme moderne. Il propose aussi une hypothèse originale qui explique la gracilisation de l’homme comme elle résout le paradoxe de Keller et Miller, ainsi que le paradoxe selon lequel, alors que la demande cognitive a augmenté depuis 40 ou 50.000 ans, notre volume crânien s’est graduellement réduit. C’est l’hypothèse de l’auto-domestication de l’humanité, phénomène bien connu, mais qui n’avait jamais été exploré aussi loin. Bednarik estime que sa cause la plus probable est la sélection sexuelle par l’homme des traits néoténiques chez la femme. À la suite de cela, on retrouverait chez l’être humain les caractéristiques typiques de la domestication, comme la perte de robustesse, la disparition des chaleurs et la diminution de la taille du crâne – celle-ci est loin d’être entièrement expliquée par la diminution de l’effort somatique qu’implique la gracilisation.

Atrophie du volume cérébral ces 40.000 dernières années comparée à la demande cognitive qui augmente pendant la même période.

Le paradoxe de Keller et Miller est le constat selon lequel la sélection naturelle n’a pas évacué, chez l’homme moderne, les troubles mentaux qui pourtant lui sont nocifs. Bednarik, non convaincu par les explications habituellement données[63], propose qu’ils résultent de ce phénomène d’autodomestication. Des mutations aux effets multiples auraient été sélectionnées, nous rendant notamment plus dociles, mais nous prédisposants, dans le même temps, à certains troubles mentaux. En effet, les gènes sont souvent pléiotropiques, c’est-à-dire qu’ils modifient plusieurs traits à la fois. Par exemple, quand la docilité est sélectionnée chez un animal, on voit apparaître des changements physiques qui, eux, n’ont pas été volontairement sélectionnés.
Quant au paradoxe de la réduction de la taille du cerveau, Bednarik pense le résoudre par l’existence des exogrammes, c’est-à-dire des symboles qui procéderaient à l’externalisation de la mémoire. En effet, la taille du cerveau commence à se réduire à un moment où l’art rupestre se développe substantiellement.

L’explosion des 10.000 ans
Le deuxième point noir de la psychologie évolutionniste que nous aimerions évoquer se rapporte aussi à ce concept d’environnement de l’adaptation évolutive. Nous venons de le voir, l’espèce humaine s’est « modernisée » dans les quatre continents (Europe, Asie, Afrique, Australie), ce qui limite déjà largement la portée dudit concept. Nous aimerions maintenant insister sur l’évolution récente, précisément celle qui commence à partir du néolithique, et qui est largement ignorée par Tooby et Cosmides. Le développement de l’agriculture, l’explosion démographique, la densité urbaine et les nouvelles organisations sociales ont créé de nouvelles niches évolutives, accélérant l’évolution de l’humanité[64]. Le premier constat moléculaire fut fait en 2007 par John Hawks[65], et a donné lieu à un ouvrage cosigné en 2009 par Henry Harpending et Gregory Cochran, The 10,000 Year Explosion [L’explosion des 10.000 ans][66]. Michael Woodley of Menie en donne la synthèse suivante : « Des changements culturels radicaux induisent des changements génétiques radicaux ; l’augmentation de la fréquence de certains allèles permet à leurs porteurs de s’adapter à de nouvelles cultures. Par exemple, l’arrivée de l’agriculture sédentaire a permis, par le biais de la sélection naturelle, d’augmenter rapidement la résistance aux maladies qui touchaient ces populations en pleine croissance, parce qu’elles ne pouvaient plus simplement quitter les zones où se déclaraient les épidémies. L’agriculture a aussi permis le développement de sociétés plus complexes et hiérarchisées, dans lesquelles le succès reproductif s’est lié à la capacité à maîtriser des ressources qui demandait une certaine intelligence générale ; et ces populations en pleine expansion, grâce à l’agriculture, ont pu produire plus de mutations génétiques, dont celles qui ont augmenté l’intelligence[67]. »
Pour une période plus récente, les travaux de Gregory Clark, historien et, de fait, sociobiologiste, éclairent l’évolution des traits de caractère. Dans A Farewell to Alms: A Brief Economic History of the World [Adieu aux aumônes : brève histoire économique du monde] publié en 2007[68], il documente minutieusement la façon dont les mille dernières années d’histoire de la démographie britannique s’articulent autour de la « survie du plus riche. » Autrement dit, plus haut était le statut social et économique, plus haute était la fécondité et plus basse était la mortalité infantile. Cela a eu pour conséquence l’augmentation dans la population de la fréquence des allèles de la conscienciosité et de l’intelligence, et ce par le biais d’une mobilité sociale descendante – c’est-à-dire par le remplacement progressif de la vieille paysannerie par une nouvelle classe sociale plus aisée. Cette tendance eugénique a ouvert la voie à la révolution industrielle, puis s’est inversée, au moins pour l’intelligence[69].

L’anthropologie judiciaire et ses contradictions
Revenons concrètement à l’influence de l’antiracisme et, pour ce faire, prenons le cas de l’anthropologie légale. Elle est traversée depuis quelques années par un débat lancé par les tenants de la théorie critique de la race, c’est-à-dire des cosmopolites qui considèrent que les races n’existent pas d’un point de vue biologique, mais que les représentations que l’on s’en fait conduisent à des discriminations qui seraient, elles, à l’origine des inégalités raciales.
Durant l’été 2020, peu de temps après la mort de George Floyd[70], deux anthropologues ont écrit au journal officiel de l’Académie américaine des sciences médico-légales[71]. Ils reprochaient à l’anthropologie judiciaire de continuer à utiliser des méthodes héritées de l’anthropologie raciale des XIXe et XXe siècles. Bien que le terme de race ait commencé à être remplacé par celui d’origine (ancestry) à partir de 1992, à la suite des recommandations d’un anthropologue américain, Norman Sauer, les deux auteurs déploraient que rien, au fond, n’avait changé. L’on distingue dans leur lettre deux critiques principales.
La première serait l’imprécision des données morphométriques dans la distinction des races. Par exemple, si la dépression post-bregmatique[72] est plus fréquente chez les individus de race congoïde, on est loin de la retrouver systématiquement chez tous les individus. Mais que vaut cet argument ? Un philosophe des sciences, Neven Sesardić, s’est penché sur la question et a noté un paradoxe : les anthropologues médico-légaux aiment à déclarer au grand public que les races n’existent pas, mais, pourtant, en pratique, leur métier consiste précisément à les déterminer[73]. En 1992, Norman Sauer écrivait même un article intitulé : « Si les races n’existent pas, pourquoi les anthropologues arrivent-ils si bien à les déterminer ? ». Dans cet article, il expliquait qu’une série de données morphométriques et un algorithme suffisaient à déterminer la race d’un individu ; et, si cela ne suffisait pas, c’était généralement parce qu’il s’agissait d’un métis ou que le squelette était incomplet. Neven Sesardić notait que la littérature scientifique était nourrie sur la question. Il suffit d’un peu plus d’une douzaine de variables pour estimer la race d’un individu avec 99% de chances de réussite.
La deuxième critique contenue dans la lettre consiste à dire que la détermination de l’origine raciale par les anthropologues pourrait entraver le déroulement des enquêtes. Cette affirmation ne repose pas sur des données empiriques, mais une intuition, nourrie par le syndrome de la femme blanche disparue. Cette expression vient du fait que les media anglo-américains tendraient à insister sur les disparitions des femmes blanches plutôt que celles des femmes noires ou hispaniques. En conclusion, les auteurs souhaitent que l’origine des victimes cesse d’être donnée par les médecins légistes. C’est évidemment grotesque, la race de la victime, comme sa taille, son âge ou son sexe, sont des informations importantes pour l’identifier et donc élucider un crime.
Le 19 octobre 2021, le New York Times revenait sur ce débat dans un article intitulé « Les squelettes peuvent-ils avoir une identité raciale ?[74] ». Dans cet article, entièrement complaisant envers les théoriciens critiques de la race, on pouvait lire : « Le docteur Elizabeth DiGangi s’inquiète que ces estimations [de l’origine des victimes] puissent suggérer à la police que la race soit une réalité biologique […]. « Quand je dis à la police que j’ai pris des mesures, que j’ai regardé ces choses sur le crâne et que j’en ai déduit que la personne était afro-américaine, évidemment qu’ils vont penser que c’est biologique. Pourquoi ne le penseraient-ils pas ?” » Mais DiGangi ne dit pas quelle autre conclusion l’on devrait en tirer… La porte de sortie des théoriciens critiques de la race en anthropologie légale est compliquée, puisque leur postulat ressemble à peu près à cela : les races biologiques n’existent pas, mais il y a bien une réalité biologique aux races sociales…
L’article du New York Times évoque aussi les idées d’une anthropologue américaine, Ann Ross, qui souhaiterait que le terme d’origine, qui n’est qu’un euphémisme pour race, fût remplacé par celui « d’affinité avec telle ou telle population ». C’est plus précis, certes, mais, dans la plupart des cas, trop précis pour être fonctionnel. Nous n’y voyons pas autre chose que des œillères volontaires ; une tentative d’évacuer une réalité trop dérangeante. DiGangi a par ailleurs des mots très révélateurs : « Ce n’est pas parce qu’on peut estimer l’origine d’un individu qu’on doit le faire. »

Jugements de fait et jugements de valeur
Cette réflexion de DiGangi fait écho à un débat plus général qui fait régulièrement l’objet de publications depuis les années 1970 : doit-on interdire la recherche sur les différences raciales ? Les partisans de la censure pensent que la publication de données qui étaieraient l’ampleur ou l’origine génétique des différences raciales aurait très probablement des conséquences délétères pour la société. Autrement dit, la connaissance scientifique ne serait pas toujours tolérable. Certains ne recommandent pas l’interdiction pure et simple de ce genre de recherche, mais proposent que le niveau de preuve soit plus élevé – c’est, nous l’avons vu, la technique de Gould, Kamin et Lewontin – ; d’autres recommandent qu’une instance de contrôle décide de ce qui puisse être publié. Dans tous les cas, il y une volonté manifeste de la part de scientifiques et de philosophes d’étouffer le débat[75].Des universitaires se sont dressés contre ces arguments, qu’ils jugent problématiques et contre-productifs. Un problème courant dans l’argumentaire des censeurs est que les jugements de fait se retrouvent confondus avec des jugements de valeur. Autrement dit, les faits sont tenus en otage par des conceptions qu’ils jugent immorales. Avec cette façon de penser, dire qu’il y a des différences raciales dans l’intelligence est une proposition raciste. C’est une position dangereuse pour les tenants de ce paralogisme, car, s’il s’avère qu’il existe bien de telles différences, alors le racisme deviendrait juste et bon.
Deuxièmement, l’idéologie de la table rase, celle qui nie la génétique dans le façonnement de l’identité individuelle, a été la mère de politiques odieuses et criminelles. L’ascension de Lyssenko, protégé de Staline, s’est accompagnée de l’emprisonnement et de la mise au Goulag des scientifiques qui défendaient la génétique mendélienne. Pour Lyssenko, nous l’avons vu, cette génétique, la génétique, était fasciste et incompatible avec le communisme. Lénine souscrivit à l’idéal de Nikolaï Boukharine qui consistait à « fabriquer l’homme communiste à partir du matériel humain de l’ère capitaliste ». L’admirateur de Lénine, Maxime Gorki, écrivit : « Les classes ouvrières sont pour Lénine ce que les minéraux sont pour le métallurgiste » ; et tandis qu’il admirait un canal construit par des esclaves, il nota que « la matière première humaine [était] incommensurablement plus difficile à travailler que le bois. » Nous retrouvons la métaphore de la table rase dans les écrits d’un homme responsable de soixante-cinq millions de morts, Mao Tsé Toung : « Une feuille blanche n’a pas de taches, et l’on peut donc y écrire les mots les plus beaux et les plus nouveaux. » Aussi, c’est bien clair, il est débile d’affirmer que l’étude de la génétique du comportement mène à des horreurs collectivistes, puisqu’on peut produire l’argument exactement inverse.
D’un point de vue utilitariste, nous pouvons même noter l’intérêt qu’il y aurait à mettre en lumière la question raciale. Dans le domaine médical, par exemple, où ces dernières années, 10% des nouvelles molécules mises sur le marché avaient des effets différents en fonction de la race[76]. En ce qui concerne l’efficacité des politiques publiques, Nathan Cofnas note un fait intéressant : « Il y a plusieurs dizaines d’années de cela, Jensen fut attaqué pour avoir prédit que le programme Head Start [aux États-Unis], fondé sur l’idée environnementaliste que des interventions précoces peuvent augmenter durablement l’intelligence et les performances scolaires, n’aurait pas les effets attendus. Dans La Courbe en cloche, les héréditaristes Herrnstein et Murray montrèrent avec des données convaincantes que Head Start ne marchait pas. En 2012, un rapport commandé par le Congrès et réalisé par le Département de la Santé et des Services sociaux des États-Unis déclara que les effets se dissipait dès le CE2 – et donc que le programme ne marchait pas. Bien entendu, il n’était pas question de donner raison à l’héréditarisme ou de mettre fin au programme ; il fut plutôt suggéré que Head Start avait des effets bénéfiques, mais pour l’instant qu’ils étaient indétectables. Quoi qu’il en fût, le gouvernement américain continua à financer le projet à coup de centaine de millions de dollars. Si nous avions suivi les recommandations de Jensen de 1969, à savoir financer des programmes d’éducation pensé selon les forces et les faiblesses de chaque groupe plutôt que de financer Head Start, 200 milliards de dollars auraient été économisés[77] […]. »
À ces arguments utilitaristes, nous pouvons évidemment ajouter les conséquences des politiques migratoires, qui sont pensées par des gens qui croient l’homme malléable et remplaçable. Les natifs des pays occidentaux portent le poids fiscal d’une immigration qui ne donne pas une contribution nette, et ces mêmes natifs subissent l’insécurité et l’insalubrité qui résultent de l’immigration. Paradoxalement, en Europe de l’ouest, si l’immigration a de manière générale des conséquences négatives pour les pays d’accueil, elle a en a aussi pour les pays d’où viennent les immigrés : dans leur pays d’origine, les immigrés font partie de la frange cognitive supérieure, mais, dans leurs pays d’accueil ils font partie de la frange cognitive inférieure[78].
De toute façon, la vérité nous semble bonne pour elle-même. Mais elle a aussi une valeur instrumentale. En 2007, Peter Singer écrivait que « […] ne pas poursuivre de recherches dans ce domaine [des différences raciales en intelligence] reviendrait à dire qu’il faudrait se fermer à toute enquête honnête sur les causes des inégalités de revenu, d’éducation et de santé entre des individus de races ou d’ethnies différentes. Lorsqu’on fait face à un tel problème de société, préférer l’ignorance à la connaissance est une position difficile à défendre[79]. »
Une autre raison fondamentale de défendre ce type de recherche relève de la justice. Si le racisme est considéré comme la cause à tort des disparités économiques et sociales entre les races, alors on blâmera injustement les racistes, qui n’y sont en réalité pour rien. Si le racisme systémique est l’explication favorite, alors les coupables seront les Occidentaux, qui n’auraient pas tout fait pour mettre fin à ce prétendu état d’oppression systémique[80].

Que pensent réellement les chercheurs ?
Nous l’avons vu précédemment, d’éminents scientifiques se sont déjà dressés contre les sophismes des antiracistes. Et nous avions noté dans une précédente vidéo qu’il n’y avait pas, en Occident, de consensus parmi les anthropologues et les biologistes quant à l’existence des races humaines[81]. Le terme de race étant l’objet de polémiques, il est intéressant de voir ce qu’il advient quand une question relative aux différences cognitives et comportementales entre les populations est posée. En 2022, un sondage demanda à des biologistes, des psychologues et des anthropologues, tous versés dans la théorie de l’évolution, la question suivante : « Y a-t-il des différences psychologiques et comportementales entre les populations qui résulteraient de différences dans leurs environnements et dans leurs écologies ancestrales[82] ? ». La grande majorité (74,4%) des 581 chercheurs sondés répondirent oui.

Pourcentage des chercheurs d’accord pour dire que les gènes contribuent aux différences psychologiques entre les groupes. Friedrichs (1973) : psychologues ; Snyderman & Rothman (1987) : psychologues, sociologues et généticiens du comportement ; von Hippel & Buss (2017) : psychologues sociaux ; Horowitz et al. (2019) : anthropologues ; Rinderman et al. (2020) : chercheurs en intelligence ; Kruger et al. (2022) : scientifiques évolutionnistes. Graphique de Noah Carl.

Pris dans leur ensemble, comme le montre le graphique ci-dessus, les sondages des chercheurs concernés par l’intelligence, que ce soit d’un point de vue psychométrique ou évolutionnaire, montrent une acceptation substantielle du rôle des gènes dans les différences entre les groupes humains[83].
Il ne faudrait cependant pas que ces chiffres donnassent l’impression que la question des différences raciales dans l’intelligence fût désormais discutée sans difficulté. En 2019, Noah Carl et Michael Woodley of Menie ont produit une analyse scientométrique des controverses dans le champ de recherche sur l’intelligence depuis les années 1950[84]. Ils notèrent quatre ères, à chaque fois concentrées autour d’un petit groupe de chercheurs qui furent à l’origine de la plupart des controverses : l’ère Arthur Jensen durant les années 1970, dans laquelle on retrouve Hans Eysenck et William Shockley ; l’ère Philippe Rushton de la fin des année 1980 au début des années 1990, dans laquelle on retrouve les controverses autour de La Courbe en cloche d’Herrnstein et Murray ; l’ère James Watson, au milieu des années 2000 ; l’ère Conférence de Londres sur l’Intelligence en 2018. En décembre 2022, Noah Carl mit à jour cette étude[85] et nota quatorze nouvelles controverses. Celles-ci, les anciennes comme les nouvelles, ont pu impliquer de la violence physique – au point que certains chercheurs, comme Philippe Rushton, eurent besoin d’une protection policière –, des intimidations, des pétitions, et surtout, des carrières brisées, avortées, et des renvois de l’université. Cette ambiance délétère pousse les chercheurs à ne pas s’aventurer dans des domaines trop controversés, et donc à faire stagner la science[86].

Peut-on faire confiance aux chercheurs ?
Gordon Gauchat, sociologue américain, a soutenu que les Américains de droite, depuis les années 1970, faisaient de moins en moins confiance à « la science ». Il s’est fondé sur des données solides, celles de l’Enquête sociale générale (ESG, General Social Survey). Celle-ci montrait qu’en 2010 les Américains de droite n’était que 38% à donner leur confiance à la science contre 50% des Américains de gauche. À la question de savoir pourquoi, deux réponses émergent dans la littérature sociologique : 1) la droite, par son attachement aux traditions, serait naturellement plus réticente aux explications scientifiques ; 2) la droite, par nature, n’est pas plus réticente aux explications scientifiques, mais serait contrariée par l’évolution des débats scientifiques (autour, par exemple, du climat ou, pour certains chrétiens, de l’évolution…).
Nous ne sommes pas convaincus par ces explications et pensons, comme Nathan Cofnas, qu’il s’agit en réalité d’une défiance à l’égard des scientifiques et non pas de la science en elle-même[87]. En effet, un premier bémol dans l’étude de Gauchat est qu’il ne se soucie pas de la méthode de l’ESG, qui consiste à lister des institutions scientifiques puis à demander le degré de confiance qu’on leur accorde. Il est aussi question de donner son avis sur la « communauté scientifique ». Tout cela ne revient pas à demander au sondé ce qu’il pense de la méthode scientifique. En ce sens, Cofnas note que le scepticisme de la droite envers les scientifiques n’est pas du tout homogène, et dépend des matières traitées : par exemple, si la climatologie n’a pas la faveur de la droite, la science des matériaux, elle, est bien mieux considérée par la droite que par la gauche. Il nous semble donc tout à fait convaincant qu’il soit bien en réalité question d’un rejet des scientifiques, et précisément quand ils donneraient l’impression de servir une cause politique de gauche.
Pour illustrer son propos, Cofnas cite des exemples édifiants de biais politiques de gauche dans les sciences sociales. Il commence par la fameuse étude Robert Putnam[88], ancien président de l’Association américaine des sciences politiques, à propos du délitement de la « confiance sociale » dans les communautés racialement hétérogènes des États-Unis. Putnam notait que l’effet de la diversité raciale sur la confiance interindividuelle était désastreux, même entre les individus de la même race. Les gens se dégageaient de la vie civique, votaient moins, donnaient moins aux œuvres de charité, perdaient confiance dans leur maire, etc. Particulièrement perturbé par ses trouvailles, Putnam admit qu’il retarda volontairement leur publication. Il attendait de trouver des données qui pouvaient les contredire. Mais ne trouvant rien, il se contenta d’une prédiction : tous les groupes ethniques et raciaux aux États-Unis finiront par se sentir appartenir à un même groupe, comme ont fini par le faire les immigrés blancs et occidentaux qui sont venus aux États-Unis autrefois.
Dans un amicus curiae[89] donné lors d’une affaire judiciaire aux États-Unis qui portait sur la légalité de la discrimination positive à l’université, on cita Putnam « dont les découvertes contredisaient les formes les plus naïves de l’hypothèse du contact ». Selon l’hypothèse du contact, la mixité sociale, ici raciale, permettrait d’améliorer l’entente entre deux groupes. Putnam répondit, mécontent qu’on l’eût cité partiellement, qu’il fallait le lire en entier. Mais que dit le reste de l’étude de Putnam ? Eh bien, il s’agit simplement de dire que si « […] l’augmentation de la diversité peut poser des problèmes dans le court terme, la société pourra en tirer des bénéfices à moyen et long terme ». Autrement dit, c’est une pétition de principe. Nous l’avons vu, Putnam ne sait pas si les nouveaux immigrés s’assimileront.
Dans cette même affaire, les associations américaines de sciences politiques, de sociologie et d’anthropologie sont intervenues pour dire que la littérature scientifique montrait que la diversité raciale, entre autres choses, favorisait l’engagement civique. Et l’étude de Putnam ne fut citée qu’en note de bas de page, accompagnée d’une critique de la méthode employée. Il n’est pas question pour nous de dire que l’étude en question est parfaite, mais que l’un des politologues occidentaux les plus éminents a longuement hésité à publier ses données parce qu’elles contredisaient le mantra cosmopolite selon lequel la diversité est une force. Par la suite, les citer a pu impliquer de prendre le risque d’être accusé de sélectionner les passages favorables. Enfin, certaines des plus grandes associations scientifiques du monde ont préféré ignorer ces données, pourtant issues d’un travail rigoureux et de haute volée, et ce pour des raisons évidemment politiques. Notons, enfin, que la méta-analyse la plus récente qui étudie l’influence de la diversité sur la « confiance sociale » confirme les travaux de Putnam[90].
Nous n’insisterons jamais trop sur le rôle néfaste de ces associations. En 2000, une association américaine de pédiatrie attesta devant le Congrès américain que pas moins de 3.500 études avaient examiné le lien qu’il pouvait y avoir entre l’exposition médiatique à la violence et la commission d’actes violents. L’association prétendit que toutes ces études, excepté dix-huit d’entre elles, dégageaient une corrélation positive. C’est là un sujet cher à la gauche, qui voudrait voir dans la violence un comportement acquis plutôt qu’inné. La même année, six associations de psychiatres et de médecins déclarèrent que plus de mille études confirmaient un lien fort et durable entre l’exposition à des images violentes et les comportements violents.
Par ces déclarations, ces associations mirent leur crédit en jeu, et le firent devant le Congrès américain. Or, il apparut qu’aucune d’entre elles n’avait conduit de revue de la littérature sur cette question. Un chercheur spécialiste des media, Jonathan Freedman, s’attela à la tâche et ne trouva pas 1.000, encore moins 3.500, mais seulement 200 études qui traitaient du sujet. Parmi elles, la moitié n’étaient pas compatibles avec l’existence d’un lien causal. L’autre moitié étaient compatibles avec un tel lien causal, mais ouvrait aussi la porte à d’autres explications. Par ailleurs, les méthodes utilisées laissaient largement à désirer. Par exemple, on demanda aux enfants, après l’exposition à des images violentes, s’ils étaient prêts à faire exploser un ballon de baudruche ou s’ils souhaitaient frapper une poupée. Il s’agissait aussi de mesurer, sur le moment, leur état d’excitation.
Un autre spécialiste des media, John Murray, admit que le mythe des milliers d’études venait de lui, après qu’il eut compilé les articles scientifiques, mais aussi les articles de journaux sur la question, et toutes les publications qui s’y rapportaient de près ou de loin. Et sans recul critique, des associations prestigieuses, comme l’association américaine de psychologie, reprirent ce mythe. Pourquoi ? Encore une fois, car il allait dans le sens de leur idéologie cosmopolite[91].

Conclusion
En 2019, nous demandions à Michael Woodley of Menie[92] son avis sur l’avenir de la recherche sur l’intelligence, et précisément sur les différences raciales. Sa réponse fut pessimiste, et nous la comprenons. La situation semble se dégrader, puisque ce n’est plus seulement la question des différences raciales qui prête à controverse, mais dorénavant, semble-t-il, celle toute entière de la génétique comportementale et de la simple étude des différences individuelles. En effet, en 2018, Robert Plomin, éminent chercheur, publiait L’Architecte invisible[93], ouvrage dans lequel il synthétisait ses recherches en génétique comportementale, qui n’ont jamais porté sur les différences intellectuelles et comportementales entre les races ; pourtant, de manière très surprenante, on a pu trouver dans Nature une critique particulièrement hostile au travail de Plomin[94]. De surcroît, en 2021, Kathryn Paige Harden publiait La Loterie génétique[95], et Harden, contrairement à Plomin, a toujours été véhémente dans son antiracisme et dans son opposition aux scientifiques qui travaillent sur les différences raciales. Pourtant, Marcus Feldman and Jessica Riskin, dans The New York Review of Books, l’ont attaquée avec force et accusée de perpétuer, plus ou moins tacitement, une vision du monde raciste, eugéniste et essentialiste[96]. Si on peut voir là l’expression d’un cosmopolitisme qui monte en puissance, il s’agit aussi, comme le fait remarquer Noah Carl, de la suite logique du rejet de l’étude des différences raciales[97]. En effet, si l’on pense qu’évoquer les différences raciales sous l’angle génétique est raciste, alors pourquoi l’évocation des différences génétiques entre les individus ne rendrait-elle pas « classiste » et ne porterait-elle pas à considérer qu’il existerait des individus inférieurs ? Voilà ce qu’il en coûte à s’asseoir entre deux chaises.
Bien qu’elle soit loin d’être exhaustive, notre étude, nous l’espérons, aura permis au lecteur peu au fait des controverses présentes et passées qui traversent la recherche sur le sujet sensible de l’hérédité d’aiguiser son esprit critique et de ne pas être intimidé tant par les condamnations en grande pompe que par les arguments d’autorité[98].

Pierre de Tiremont


[1] « Minimum doctrinal » du Carrefour de l’Horloge (2019).

[2] « Races humaines : l’avis des experts » sur la chaîne YouTube Tiremont.

[3] Henry Harpending, « Reviewed Work: Taboo: Why Black Athletes Dominate Sports and Why We’re Afraid to Talk about It Jon Entine » [Revue de : Tabou : pourquoi les athlètes noirs dominent le sport et pourquoi nous avons peur d’en parler], Population and environnement (2000).

[4] Cité par Kevin MacDonald dans The Culture of Critique: An Evolutionary Analysis of Jewish Involvement in Twentieth-Century Intellectual and Political Movements [La Culture de la critique : analyse évolutionnaire de l’implication juive dans les mouvements intellectuels et politiques du XXe siècle], Praeger (1998), p. 22.

[5] Franz Boas, « Changes in the Bodily Form of Descendants of Immigrants » [Changements des caractéristiques physiques des descendants d’immigrés], American Anthropologist (1912).

[6] Clarence Gravelee et al., « Heredity, Environment, and Cranial Form: A Reanalysis of Boas’s Immigrant Data » [Hérédité, environnement et forme du crâne : réanalyse des données de Boas sur les immigrés], American anthropologist (2003).

[7] Corey Sparks et Richard Jantz, « A reassessment of human cranial plasticity: Boas revisited » [Réexamen de la plasticité du crâne : Boas reconsidéré], PNAS (2003).

[8] Boas pensait que la meilleure manière de mettre fin au racisme et au sentiment antijuif était que les blancs se mélangeassent avec les noirs et les Juifs avec les non-Juifs. Cependant, sans surprise, Boas se maria avec une Juive.

[9] Madison Grant, The Passing of the Great Race: Or, The Racial Basis of European History, Scribner, La nouvelle York (1916) ; l’ouvrage fut publié en français chez Payot (1926) sous le titre de Le Déclin de la grande race et préfacé par Georges Vacher de Lapouge.

[10] A People That Shall Dwell Alone: Judaism As a Group Evolutionary Strategy, With Diaspora Peoples [Un peuple qui doit demeurer seul : le judaïsme comme stratégie évolutionnaire de groupe, avec les peuples de la diaspora], Praeger (1994) ; Separation and Its Discontents Toward an Evolutionary Theory of Anti-Semitism [La séparation et ses travers : vers une théorie évolutionnaire de l’antisémitisme], Praeger (1998) ; The Culture of Critique An Evolutionary Analysis of Jewish Involvement in Twentieth-Century Intellectual and Political Movements, [La Culture de la critique : analyse évolutionnaire de l’implication juive dans les mouvements intellectuels et politiques du XXe siècle], Prager (1998).

[11] La Culture de la critique, p. 25.

[12] Ibidem.

[13] Margaret Mead, Coming of Age in Samoa: A Psychological Study of Primitive Youth for Western Civilisation, William Morrow and Co., La nouvelle York (1928), est paru en français chez Plon, Paris, en 1963 dans un recueil d’essais intitulé Mœurs et sexualité en Océanie.

[14] Si Freeman eut raison de sévèrement critiquer les insuffisances de Margaret Mead, il n’était pas lui-même dénué de biais. Une analyse de la controverse se trouve dans La Démolition de Margaret Mead : anatomie d’une controverse anthropologique [The Trashing of Margaret Mead : Anatomy of an Anthropological Controversy], University of Wisconsin Press (2009). Même si elle penche en faveur de Mead, elle n’est pas dénuée d’intérêt en ce qu’elle compare avec précision les approches des deux anthropologues, et permet ainsi de constater les insuffisances de Mead comme celles de Freeman.

[15] Ruth Benedict, Patterns of Culture, Houghton Mifflin, La nouvelle York (1934), est paru en France chez Gallimard, Paris, en 1950 sous le titre d’Échantillons de civilisations.

[16] La Culture de la critique, p. 26. MacDonald note par ailleurs que si Claude Lévi-Strauss était probablement guidé par les mêmes intérêts ethniques que Boas, le structuralisme français n’était pas un mouvement juif. En tout cas, Lévi-Strauss, comme Boas, évinçait les explications évolutionnaires et biologiques de ses recherches anthropologiques.

[17] Ibidem, p. 27.

[18] Ibidem, p. 28.

[19] Primitive War: Its Practices and Concepts, University of South Carolina Press (1949).

[20] Carleton Putnam, Race and Reason: A Yankee View, Public Affairs Press (1961).

[21] Une étude récente montre que les universitaires de droite ont bien plus tendance à s’autocensurer que les universitaires de gauche. Norris, Pippa, « Cancel culture: Heterodox self-censorship or the curious case of the dog-which-didn’t-bark » [Culture de l’effacement : diversité dans l’autocensure à propos de l’intrigante affaire du chien qui n’aboyait pas]. HKS Working Paper No. RWP23-020 (2023).

[22] Leon Kamin, The Science and Politics of I.Q., Lawrence Erlbaum Associates (1974).

[23] O. Gillie, « Crucial Data was Faked by Eminent Psychologist », London Sunday Times (1976).

[24] Leslie Hearnshaw, Cyril Burt, psychologist [Cyril Burt, psychologue], Hodder & Stoughton, Londres (1979).

[25] Jamy Gourmaud, le célèbre vulgarisateur scientifique de C’est pas sorcier, considérait dans une émission du 3 juillet 2022 sur la chaîne YouTube Jamy – Epicurieux que Burt fut responsable, avec les faussaires de l’homme de Piltdown et William Summerlin et ses souris tachetées, de l’une des « trois arnaques scientifiques les plus folles ».

[26] R. Joynson, The Burt affair [L’affaire Burt], Routledge, Londres (1989) ; Ronald Fletcher, Science, ideology and the media: the Cyril Burt scandal [La science, l’idéologie et les media : le scandale Cyril Burt], Transaction, Brunswick, Nouvelle-Jersey (1991).

[27] N. Mackintosh, Cyril Burt: fraud or framed? [Cyril Burt : fraude ou coup monté ?], Oxford University Press (1995).

[28] Gavan Tredoux, « Defrauding Cyril Burt: A reanalysis of the social mobility data » [Réhabiliter Cyril Burt : réanalyse des données de la mobilité sociale], Intelligence (2015).

[29] Voir notre vidéo intitulée « Baisse du QI : déjà tous crétins ? » (2020) publiée sur la chaîne YouTube Tiremont.

[30] Philippe Rushton, « New evidence on Sir Cyril Burt: His 1964 Speech to the Association of Educational Psychologists » [Nouvelle preuve à propos de Cyril Burt : son allocution de 1964 pour les psychologues de l’éducation], Intelligence (2002).

[31] Voir notre article « Nous sommes nos gènes. Voyage en génétique comportementale avec Robert Plomin » (2023) sur lesquen.fr.

[32] Qui passa de la défense à l’accusation.

[33] Stephen Jay Gould, The Mismeasure of Man, W. W. Norton & Company, La nouvelle York (1981, 1996). La version française est parue chez Odile Jacob, Paris, sous le titre de La Mal-Mesure de l’homme en 1997.

[34] Richard J. Herrnstein et Charles Murray, The Bell Curve: Intelligence and Class Structure in American Life [La Courbe en cloche : intelligence et classe sociale en Amérique], Free press, La nouvelle York (1994). L’ouvrage n’a jamais été traduit en français.

[35] Par exemple, dans la première édition de La Mal-Mesure de l’homme, Gould ne consacre que quatre pages superficielles aux travaux d’Arthur Jensen, et, dans la deuxième édition, il ignore complètement les réponses que Jensen lui a faites.

[36] Leon Kamin, op. cit., cité par MacDonald dans La Culture de la critique, op. cit., p. 33.

[37] Ibidem.

[38] Emil O. W. Kirkegaard et John G.R. Fuerst, « A Multimodal MRI-based Predictor of Intelligence and Its Relation to Race/Ethnicity » [Prédicteur multimodal de l’intelligence fondé sur l’imagerie par résonnance magnétique et ses relations avec la race ou l’ethnie], Mankind Quarterly (2023).

[39] On pourrait aussi citer l’accusation de fraude que proféra Gould envers Goddard, qui aurait retouché des photographies de la famille Kallikak, qu’il étudiait, pour la rendre menaçante et arriérée. On a montré par la suite que les traits qui pouvaient paraître étranges étaient probablement dus à la façon dont les photographies furent reproduites. De plus, un sondage réalisé auprès de gens qui ne connaissaient pas la famille a montré que, en regardant ces photos, ils avaient largement tendance à trouver les membres de la famille sympathiques et intelligents plutôt que l’inverse.

[40] Voir l’article de Kevin MacDonald et Michael Woodley of Menie, « Evolution of intelligence » [L’évolution de l’intelligence], Encyclopedia of Evolutionary Psychological Science, Springer, La nouvelle York (2021).

[41] Robert Wright, « Homo Deceptus: Never trust Stephen Jay Gould », Slate (1996), cité par MacDonald, ibidem, p. 37.

[42] Wilkins, John S. et Nelson, G. J. « Trémaux on species: A theory of allopatric speciation (and punctuated equilibrium) before Wagner » [Trémaux à propos des espèces : théorie de la spéciation allopatrique (et de l’équilibre ponctué) avant Wagner », History and Philosophy of the Life Sciences (2008). Moritz Wagner (1813-1887) était un naturaliste bavarois.

[43] Michael Woodley of Menie et al., « Communicating intelligence research: Media misrepresentation, the Gould Effect, and unexpected forces » [Communiquer la recherche sur l’intelligence : désinformation médiatique, l’effet Gould et autres tendances inattendues], Intelligence (2018).

[44] Richard Lewontin, Steven Rose, Leon Kamin, Not in Our Genes: Biology, Ideology and Human Nature, Pantheon Books, La nouvelle York (1984). Cet ouvrage a été publié en français sous le titre de Nous ne sommes pas programmés en 1985 aux éditions La Découverte, Paris.

[45] Richard Lerner, Final Solutions: Biology, Prejudice, and Genocide [Solutions finales : biologie, préjugé et génocide], University of Pennsylvania Press (1959).

[46] Michael Woodley of Menie et Matthew Sarraf, « Controversies in Evolutionary Psychology », Encyclopedia of Evolutionary Psychological Science, Springer, La nouvelle York (2018).

[47] Voir notre article « Nous sommes nos gènes. Voyage en génétique comportementale avec Robert Plomin » sur lesquen.fr (2023).

[48] Voir, sur le site du Carrefour de l’Horloge, la page du prix Lyssenko : https://carrefourdelhorloge.fr/prix-lyssenko/.

[49] En effet, si l’on applique à l’espèce humaine les critères utilisés par les biologistes pour déterminer les sous-espèces, l’existence de races humaines ne fait aucun doute. Voir l’article de Heiner Rindermann, « Biological categorization within Homo sapiens and its consequences for differences in behavior – or not » [Catégorisation biologique au sein d’homo sapiens et ses implications dans les différences comportementales – ou pas], Human Evolution (2023).

[50] A. W. F. Edwards, « Human genetic diversity: Lewontin’s fallacy » [Diversité génétique humaine : le sophisme de Lewontin], BioEssays (2003).

[51] Razib Khan, « 10 questions for Luigi Luca Cavalli-Sforza » [Dix questions pour Luigi Luca Cavalli-Sforza], Gene Expression (2006).

[52] David Reich, Who We Are and How We Got Here, Oxford University Press (2018). Une version française a été publiée en 2019 sous le titre de Comment nous sommes devenus ce que nous sommes. La nouvelle histoire de nos origines révélée par l’ADN ancien aux éditions Quanto, de l’école polytechnique fédérale de Lausanne.

[53] Robert Trivers, « Vignettes of Famous Evolutionary Biologists, Large and Small » [Anecdotes à propos de célèbres biologistes de l’évolution, petites et grosses], The Unz Review (2015).

[54] D’abord pensée pour les différences interspécifiques par Edward Wilson et Robert MacArthur en 1967, c’est Philippe Rushton qui applique le premier aux êtres humains la théorie des histoires de vie, dont la version la plus détaillée se trouve dans son maître ouvrage, Race, Evolution, and Behavior: A Life History Perspective [Race, évolution et comportement : la théorie des histoires de vie], The Charles Darwin Research Institute, Port Huron, Michigan (2000). Pour une reproduction récentes des travaux de Rushton, voir Aurelio Figueredo, « The biogeography of human diversity in life history strategy » [La biogéographie de la diversité humaine dans les stratégies d’histoire de vie], Evolutionary Behavioral Sciences, (2021).

[55] La mortalité est dite aléatoire quand elle n’est pas prévisible comme, par exemple, celle d’une épidémie. On lui oppose une mortalité dite prévisible comme, par exemple, celle due aux hivers froids.

[56] Michael Woodley of Menie, « The Cognitive Differentiation-Integration Effort Hypothesis: A Synthesis between the Fitness Indicator and Life History Models of Human Intelligence » [L’hypothèse du résultat d’intégration-différenciation cognitive : synthèse de l’indicateur d’adaptation et les modèles d’histoire de vie », Review of General Psychology (2011).

[57] Il tenta de brûler les archives de l’université de Francfort, pour laquelle il travaillait, ou encore de vendre la collection de crânes de chimpanzés qu’elle possédait.

[58] Robert Bednarik, The Domestication of Humans [La Domestication de l’homme], Routledge, Londres (2020), p. 27.

[59] Nous tirerons les développements suivants du livre de Milford Wolpoff, Race and Human Evolution : a Fatal Attraction [Race et évolution humaine : attirance fatale], Westview Press, Boulder, Colorado (1997) ainsi que de La Domestication de l’homme, précédemment cité.

[60] Michel Tibayrenc et Francisco Ayala, Notre humaine nature, Éditions Rue de Seine, Paris (2022), p. 88.

[61] Elle part aussi du principe que la transmission est exclusivement maternelle, ce qui est loin d’être certain non plus. Un autre problème de l’ADN ancien est qu’il a pu être dégradé avec le temps, ce qui rend son analyse peu fiable.

[62] Il est amusant de noter que Gould expliquait son attirance pour cette idée de changements rapides et brutaux dans l’évolution par une homologie avec la révolution, laquelle était son horizon politique en tant que marxiste.

[63] Voir https://lucperino.com/382/maladies-mentales-trois-hypotheses-evolutionnistes.html (2015).

[64] La théorie de la coévolution gènes-culture est parfois dite théorie du double héritage. Le premier terme a été donné par deux généticiens de Stanford, Marc Feldman et Luca Cavalli-Sforza, et le second par deux anthropologues de l’université de Californie, Robert Boyd et Peter Richerson. Bien que certains chercheurs considèrent que ces intitulés représentent des conceptions différentes, la plupart d’entre eux les prennent comme synonymes. À la fin des années 1970, Charles Lumsden et Edward Wilson furent engagés dans une course contre Cavalli-Sforza et Feldman pour publier le premier livre sur le sujet. C’est l’ouvrage de Lumsden et Wilson, Genes, Mind and Culture [Les gènes, l’esprit et la culture]qui fut publié en premier en 1981, mais c’est La transmission de la culture et l’évolution [Cultural Transmission and Evolution]de Cavalli-Sforza et Feldman, sorti plus tard la même année, qui aura une influence durable.

[65] John Hawks et al., « Recent acceleration of human adaptive evolution » [L’accélération récente de l’évolution adaptative humaine], PNAS (2007).

[66] Gregory Cochran et Henry Harpending, The 10,000 Year Explosion: How Civilization Accelerated Human Evolution [L’explosion des 10.000 ans : comment la civilisation a accéléré l’évolution de l’humanité], Basic Books, La nouvelle York (2009).

[67] Michael A. Woodley, « The Biosocial Model of the Rise of Western Civilization: a Counter-Point to Oesterdiekhoff (2013) » [Le modèle biosocial de l’apparition de la civilisation occidentale : critique d’Oesterdiekhoff (2013)], The Mankind Quarterly (2014).

[68] Gregory Clark, A Farewell to Alms: A Brief Economic History of the World, Princeton University Press (2007).

[69] Voir, à nouveau, notre vidéo « Baisse du QI : déjà tous crétins ? » (2020) sur la chaîne YouTube Tiremont, qui se fonde largement sur le travail de Michael Woodley of Menie.

[70] George Floyd était un noir américain, repris de justice multirécidiviste, qui est mort en mai 2020 lors de son arrestation par un policier. Cet incident a provoqué le vaste mouvement « Black Lives Matter ».

[71] Elizabeth A. DiGangi et Jonathan D. Bethard, « Letter to the Editor—Moving Beyond a Lost Cause: Forensic Anthropology and Ancestry Estimates in the United States » [Lettre à l’éditeur – Au-delà d’une cause perdue : l’anthropologie judiciaire et l’estimation de l’origine aux États-Unis], Journal of forensic sciences (2020).

[72] Un petit affaissement sur le haut du crâne.

[73] Neven Sesardić, « Race: A Social Destruction of a Biological Concept » [Race : la destruction sociale d’un concept biologique], Biology and Philosophy (2010).

[74] Sabrina Imbler, « Can Skeletons Have a Racial Identity? » [Les squelettes peuvent-ils avoir une identité raciale ?], New York Times (19 octobre 2021).

[75] Nous fondons largement cette partie sur les deux articles suivants : Noah Carl, « How Stifling Debate Around Race, Genes and IQ Can Do Harm » [Comment étouffer le débat au sujet de la race, des gènes et du QI peut nuire], Evolutionary Psychological Science (2018) ; Nathan Cofnas, « Research on group differences in intelligence: A defense of free inquiry » [Différences entre les groupes dans l’intelligence : en défense d’une recherche libre], Philosophical Psychology (2020).

[76] Anuradha Ramamoorthy, « Racial and Ethnic Differences in Drug Disposition and Response: Review of New Molecular Entities Approved Between 2014 and 2019 » [Différences ethniques et raciales dans les réactions aux médicaments : revue des formules moléculaires autorisées entre 2014 et 2019], The Journal of Clinical Pharmacology (2022).

[77] D’aucuns ont pu prétendre que l’effet du stéréotype expliquait pourquoi les femmes comme les noirs n’étaient pas aussi bons que les hommes ou les blancs dans certaines tâches cognitives. Concrètement, la diffusion d’un lieu commun selon lequel les noirs seraient moins intelligents que les blancs, ou les femmes moins bonnes en mathématiques que les hommes, influencerait leurs résultats à l’école ou sur les épreuves de QI. Cependant, la littérature sur l’effet du stéréotype est criblée de biais et les principales études n’ont jamais pu être reproduites. L’idée que les noirs soient sujets à un tel effet est par ailleurs surprenante puisqu’il a été remarqué que leur estime de soi était supérieure à celle des blancs. Voir, pour ce dernier point, J. Bachman et al., « Adolescent self-esteem: Differences by race/ethnicity, gender, and age » [L’estime de soi chez l’adolescent : différences selon la race, l’ethnie, le sexe et l’âge], Self and Identity (2011).

[78] Ce paradoxe est analysé par Heiner Rindermann dans Cognitive capitalism: Human capital and the wellbeing of nations [Capitalisme cognitif. Capital humain et bien-être des nations], Cambridge University Press (2018).

[79] Peter Singer, « Should We Talk About Race and Intelligence? » [Devrions-nous parler de race et de l’intelligence ?], Syndicate Project (2007).

[80] En Californie, les « réparations », qui seront de nature financière, sont déjà au programme.

[81] « Races humaines : l’avis des experts » (2020) sur la chaîne YouTube Tiremont.

[82] Cité par Noah Carl dans son article « Expert surveys on biological group differences » [Sondages des experts à propos des différences biologiques entre les groupes], https://www.noahsnewsletter.com (2022).

[83] Évidemment, ces données ne sont pas parfaites. Les sondés peuvent rechigner à répondre à un sondage mené par un chercheur dont ils n’apprécieraient pas les idées, ce qui peut expliquer un taux de réponse parfois faible, comme celui de l’étude d’Heiner Rindermann : sur 1.237 chercheurs contactés, seuls 265 ont répondu.

[84] Noah Carl et Michael Woodley of Menie, « A scientometric analysis of controversies in the field of intelligence research » [Analyse scientométrique des controverses dans le champ de la recherche sur l’intelligence], Intelligence (2019).

[85] Noah Carl, « Recent controversies in intelligence research » [Controverses récentes dans la recherche sur l’intelligence], https://www.noahsnewsletter.com (2022).

[86] Nous l’avons déjà citée : une étude récente a montré que les universitaires de droite avaient bien plus tendance à s’auto-censurer que les universitaires de gauche. Norris, Pippa, « Cancel culture: Heterodox self-censorship or the curious case of the dog-which-didn’t-bark » [Culture de l’effacement : auto-censure hétérodoxe ou la curieuse affaire du chien qui n’aboyait pas], HKS Working Paper No. RWP23-020 (2023).

[87] Cette partie se fonde largement sur l’article de Nathan Cofnas, Noah Carl et Michael Woodley of Menie « Does Activism in Social Science Explain Conservatives’ Distrust of Scientists? » [L’activisme dans les sciences sociales explique-t-il le manque de confiance dont font preuve les gens de droite envers les scientifiques ?], The American Sociologist (2017).

[88] Robert Putnam, « E Pluribus Unum: Diversity and Community in the Twenty-first Century. The 2006 Johan Skytte Prize Lecture » [E pluribus unum : diversité et communauté au XXIe siècle – Conférence pour le prix Johan Skytte, 2006], Scandinavian Political Studies (2007).

[89] « En droit, un amicus curiae est une personnalité ou un organisme, non directement lié aux protagonistes d’une affaire judiciaire, qui propose au tribunal de lui présenter des informations ou des opinions pouvant l’aider à trancher l’affaire, sous la forme d’un mémoire (un amicus brief), d’un témoignage non sollicité par une des parties, ou d’un document traitant d’un sujet en rapport avec le cas. » Définition donnée par Wikipédia.

[90] Peter Thisted Dinesen, Merlin Schaeffer, Kim Mannemar Sønderskov, « Ethnic Diversity and Social Trust: A Narrative and Meta-Analytical Review » [Diversité ethnique et confiance sociale : revue descriptive et méta-analytique], Annual Review of Political Science (2020).

[91] Nous ne résistons pas à l’envie d’évoquer la fraude massive de Diederik Stapel, psychologue néerlandais dont les publications furent massivement retirées – plus de 58 ! Stapel, en effet, inventait toutes ses données, ce qui lui permit de concocter des articles très cosmopolitiquement corrects, lesquels lui valurent une certaine renommée, au point d’être publié dans la très prestigieuse revue Science et d’être nommé dans la liste des « dix scientifiques de l’année » de Nature en 2011. Entre autres inventions, Stapel affirmait que vivre entouré d’ordures faisait naitre des sentiments racistes, ou que la consommation de viande rouge réveillait des instincts égoïstes et antisociaux. Dans Science Fictions: How Fraud, Bias, Negligence, and Hype Undermine the Search for Truth [Fictions scientifiques : comment la fraude, les biais, la négligence et le matraquage minent la recherche de la vérité], Metropolitan Books, La nouvelle York (2020), Stuart Ritchie raconte l’histoire de Stapel et de nombreuses autres.

[92] Publié en 2019, l’entretien a été dépublié à la demande de Michael Woodley of Menie afin d’éviter les controverses.

[93] Robert Plomin, Blueprint: How DNA Makes Us Who We Are [L’Architecte invisible. Comment l’ADN façonne notre personnalité], Penguin, Londres (2018) et les Presses de la cité, Paris (2023) pour la version française.

[94] Nathaniel Comfort, « Genetic determinism rides again » [Le déterminisme génétique est de retour], Nature (2018).

[95] Kathryn Paige Harden, The Genetic Lottery: Why DNA Matters for Social Equality [La Loterie génétique. Comment les découvertes en génétique peuvent être un outil de justice sociale], Princeton University Press (2021) et Les Arènes, Paris (2023) pour la traduction française.

[96] Marcus Feldman et Jessica Riskan, « Why Biology is not Destiny » [Pourquoi la destinée n’est pas biologique], The New York Review of Books (2022).

[97] Noah Carl, « They’re coming for behaviour genetics » [Ils débarquent sur la génétique comportementale], https://www.noahsnewsletter.com (2022).

[98] Helmuth Nyborg raconte les mésaventures de nombreux chercheurs, dont Arthur Jensen, Philippe Rushton et Richard Lynn dans un article intitulé « The Greatest Collective Scientific Fraud of the 20th Century: The Demolition of Differential Psychology and Eugenics » [La plus grande fraude collective scientifique du XXe siècle : la démolition de la psychologie différentielle et de l’eugénisme], Mankind Quarterly (2011).

3 Commentaires

  • Tres bonne, ca cette le tipes du ecrits que je plus aime: discusion du sociobiologie avec dates et sources

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  • Je recomende a lire aux Monsieur Lesquen le livre An intrduction to youth [a introduction a l’Jeunesse] par Joseph Bronski, je croix que il voi encontres tres interesainte

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  • Les nazis sont de gauche, d’accord a vous je ne crois plus sur la division droite-gauche mais je sai que tu refer a cosmoplite, marxiste etc… majoritairemente dans se texte, mai aussi racistes donc dans que parte de les deux poles de la gauche sont ils? et aussi le racisme cette exclusif de la droite ou ete presente aussi dans la gauche? Si la deux preposition cette vrai donc la gauche ce ne pas essencialement anti-raciste?

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